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La gestion déléguée à Yaoundé : une innovation pour le service public des déchets Ce mode de gestion consiste à la délégation de la gestion technique du service public des

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 105-110)

Chapitre 3 : Modes de gestion des déchets ménagers à Yaoundé

3.1. Evolution des modes de gestion des déchets ménagers à Yaoundé ?

3.1.2. La gestion déléguée à Yaoundé : une innovation pour le service public des déchets Ce mode de gestion consiste à la délégation de la gestion technique du service public des

déchets à un opérateur privé à travers un contrat à durée déterminée. Ce mode de gestion des déchets ménagers est apparu dès 1969 à Douala et 10 ans après à Yaoundé. Aujourd’hui, la gestion déléguée s’est étendue dans plus de quinze villes camerounaises (figure 7). Toutes les municipalités ont passé des contrats de concession avec HYSACAM.

105 Figure 7 : Extension de la gestion déléguée des déchets dans les villes camerounaises

106 En ce qui concerne le traitement des déchets, il n’y a que Yaoundé et Douala qui ont des centres d’enfouissement technique. Dans les autres villes, les déchets ramassés par le délégataire sont déversés dans une décharge non conventionnelle94

sans aucun traitement préalable. En examinant de près la gestion déléguée, un réel problème émerge, celui des intérêts de chaque partie prenante. D’un côté, les CTD cherchent à offrir un service public des déchets convenable à toutes les populations en cherchant également à minimiser les coûts de gestion et de l’autre côté, HYSACAM, investisseur privé, veut faire le maximum de profit.

Pour maintenir un certain équilibre, l’application intégrale du cahier des charges par les parties prenantes est indispensable. Car, la sollicitation de la gestion déléguée dans la plupart des villes camerounaises n’est pas synonyme de performance du service public des déchets ménagers. Ceci s’illustre par une évolution en dents de scie de ce mode de gestion dans la ville de Yaoundé. Pour comprendre les raisons de cette variation dans le temps, nous proposons dans les lignes qui suivent le parcours de la gestion par concession à Yaoundé de 1979 à nos jours.

Première expérience d’une gestion déléguée des déchets à Yaoundé (1979-1991) La société HYSACAM collectant les ordures ménagères à Douala depuis 1969 est sollicitée par la Commune Urbaine de Yaoundé. En 1979, un contrat de concession est signé entre la CUY et HYSACAM et confie à cette dernière la gestion technique des ordures ménagères. Le contrat a une durée de 3 ans et est renouvelé pendant au moins 10 ans. Le financement du service public des déchets passe progressivement de 65 millions à 1,5 milliard de F CFA. Les subventions de l’Etat s’élèvent à 2/3 du budget de la gestion des ordures ménagères. En 1987, Yaoundé change à nouveau de statut et devient une Communauté Urbaine avec 04 Communes d’Arrondissement (Yaoundé 1, 2, 3 et 4). Malgré l’augmentation de l’assiette budgétaire du service des déchets, tous les quartiers de la ville ne sont pas toujours desservis. Les zones urbaines bénéficiant de la collecte des déchets restent les quartiers riches, les grandes rues, les centres commercial et administratif. Les quartiers pauvres et enclavés sont délaissés. Les difficultés de financement du service public des déchets s’aggravent sous le poids de la crise qui sévit depuis les années 1980. Tous les secteurs d’activités sont en régression. L’Etat cumule les dettes et ne parvient plus à subventionner certains services. Les factures impayées

94 Bien que ces décharges soient non conventionnelles, elles sont officielles et autorisées pour le dépôt des déchets collectés dans la ville.

107 de HYSACAM deviennent trop lourdes pour la CUY. Le service des déchets sur le terrain diminue. En 1989, le budget du service public des déchets est revu à la baisse. Il passe de 1,5 milliard à 1 milliard de F CFA. En 1990, les subventions allouées aux municipalités par l’Etat pour la gestion des ordures ménagères sont suspendues. Malgré les efforts de l’Etat, la société HYSACAM ayant accumulé plusieurs factures non soldées ferme ses portes en 1991. Les problèmes des déchets ménagers s’accroissent avec la prolifération des dépôts sauvages, les immondices en bordures de route, le rejet des ordures dans les cours d’eau et caniveaux. Les Communes d’Arrondissement conformément à la loi n° 87/015 du 15 juillet 1987 qui leur confère le pouvoir de gestion des ordures ménagères essayent de reprendre le service dans leurs municipalités respectives. L’Etat les dote d’un matériel minimum (02 camions bennes de 4 m3) et d’un budget de 250 millions de F CFA. La somme reçue n’est pas seulement pour la collecte des ordures ménagères mais couvre aussi les frais d’entretien de la voirie et les salaires des agents municipaux. Les CA passent des contrats de gré à gré (une sorte de gestion par concession négociée) avec les prestataires de leur choix. Le manque d’expérience des Petites et Moyennes Entreprises (PME) chargées de la collecte des ordures et le non décaissement de l’argent promis aux municipalités par l’Etat aboutissent à un nouvel échec du fonctionnement du service public des déchets ménagers en 1991.

Nouvelles tentatives pour redresser le service public des déchets : Changement des concessionnaires (1992 à 1998)

Pour relancer le service, l’Etat fait appel à la société privée Services Camerounais d’Assainissement95

95 Le SECA est une société anonyme de droit camerounais exerçant sur toute l’étendue du territoire. C’est une filiale du groupe HYSACAM créée en 1979 pour pouvoir desservir le secteur industriel. C’est également un acteur important pour la promotion du développement durable et de l’environnement.

