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Etalement urbain non maîtrisé à Yaoundé : les nouveaux quartiers toujours soumis à l’épreuve de la bidonvilisation

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 191-197)

Conclusion de la partie 1

Chapitre 5 : Système de gestion des déchets vulnérable

5.1. Formation et transformation urbaine: Yaoundé vers une bidonvilisation ? La bidonvilisation 140

5.1.4. Etalement urbain non maîtrisé à Yaoundé : les nouveaux quartiers toujours soumis à l’épreuve de la bidonvilisation

La création de nouveaux quartiers est due à l’étalement de l’habitat dans des zones non urbanisées. Ceci repousse constamment les limites du noyau urbain. L’extension de la ville de Yaoundé née d’un poste de commandement allemand en 1889 par l’initiative de Kund et Tappenbeck s’est faite en plusieurs étapes (Figure 18). Elle a commencé par l’absorption des villages indigènes dont la plupart des quartiers tirent leur dénomination (Mvog Ada, Mvog-Mbi, Nkol Ndongo, etc.). Puis, la volonté des autorités publiques d’agrandir les zones administratives, commerciales et le besoin de loger les hauts fonctionnaires d’Etat aboutiront à la construction des quartiers administratifs et résidentiels comme Bastos, Ngoa Ekelé, Tsinga. Les habitats collectifs sont également construits pour loger les commis d’Etat (Tsinga, Nlongkak). Autour du centre urbain, les lots municipaux sont aménagés pour faciliter l’accès des fonctionnaires au foncier. A partir des années 1950, une première ceinture de quartiers développés autour du site originel est bien perceptible et marque les contrastes d’aménagement entre les quartiers administratifs, les quartiers des hauts fonctionnaires et ceux des immigrants et des natifs de Yaoundé.

191 Figure 18 : Evolution spatiale de Yaoundé de 1889 à l’horizon 2020

Après l’indépendance en 1960, la saturation des espaces résidentiels, le trop plein des quartiers centraux et la déconcentration des quartiers administratifs conduiront à nouveau à

192 une politique de recasement des populations dans les lots communaux et les logements collectifs construits par la SIC. Une autre série de logements collectifs est réalisée (Cité Verte et Grand Messa) et les parcelles communales sont distribuées aux populations, en particulier aux fonctionnaires, avec un délai ne dépassant pas trois ans pour reconstruire. Il se forme une seconde ceinture d’habitations ou de quartiers péricentraux qui se développe jusqu’aux années 1990 (Essos, Rue Manguiers, Etoudi, Oyom Abang, Minboman, Nkoldongo, etc.). Les populations délogées des quartiers centraux reproduisent quasiment les mêmes conditions de vie dans leur nouvel environnement. Friedrich Engels (1969) cité par Olemba Olemba P.F.

(2011) affirme au sujet des déguerpissements que « Quel qu’en soit le motif, le résultat en est partout le même : les ruelles et les impasses les plus scandaleuses disparaissent et la bourgeoisie se glorifie hautement de cet immense succès, mais ruelles et impasses resurgissent aussitôt ailleurs et souvent dans le voisinage immédiat ». Les citadins délocalisés ne bénéficient pas toujours des moyens nécessaires pour construire les habitations conformes aux normes d’urbanisme. L’arrêt de la construction des logements sociaux par la SIC, la production insuffisante de parcelles constructibles par la MAETUR, la baisse des salaires des fonctionnaires et des indemnités du logement suite à la crise économique et surtout les flux migratoires (nationaux et internationaux) sans cesse croissants à Yaoundé vont susciter des nouveaux enjeux socioéconomiques et des spéculations diverses autour de la terre. A partir des années 2000, on assiste à la montée des enchères des logements locatifs et des parcelles de terrain dans les quartiers centraux et péricentraux. Un transfert important de populations du péricentre vers la couronne périurbaine fonctionne au point où le bilan des échanges migratoires entre la couronne péricentrale et la couronne périurbaine est significativement à l’avantage de cette dernière144

144 Bopda A. (2003)

. L’extension spatiale de Yaoundé se poursuit aujourd’hui par l’annexion progressive des localités voisines des communes de Soa, de Mfou, de Mbankomo, de Nkolafamba, d’Obala et d’Okola. Les résidences individuelles s’étendent dans les zones en pleine rurbanisation non planifiées selon quatre principaux fronts de colonisation : au nord-ouest par la voie principale en direction d’Obala et d’Okola ; au nord-est par la route allant à Soa ; à l’est par la voie en direction d’Akonolinga; au sud en suivant les routes en direction de Douala et Mbalmayo. Toutefois, les nouveaux quartiers ne sont pas encore surpeuplés et les espaces constructibles sont d’au moins 400 m2. Les logements sont de plus en plus

« modernes » c’est-à-dire matériellement confortables (murs en ciment, toits en tôles ondulées, sol couvert par le ciment ou les carreaux, douches internes, etc.). Tous ces éléments

193 sont des indicateurs d’un certain confort qu’on ne trouve pas dans un bidonville classique.

