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La rareté d’une espèce, selon des critères quantitatifs (le nombre d’individus que compte une population) ou spatiaux (son aire de répartition), quand ce n’est les deux (sa densité), est généralement un déterminant des moyens alloués à son suivi puis sa gestion. D’autres critères rentrent en compte, comme sa valeur patrimoniale (le bouquetin dans le Parc de la Vanoise par exemple - Mauz, 2012) ou le défi symbolique qu’elle peut représenter (la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées par exemple). Sa capacité à susciter l’attachement constitue aussi un facteur de notoriété, et par ricochet, une variable déterminante dans les investissements consentis. La sauvegarde des gypaètes dans les Alpes, attracteurs et attraction du touriste, mobilise ainsi bien plus de moyens pour sa sauvegarde que ne peut le faire le desman dans les Pyrénées, méconnu et peu visible.

Outre ces espèces rares ou patrimoniales, la Nature « ordinaire » (Godet, 2010) regroupe des espèces plus communes et familières (le moineau domestique des terrasses urbaines ou le merle noir de notre jardin), souvent abondantes, largement réparties dans l’espace et, de fait, non prioritaires en termes de conservation. D’autres espèces subissent des pressions anthropiques, dont certaines, comme la chasse, prennent la forme d'un prélèvement direct sur leurs populations. Il peut intervenir en réponse à des dégâts (les grands ongulés sur les cultures…), pour des motifs relevant du loisir combiné à une fonction alimentaire (la palombe, le lièvre ou le faisan), sportive (la chasse au chamois) ou du prestige (la chasse au trophée pour le cerf ou le mouflon). Au-delà, la problématique se complexifie quand l’espèce commet des dégâts tout en étant menacée (le cas du loup)…

Chacun de ces motifs de gestion exige certes des moyens humains, techniques ou règlementaires particuliers, mais surtout, en amont, des informations sur les espèces commandées par l'objectif central de la gestion. Dans le souci d'éclairer la nature originale des informations que requiert chacun de ces grands objectifs, ce chapitre est organisé en trois parties. La première examinera la nature et les conditions de collecte de l'information requises pour la gestion d’une espèce endémique et patrimoniale dans un espace protégé (le bouquetin des Alpes). La seconde s'attachera à dégager celles qu'exige la gestion d’espèces chassables et plus communes (le sanglier et la perdrix). Enfin, le dernier examinera celles nécessaire aux espèces à enjeux de conservation présentes à la fois dans des ENP et dans la nature banale, à travers l’exemple du loup.

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1. LE BOUQUETIN DES ALPES CAPRA IBEX IBEX DANS LE PARC NATUREL

NATIONAL DE LA VANOISE, OU LA GESTION D’UNE ESPECE PATRIMONIALE ET ENDEMIQUE DANS UN ESPACE NATUREL PROTEGE (ENP).

1.1. Le bouquetin, symbole et élément de légitimation du Parc National de la Vanoise.

La nécessité de protéger puis gérer espaces et espèces a été l’un des principaux moteurs de création des premiers ENP. Le premier Parc Naturel National au monde, Yellowstone, fut créé en 1879 aux Etats-Unis, tandis que des voisins européens comme l’Italie créaient les Parcs

nationaux du Grand Paradis (Parco nazionale Gran Paradiso) et des Abruzzes, Latium et

Molise (Parc nazionale d’Abruzzo, Lazio e Molise) respectivement en 1922 et 1923. La France

s’est montrée tardive dans ce domaine, mais un tournant fut pris dans les années 1960, avec la

création de six parcs nationaux (Larrère, 2009). Ils peuvent être définis comme « des territoires

qui dans un ensemble homogène non exploité par l'homme, présentent des formations, paysages, écosystèmes, espèces animales et végétales de grand intérêt » (Biancheri et Claudin, 2002). Ces espaces bénéficient donc d’un statut de protection fort, où l’activité humaine est limitée afin de contribuer à la conservation de la Nature.