(SECA). Le SECA entre en scène dans un contexte particulier car en 1992, les élections présidentielles pointent à l’horizon. La ville de Yaoundé est dans une insalubrité chronique, illustrée par les monticules d’ordures dans les carrefours et les rues. Le Président de la République ordonne au premier ministère d’entamer les négociations avec le SECA, qui n’est que la face voilée de HYSACAM. Les pourparlers aboutissent le 03 janvier 1992 et sont suivis de la signature d’un contrat de gré à gré. Le montant du contrat s’élève à 850 millions de F CFA pour l’enlèvement de 68000 tonnes d’ordures. Le SECA recrute 250 employés. Il mobilise 11 camions à compaction, 06 multi-bennes, 03 ampliroll, 03 grues, 03

108 trax, 20 coffres de 16m3, 100 coffres de 6m3 et 100 conteneurs de 1m3. Tous les week-ends, un renfort de 60 camions de 10 tonnes de HYSACAM arrivaient de Douala pour soutenir l’équipe des travailleurs du SECA à Yaoundé. La mission du SECA est d’assainir la ville mais comme toujours, le travail sera limité au niveau des zones sensibles, c’est-à-dire le Centre-ville, les grandes rues, la zone administrative, les quartiers haut standing, au détriment des quartiers aux revenus moyens et bas. Cette opération d’assainissement prend fin en juillet 1992 et est entachée des irrégularités de paiement des factures du SECA. En 1993, les Communes d’Arrondissement reprennent à nouveau le service public des déchets et négocient un nouveau contrat avec la société privée Dragages-Cameroun96. Mais, les Communes d’Arrondissement ne pouvant plus payer leurs factures, la société privée Dragages va se retirer avant la fin de la même année. Le sort de Yaoundé en matière de gestion des déchets devient plus inquiétant car la population augmente, la ville s’agrandit et les ordures ménagères prolifèrent dans tout l’espace urbain sans qu’une solution adéquate ne soit trouvée.

Au début de l’année 1993, la Communauté Urbaine de Yaoundé rebondit avec la signature d’un contrat avec la société privée CAMECAM. Le montant des prestations est évalué à 37 millions de F CFA par mois. La société se distingue par son manque d’expérience, l’insuffisance d’équipements et de personnel qualifié. La CAMECAM multiplie les défaillances techniques et organisationnelles qui contraignent la société à fermer les portes avant la fin de l’année. Au final, 1993 est l’année la plus difficile pour les Collectivités Locales Décentralisées qui, ayant déployé tous les moyens disponibles, ont essuyé à tour de rôle les échecs. La ville de Yaoundé, quel que soit l’endroit où l’on se trouve, connaît un déluge d’ordures et perd toute sa splendeur. Les nuisances olfactives sont omniprésentes à cause de la décomposition des ordures à chaque coin de rue. La Capitale politique est surnommée « Yaoundé, ville poubelle97

96 Dragages-Cameroun est une société française de travaux publics.

» par les Yaoundéens. Malgré les précédents échecs, les institutions étatiques multiplient les stratégies pour trouver une solution. C’est ainsi qu’en novembre 1994, la Banque Mondiale accorde un prêt au gouvernement camerounais pour assainir la ville de Yaoundé. Cette entente financière et les apports du gouvernement camerounais permettent la mise en place du Programme Social d’Urgence (PSU). Les ONG, les Associations et les GIC sont recrutés sur le tas. Ces acteurs n’ont aucune formation ni le matériel nécessaire pour faire le travail. Le PSU s’arrête environ 03 ans après l’épuisement du financement et se solde par un échec cuisant. Les performances médiocres du PSU coordonné

97 Expression utilisée couramment pour décrire l’état d’insalubrité de la ville de Yaoundé.

109 par la Banque Mondiale ont plongé une fois de plus la ville de Yaoundé dans une impasse face à la question des ordures ménagères. Après l’arrêt du PSU, les ONG, Associations et GIC ont continué leurs activités de précollecte et de valorisation comme le compostage artisanal et le recyclage. Mais leurs actions sont de courte portée (seulement dans les quartiers) car ces structures ne sont pas dotées de moyens matériels et financiers ni d’une bonne expertise dans le domaine des déchets.

De 1998 à nos jours : Retour au concessionnaire originel HYSACAM

Les échecs répétés confirment que les autorités publiques n’ont pas pu trouver une solution adéquate pour gérer de manière rationnelle et écologique les ordures ménagères dans la ville de Yaoundé. La société HYSACAM, mise en attente pendant 07 ans, est rappelée en septembre 1998 par la Communauté Urbaine de Yaoundé pour la reprise de la gestion linéaire des déchets. Le nouveau contrat porte sur la collecte des déchets solides ménagers dans l’ensemble de la ville. Un contrat de gré à gré a été signé pour une durée de 03 ans et a été renouvelé trois fois. Puis un autre contrat de 1 an a suivi. Par la suite, la durée des contrats est passée à 5 ans renouvelables. Avant la fin du contrat 1998-2011, la ville de Yaoundé rayonne à nouveau dans un environnement de propreté relative car l’offre d’hygiène et de salubrité est meilleure que pendant la période 1992-1998. Les immondices disparaissent des rues, des grands carrefours et du Centre ville (centres administratif et commercial), les dépôts sauvages régressent à la grande satisfaction des populations. Le premier contrat de 5 ans (2007-2011) commencé en 2008, a été renouvelé en 2012. Il introduit des nouveaux éléments comme la collecte des déchets verts, le lavage de rues et places spécifiques, la pose de corbeilles sur les voies principales et la continuité du service 24h/24h.

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