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Tous les enseignants mettent en place le tutorat dans leur classe mais l’identification des élèves tuteurs est mise en place de différentes manières. En effet, les enseignants qui mettent en place les ceintures de compétences (E1, E2, E4, E6) s’appuient sur ce dispositif pour que les élèves en difficulté puissent demander de l’aide à leurs camarades qui ont une ceinture plus élevée dans le domaine qui leur pose problème comme le prévoit initialement F. Oury. Deux d’entre eux (E1 et E6) ont également mis en place des tuteurs dans les domaines qui ne sont pas

recouverts par les ceintures (compétences scolaires, méthodologiques et micro-tâches). Pour les enseignants E3 et E5 nous n’avons pas de réelle indication sur la manière dont elles mettent en place le tutorat même si pour E3 (ainsi que pour E1, E4 et E5) il y a une forme de tutorat naturel qui semble s’être mis en place. Cet aspect permet d’observer que les élèves tiennent à la possibilité de travailler ensemble et va dans le sens de Meirieu dans la mesure où celui-ci insiste sur l’importance de la collectivité malgré des parcours différenciés.

Le premier avantage qui ressort pour quatre des enseignants (E1, E4, E5 et E6) est de pouvoir avoir plus de temps pour s’occuper des élèves en difficulté pendant que les tuteurs aident les autres élèves pour des tâches moins complexes ; E5 quant à elle jusqu’à dire que le tutorat permet à « l'enseignant [de] différencier d'un côté pendant que les élèves tuteurs peuvent le faire aussi de l'autre côté ». Cela corrobore les affirmations des chercheurs qui notent également que le tutorat permet de faciliter la gestion du groupe classe. La citation d’E5 montre que l’enseignante considère que l’aide apportée par les tuteurs équivaut à l’aide qu’elle-même peut apporter et d’ailleurs la majorité des enseignants (E1, E2, E3, E5 et E6) reconnaît les apports du tutorat pour les élèves tutorés. Les avantages selon eux, et qui sont également observés par les chercheurs de notre cadre théorique, sont que les élèves en difficulté ont la possibilité d’obtenir de l’aide plus rapidement puisque les sources d’aide sont plus nombreuses et donc davantage disponibles. Les cinq professeurs des écoles avancent également l’idée que le fait que ce soit des camarades qui expliquent aux tutorés permet à ces derniers d’assimiler plus facilement les apprentissages, certains avancent même des hypothèses pour expliquer cela : explications davantage à leur portée en termes de vocabulaire ou de cheminement de pensées (E1, E3 et E5), lien affectif (E3 et E6) ou encore parce que le tuteur est lui-même passé par des difficultés (E1). Cet avantage montre bien que, comme il est avancé par les chercheurs, la coopération permet à l’élève tutoré de surmonter une difficulté et ceci peut également s’expliquer en partie grâce à l’effet vicariant de l’apprentissage (lorsque le tuteur montre un exemple de la manière d’effectuer un exercice par exemple). Malgré tout, les enseignants s’accordent dans la quasi-totalité (sauf E4) sur le fait que le tutorat ait un réel bienfait pour les élèves tutorés, qui leur permet de pouvoir intégrer certains apprentissages grâce aux tuteurs.

Les cinq enseignants qui y voient un avantage en termes d’apprentissage pour les tutorés y voient également des bienfaits dans le même domaine pour les tuteurs également. S. Connac affirme d’ailleurs que le tutorat est une des formes de pratiques coopératives la plus à même de prendre en compte la diversité des élèves. Trois de ces cinq enseignants (E1, E2 et E3) affirment que leur rôle de tuteur leur permet de renforcer les savoirs qu’ils ont acquis grâce aux explications qui leur permettent de formuler et ainsi d’effectuer un travail métacognitif tandis