La mise en place d’un tel zonage doit donc être justifiée par des enjeux suffisamment importants pour s'imposer aux objections sociales que sa création suscite (sur les vingt-sept communes qui composent le Parc de la Vanoise (premier parc créé en France, en 1963), cinq étaient en désaccord avec sa création). Dans ce contexte, une espèce a concentré tous les regards, sa survie étant affichée comme un des motifs justifiant qu'il soit institué : le bouquetin

des Alpes Capra ibex ibex (Girard, 2000 ; Leca et al., 2013). Si une réserve naturelle avait été

créée en 1943 par un contingent d’acteurs locaux tous concernés par l’espèce à des fins différentes (Club alpin français, Touring-Club de France et chasseurs), le nombre des bouquetins diminuait inexorablement jusqu’à atteindre un seuil critique d’une trentaine à une

soixante d’individus (Bardel, 1971 ; Girard, 2006), tous localisés dans la Vanoise (Leca et al.,

2013). Examinons donc comment, dans ce contexte d’urgence, la collecte puis la gestion des informations sur l’espèce a constitué un des déterminants premier de sa sauvegarde.

1.2. Constituer des savoirs sur une espèce patrimoniale en mauvais état de conservation.

1.2.1. Les informations acquises dans le temps court : réaliser un état des lieux pour « comprendre l’espèce » dans son territoire.

Les connaissances sur le bouquetin des Alpes n’étaient pas inexistantes à la création du Parc. D’autres pays européens menaient depuis longtemps des suivis et appliquaient des mesures de gestion pour l’espèce. L’Italie assurait notamment sa protection depuis 1821, et la

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création du Parc national du Grand Paradis qui a permis la préservation de la souche sauvage de l’espèce (Girard, 2010). Adjacent à la Vanoise, ses gestionnaires disposaient d’une expérience transmissible à leurs homologues français. Outre cette proximité, certains spécialistes locaux de l’espèce, alpinistes ou chasseurs, possédaient également des connaissances poussées (on pense notamment à Marcel AJ Couturier qui écrivit un ouvrage

référence sur l’espèce dès 19627, permettant notamment d’établir l’âge – jeune, subadulte,

adulte – des individus, tout comme leur sexe). Néanmoins, des inconnues subsistaient quant à son utilisation précise des différentes parties du Parc, et sur les fonctions écologiques qu’elles remplissaient.

Partant des informations déjà existantes et tout en cherchant à compléter les manquantes, un état des lieux précis sur l’espèce a été établi. Il consistait dans un premier temps à identifier les différents groupes d’individus (hardes…), établir leur composition intra-spécifique (âge-ratio, sex-ratio) puis déterminer leur occupation de l’espace, notamment en termes de densité. Collecter ces données impliquait donc de suivre ces individus sur l’ensemble du Parc, sur la base d’une identification opérée à l’échelle des individus. Le PNN de la Vanoise disposant de quelques dizaines de gardes (Préau, 1964), son étendue (200 000 ha dont 53 000

ha d’espace « cœur » (Leca et al., 2013)) imposait un long travail de prospection. Les tournées

régulièrement effectuées par les gardes fournissaient quelques informations mais aucune opération de comptage systématique n’a pu couvrir l’ensemble du Parc entre 1963 et 1976. Si des comptages estivaux furent organisés jusqu’en 1985, ils étaient concomitants avec ceux du chamois et pas suffisamment précis.

Si des bouquetins étaient en effet repérés dans telle ou telle partie du Parc, et identifiés selon leur âge ou leur sexe, rien ne permettait de distinguer les individus entre eux, et donc de discerner tel groupe d’un autre. Dans ce contexte, comprendre l’utilisation de l’espace par les différentes hardes, par ailleurs peu nombreuses, s’avérait extrêmement difficile. Du fait de cette incertitude relative, le choix d’effectuer des opérations de réintroduction a été fait dès 1969. Le

lâcher d’une harde de cinq bouquetins (Leca et al., 2013) a permis d’améliorer la qualité du

suivi, les marquages de ces individus permettant de les identifier visuellement de manière sûre. Ce problème de distinction des individus autochtones étant toujours présent, des opérations de captures permettant de marquer certains animaux par des anneaux colorés ont été entamées à partir de 1979. Les comptages deviennent alors systématiques dans les années 1980 (ib.), et se renforcent en 1986 avec la mise en place du Programme national de recherche sur le bouquetin des Alpes. Ils interviennent soient lors des tournées spécifiques (donc consacrées à l’espèce) tous les quinze jours, soient lors d’opérations habituelles de surveillance par les agents du Parc (Girard, 2000). Les données sont recueillies à travers des fiches standardisées qui permettront d’identifier les individus dans l’espace et dans le temps (leur localisation à tel moment…) tout en mesurant leur taux d’agrégation (groupements d’individus marqués, taille des groupes…).