qu’E5 parle d’un avantage à être tuteur dans le fait d’être obligé de verbaliser même si elle ne parle renforcer les savoirs elle affirme que le tutorat permet de différencier à la fois pour les élèves à « fort potentiel » et pour les élèves en difficulté. Connac explique ce phénomène par une double opération de mobilisation / adaptation des savoirs du tuteur lui permettant de renforcer ses apprentissages en les rendant plus authentiques et durables. L’enseignant E6 quant à lui y voit l’avantage de permettre aux tuteurs de « revoir les choses » ce qui reste un bienfait pour les apprentissages mais qui n’est peut-être pas aussi important que pour les quatre autres enseignants. Pour ces derniers, on peut dire qu’il y a une forme de co-apprentissage au sein du tutorat dans le sens où les tutorés assimilent certains savoirs grâce aux tuteurs tandis que ceux- ci renforcent leurs savoirs grâce à la relation qui les unit ce qui peut être relié aux dires de S. Connac qui affirme que la coopération est un moyen d’apprentissage. D’ailleurs, E1 parle de « co-apprendre » et de « co-construction » lorsque nous l’interrogeons sur le tutorat tandis qu’E3 affirme que « celui qui est aidé mais celui qui aide, les deux apprennent ». Connac va d’ailleurs jusqu’à dire que le tutorat fait partie de l’empan des pratiques coopératives qui enrichissent le processus d’enseignement / apprentissage. Notre travail de recherche semble donc corroborer ces affirmations.

E2, E3 et E6 avancent également l’idée que les tuteurs sont valorisés ce qui leur permet de gagner en estime de soi ce qui constitue également un apprentissage même si celui-ci pourrait être qualifié de « moins scolaire » dans la mesure où il ne concerne pas les disciplines enseignées à l’école (il est cependant utile pour que les élèves soient en confiance et s’engagent plus facilement dans les apprentissages). Connac note également cet avantage pour le tuteur et parle d’intérêt social permettant de donner du sens aux apprentissages. Cette idée de co- apprentissage est d’autant plus mise en avant pour les enseignantes E2 et E3 dans le sens où elles mettent en place la réciprocité du tutorat qui permet aux élèves de pouvoir jouer les deux rôles en fonction du domaine concerné (un élève A peut aider un élève B en mathématiques tandis que ce sera l’inverse en français par exemple). C. Hébert-Suffrin affirme d’ailleurs que cet aspect est indispensable pour que la coopération asymétrique ait des effets pédagogiques vraiment intéressants.

L’enseignante E4 est un peu à part ici puisque nous n’en avons pas encore parlé dans la mesure où nous n’avons pu relever aucun signe qui montre qu’elle perçoit ou au contraire ne perçoit pas d’apprentissage grâce au tutorat que ce soit pour le tuteur ou que ce soit pour le tutoré. Nous lui avons donc posée la question directement au cours de l’entretien et elle affirme ne pas avoir assez de recul pour y répondre dans la mesure où elle a mis en place les pratiques coopératives de classe il y a moins d’un an. Cela peut en effet s’expliquer puisque pour déceler

un apprentissage il suffit d’évaluer l’élève sur ce dernier mais il est difficile de savoir quels outils l’ont influencé dans la mesure où tous ceux qui sont mis en place dans une classe ont pour objectif de permettre aux élèves d’apprendre. C’est d’autant plus compliqué pour cette enseignante que pour pouvoir identifier les éventuels bienfaits ou inconvénients du tutorat l’enseignant doit être en capacité d’avoir une analyse réflexive sur cette pratique alors qu’E4 en est à l’étape où elle règle les modalités de mise en place de celles-ci. Son point de vue est malgré tout intéressant dans le sens où il montre que les outils de cette pédagogie demandent un temps de mise en place avant de pouvoir en discerner les effets. Cette enseignante facilite malgré tout la recherche de tuteurs pour les élèves en difficulté dans la mesure où ses élèves demandent de l’aide aux enfants qui ont une ceinture plus élevée sur la compétence dont il est question puisque tous les élèves ont accès aux niveaux de ceintures de leurs camarades. Les enseignants E1, E2, E5 et E6 ont d’ailleurs également mis en place des outils permettant de faciliter la recherche de tuteur pour les élèves qui en ressentent le besoin. La majorité des enseignants s’accordent également à dire qu’il faut malgré tout veiller à ce que les tuteurs soient bien formés ce qui est d’ailleurs également souligné par S. Connac qui évoque aussi l’existence d’une évaluation pour les tuteurs afin de s’assurer qu’ils ont bien intégré la manière dont ils peuvent apporter de l’aide aux tutorés. Cependant, aucun des enseignants interrogés n’a mentionné avoir recours à l’évaluation des compétences des tuteurs ce qui pourrait ici être considéré comme un point faible dans la mise en place du tutorat puisqu’aucun d’entre eux ne vérifie la capacité des tuteurs à venir en aide aux élèves en difficulté. Or, il s’agit ici d’une compétence aussi importante que les compétences que l’on pourrait qualifier de plus scolaires dans le sens où elle semble avoir un impact sur l’acquisition des compétences des élèves comme nous venons de l’observer ici.