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L’ensemble de ces données permet donc peu à peu de comprendre l’utilisation spatio-temporelle du territoire par les individus, et puis, après quelques années, d’émettre des hypothèses sur leurs déplacements. Il est alors possible de comprendre l’utilisation du territoire par des groupes (défini comme les assemblages d'animaux dont la distance entre individus est inférieure à 50 m - Girard, 2000, citant Berducou et Bousses, 1985) issus de différentes

populations (on en recense trois noyaux en 1986 - Leca et al., 2013). Les taux de fécondités

peuvent aussi être estimés (présence de jeunes avec les adultes marqués), et les lieux fréquentés autorisent des déductions quant aux zones d’alimentation que privilégient les bouquetins. Une première « vague » de résultats est donc présentée dans le volume XVIII des Travaux scientifiques du Parc en 1994, incluant également des études plus avancées, sur la pathologie

du bouquetin des Alpes (Hars et Gauthier, 1994) ou encore sa génétique (Stüwe et al., 1994).

Cet ouvrage marque symboliquement une avancée majeure dans l’étude qualitative et quantitative de l’espèce dans le temps long.

1.2.2. L’approfondissement des connaissances sur l’espèce dans le temps long.

Le bilan de ces travaux montre une amélioration globale des connaissances sur le bouquetin des Alpes, qui n’est vraisemblablement pas étrangère à l’augmentation des populations dans le Parc, alors proche de 1 400 individus (Delorme, 2012). En effet, outre les suivis bimensuels des individus marqués, l’instauration des comptages estivaux dès 1985 a permis de connaître avec précision, chaque année, la quantité totale des individus qui le fréquentent. Devenant au fil des ans de plus en plus précis, s’élargissant aux zones limitrophes favorables à l’espèce, il a concerné en 1999 100 unités couvrant un total de 41 000 ha (Girard, 2000), puis 119 unités pour 43 000 ha en 2012 (Delorme, 2012). Ce dispositif remarquablement efficace exige toutefois des moyens humains importants. Sont « consommés » en cinq jours l’équivalent de cent trente-sept journées de gardes-moniteurs du PNN de la Vanoise (ibid.), assistés « d’ouvriers, de stagiaires, d’anciens gardes, d’accompagnateurs en montagne, de

chasseurs,de personnels de l’ONF, de l’ONCFS, du PNR de Chartreuse, du PNR du Vercors et

d’autres bénévoles »8.

Au-delà de l’amélioration qualitative des suivis, l’attention portée à l’espèce prend une ampleur plus importante. Les moyens mis à disposition du Parc augmentent et, à la demande du ministère de l’Environnement, un Groupe National « Bouquetins » est créé, en toute

légitimité, par le PNN de la Vanoise (Leca et al., 2013). En conséquence, de nouveaux travaux

sont impulsés, parmi lesquels deux axes principaux se dégagent.

Le premier, en utilisant toutes les données collectées par le PNN de la Vanoise, cherche à approfondir la compréhension du fonctionnement territorial, éthologique et écologique, de l’espèce. Le Parc ne se limite plus seulement à sa fonction d’espace protégé, il devient également un « laboratoire » en pleine nature pour l’espèce. On dépasse donc les simples

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opérations de suivis pour entrer dans des recherches scientifiques approfondies, concrétisées en

particulier par des thèses. Irène Girard étudie ainsi en 2000 « les dynamiques de population et

l’expansion géographique du bouquetin des Alpes » (Girard, 2000). Elle est prolongée en 2008 par le travail d’Emilie Largo en 2008 sur les dynamiques de populations et les implications pour les suivis (Largo, 2008), puis en 2013 par l’étude d’Alexandre Garnier sur les conséquences des pathologies sur la dynamique des populations de bouquetins dans le Parc (Garnier, 2013).

A ces recherches centrées sur la population du Parc, viennent s’ajouter des travaux visant à mieux maîtriser les opérations de réintroduction. Le Groupe National « Bouquetins » élabore ainsi la Stratégie nationale de restauration des Bouquetins en France, de 2000 à 2015

(Leca et al., 2013), pour laquelle la population de Haute-Maurienne, issue du Parc, sert alors

de « réservoir » pour alimenter les lâchers (Girard, 2000). Le savoir-faire acquis lors des réintroductions opérées dans le Parc (capture, transport, manipulation…) sont utilisés pour les réintroductions de la Chartreuse, entre 2010 et 2012, puis dans le projet de réintroduction du bouquetin ibérique (ou des Pyrénées) 2012-2020.

Outre ces recherches et ces opérations de gestion hexagonale, des études sur les dynamiques de l’espèce à l’échelle internationale sont également entreprises. Des collaborations sont établies entre le PNN de la Vanoise et le Parc Naturel du Grand Paradis en Italie. Ils prennent la forme de programmes « Interreg » visant à améliorer la compréhension des déplacements et la dynamique des populations, en utilisant des techniques récentes, comme

des colliers GPS (e.g. Girard et al., 2009). Bien que l’échantillon d’individus suivis soit réduit

(une vingtaine pour le premier programme), ces outils permettent de suivre avec précision les déplacements des individus, d’en déduire leurs besoins en fonction de leur cycle de vie (alimentation sur tel milieu, repos sur telle zone…), voire de comprendre les interactions sanitaires et donc les conditions de transmission des pathologies. In fine, c’est un souci d'approfondissement des savoirs qui dicte donc les démarches à suivre, dans le but d'améliorer le suivi des individus, mais aussi d'accroître les niveaux quantitatifs et qualitatifs des populations.

1.3. Quelles informations exige la gestion d’une espèce patrimoniale dans un ENP ?

L’exemple du bouquetin des Alpes dans le PNN de la Vanoise présente le cas d’une espèce pour laquelle des moyens très importants sont mobilisés. Un espace naturel au statut de protection élevé a été créé, en grande partie pour assurer sa survie. Des efforts financiers important ont été consentis, pour dans un premier temps payer les opérations de réintroduction, puis par la suite des études scientifiques approfondies (génétique, pathologie, télédétection…). L’ensemble de ces travaux a nécessité du personnel (notamment les nombreux agents du Parc qui effectuent les suivis et la surveillance du site), ou parfois des emplois plus ponctuels (stagiaires, doctorants, chargés d’études…). Désormais, ce sont également des acteurs de plusieurs structures (ONCFS, associations, PNR, chasseurs…) qui participent aux comptages.

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On observe donc la mise en place d’une « machine bien huilée » qui mobilise de gros moyens mais donne des résultats probants : la population française de bouquetin des Alpes atteint désormais 10 000 individus, alors qu’ils n’étaient qu’une soixantaine en 1963.

Au plan des savoirs relatifs à l’espèce et construits au fil du temps, plusieurs étapes sont à distinguer. Au départ, bien que des connaissances soient disponibles à partir des opérations conduites à l’étranger (le Parc du Grand Paradis notamment), il a fallu en faire naître dans le périmètre du PNN de la Vanoise. Pour cela, les premiers gestionnaires du Parc se sont appuyés sur des montagnards locaux éclairés, qu’ils soient alpinistes, chasseurs ou bergers, pour acquérir les premiers éléments de connaissance de l’espèce. Ils ont ainsi permis d’identifier les individus déjà présents (selon leur âge et leur sexe), puis de définir des protocoles permettant de les capturer et de les suivre.

Une fois constitué ce premier noyau des compétences sur la base des savoirs locaux, puis des suivis effectués par les agents du Parc, l’étape suivante a consisté à faire naître un corpus de savoirs savants. Ceux-ci consistent en des travaux de recherche conduits par ou avec des organismes de recherche (CNRS, universités, ONCFS…). S’ils mobilisent des méthodes et des sources absentes des données accumulées par le Parc, en génétique notamment, ils mettent aussi à profit les informations collectées par les gardes, qu’elles proviennent des tournées effectuées dans le cadre de mission de surveillance banale ou des grandes opérations annuelles de comptage. Sur la base de ce noyau de compétences scientifiques accumulé sur la population du Parc et de ses abords, des programmes de réintroduction sont ensuite conduits au loin, grâce aux compétences acquises dans le « laboratoire initial ».

Si des efforts particuliers sont donc réalisés pour gérer ces espèces patrimoniales, endémiques, voire en très mauvais état de conservation, il n’est pas possible – ni souhaité - de créer des espaces protégés pour la gestion de la faune courante des campagnes banales. Pour autant, accumuler des connaissances à leur encontre est aussi nécessaire que pour le bouquetin. Connaître leurs comportements territoriaux, l’écologie et l’éthologie ou les pathologies qui les guettent, constitue en effet un préalable indispensable à la gestion de toute espèce sauvage.

25 2. GERER DES ESPECES DU CHAMP CYNEGETIQUE.

Parmi ces espèces communes, et à l’inverse du « simple » moineau domestique Passer

domesticus qui fréquente nos terrasses, certaines suscitent les convoitises. Caractérisées par leurs effectifs abondants, elles ne sont alors plus vues comme un patrimoine à préserver, mais comme une ressource suffisamment abondante pour être exploitée par des activités comme la chasse qui les considère comme un élément d’une « nature-ressource ». On tente alors de maintenir des « stocks » à un niveau suffisant à la fois pour préserver les populations en place mais également pour continuer à profiter de ce qui devient un gibier abondant. Or, cette problématique se complexifie dès lors que ces espèces touchent aux intérêts humains.

En effet, si la partie de cette faune sauvage chassable présente dans les espaces naturels peut s'y reproduire sans conséquence pour les activités anthropiques, celle qui occupe les campagnes humanisées peut engendrer des dégâts (agricoles, sylvicoles…) ou devenir un vecteur de risques (sanitaires, collisions routières…). Les objectifs de gestion diffèrent alors de ceux qui consistent à maintenir voire à améliorer l’état d’une population menacée. Il s’agit alors de limiter voire réduire ces populations, sans pour autant mettre en péril leur pérennité. L’implication d’activités humaines dans l’équation ajoute alors des tensions d’ordre social qui introduisent dans la gestion de ces espèces des déterminants dépassant ceux de la stricte écologie. Quels que soient les objectifs finaux de gestion sur l’état des populations (les réduire, les maintenir ou les améliorer), il faut, comme pour le bouquetin, disposer de données permettant de comprendre leur fonctionnement dans le milieu, et évaluer les effets des actions, de régulation notamment, destinées à contenir les effectifs.

Dans ce contexte, l'objectif de cette partie ne consistera pas à décrire les modalités les plus précises de gestion d’une population, mais de comprendre les enjeux de collecte et de traitement de l'information associée à la gestion d'espèces chassables. Nous nous intéresserons

d'abord à la gestion d'un animal générateur de dégâts, le sanglier Sus scrofa puis deux espèces

assez proches, qui ne commettent pas de dégâts mais exigent d’être gérées pour que leurs

survies soient assurées, les perdrix grise (Perdix perdix) et rouge (Alectoris rufa).

2.1. Quelles informations pour la gestion d'une espèce chassable responsable de dégâts?

Trois ongulés de nos campagnes banales sont à l’origine de dégâts principalement

agricoles, sylvicoles et viticoles : le cerf élaphe Cervus elaphus, le chevreuil Capreolus

capreolus et le sanglier Sus scrofa. Si chacune affecte de manière préférentielle certaines cultures (vignes et cultures céréalières pour le chevreuil, jeunes arbres forestiers pour le cerf, maïs pour le sanglier…), elles suscitent toutes un débat relatif à leur mode de gestion. Si certains acteurs du territoire souhaitent protéger l’espèce, d’autres, souvent les parties prenantes touchées par les dégâts, incitent au contraire à intensifier la régulation. Deux modèles de gestion s’opposent alors.

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Le premier s’apparente à la régulation cynégétique, qui a pour objectif de maintenir les populations à un niveau pérenne tout en rendant les dégâts acceptables lorsqu’ils existent. Les prélèvements sont alors fixés en fonction des prises des années précédentes, mais également des niveaux de dégâts constatés sur telle ou telle zone (Saldaqui, 2013). Cette manière d’appréhender la gestion de la faune sauvage s’oppose au second modèle, qui privilégie la création d’espaces naturels réservés à celle-ci, afin de pouvoir libérer les milieux productifs de leur présence. Mais ce cantonnement de la faune sauvage dans des espaces qui lui seraient réservés conduit à l’accroissement numérique rapide des ongulés banals qui dès lors, débordant du sanctuaire qui leur est attribué, envahissent les campagnes proches. Réguler ces espèces dans l’espace protégé devient alors nécessaire mais suscite des problèmes d’ordre social (prélever dans ce qui est assimilé à un sanctuaire pour la nature), juridique (il n’est pas possible d’intervenir comme sur un territoire chassé) et économique (des agents assermentés doivent parfois intervenir dans les ENP pour ces missions, afin de limiter le dérangement) (ibid.).

Dans tous les cas, les régulations qu’il faut pratiquer exigent une connaissance la plus

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