Mais sont-ils suffisants pour enlever ces quartiers du registre des bidonvilles ? A Yaoundé, une fois les pionniers bien installés, les mêmes pratiques refont surface à savoir la revente des parcelles et l’occupation des pistes et ruelles desservant les quartiers. Ceci entraîne la saturation rapide de l’espace et le surpeuplement. La répartition spatiale de l’habitat à Yaoundé montre que les nouveaux quartiers ou quartiers rurbains (zones d’extension de l’espace urbanisé) sont au fur et à mesure soumis à la bidonvilisation. Les critères opérationnels de définition d’un bidonville ci-après relevés dans les nouveaux quartiers et l’un des éléments de vulnérabilité du système de gestion des déchets à Yaoundé peuvent permettre à chaque lecteur de ce document d’en tirer des conclusions.

Voirie insuffisante : des quartiers reliés à la voie principale par des routes non carrossables et des pistes

Les populations camerounaises de toutes les origines s’accordent sur cette sagesse populaire:

« là où la route passe le développement suit ». L’infrastructure routière est un élément indispensable pour assurer les échanges de tout genre entre le centre urbain, lieu de concentration des services (zones administratives et commerciales), et les quartiers rurbains et spontanés. En 1990, Yaoundé disposait d’une voirie longue de 605 km dont 285 km bitumés et 320 km en terre. Vingt ans après (2010), le réseau a atteint 1200 km dont 420 km bitumés et 780 en terre (Mabou B., 2013). La construction des routes a certes avancé mais reste insuffisante en quantité et en qualité. Les travaux de réfection ou de construction des voies de communication sont réalisés à 80% sur les rues existantes. Le tableau 20 montre que 78% des zones urbaines nécessiteuses d’infrastructures routières et les plus peuplées (quartiers spontanés et rurbains) connaissent le taux le plus bas de revêtement routier (3,2 et 6,1 km/km2). L’accès au logement à l’échelle urbaine se fait à 17,3% par une voie revêtue, 35,1%

par une voie non revêtue et 47,6% par une piste. L’offre d’infrastructures déjà insuffisantes145

145 La moyenne à Yaoundé est 4,4 km/km2 ce qui est largement inférieure à la moyenne de 15-20 km/km2 recommandée par les normes d’urbanisme (Bonafous A., 2003).

est également très mal répartie dans l’ensemble de la ville. Le réseau viaire (voies bitumées ou non) se retrouve dans le noyau urbain et son voisinage immédiat (quartiers haut et moyen standing). L’évaluation des travaux de construction routière à Yaoundé par rapport aux objectifs fixés par le Schéma d’Aménagement et d’Urbanisme (SDAU) de 1982 fait état de plusieurs défaillances.

194 Tableau 20 : Densité surfacique de revêtement des routes à Yaoundé

Type d’habitat Densité surfacique du réseau revêtu km/km2 Centre administratif 3,3

Centre commercial 12,6 Haut standing 7,8 Moyen standing 7,9 Spontané ou bidonville 6,1 Rurbain ou périurbain 3,8

Moyenne 5,2

Source : CUY/Louis Berger/Beta Consult (2010)

Il n’existe toujours pas d’autoroute. Les voies prévues par le SDAU de 1982 ne sont que partiellement réalisées. Les rocades Nord-Sud, Est et Ouest de Yaoundé ne sont pas construites. Aussi, 90% des voies n’ont pas la largeur d’emprise prévue et ajustable et la majorité des voies n’ont pas d’assainissement (CUY, 2008). L’insuffisance et la qualité des routes et/ou pistes de desserte ne permettent pas au fournisseur du service public des déchets d’accéder dans tous les quartiers de la ville.

Accès intermittent à l’eau potable et à l’électricité

Les raccordements au réseau d’eau potable dans les zones d’extension urbain sont estimés à moins de 20%. Dans les quartiers situés en altitude et plus excentrés, il n’y a pas le réseau de distribution d’eau potable. Pour les habitants dont le logement est raccordé au réseau CAMWATER146

146 Cameroon Water Utilities Corporation

, les coupures d’eau peuvent durer jusqu’à trois semaines en saison pluvieuse et plus d’un mois en saison sèche. Les populations s’approvisionnent dans les puits, les sources et pour les nantis les forages. Quant à l’électricité, le taux d’abonnement à un compteur AES-SONEL oscille entre 30 et 40% avec une prédominance des branchements illégaux et dangereux pour les populations. Les coupures intempestives fréquentes qui peuvent durer jusqu’à une semaine viennent rendre encore plus sombre le quotidien des habitants.

195

Sécurité foncière et qualité du logement

Si les migrations des yaoundéens vers les quartiers rurbains garantissent un accès à une parcelle de terre constructible, immatriculer une maison ou un lopin de terre reste un énorme problème. Les acquéreurs de terrain, riches ou pauvres, vivent dans la peur d’être expulsés à tout moment sans une indemnisation conséquente en cas de destruction des habitations dans le cadre des aménagements urbains ou à d’autres fins jugées utiles par la municipalité. Le pourcentage des maisons et des terrains immatriculés ne dépasse pas 30%. Cette insécurité foncière est liée aux procédures longues, à la lenteur des administrations et parfois à la négligence des propriétaires des parcelles de terre, etc.

Systèmes d’assainissement public absents

Qu’on soit dans les bidonvilles connus ou dans les quartiers périurbains en pleine bidonvilisation, il n’existe aucun système d’assainissement public (égouts, drains, station d’épuration). Les eaux usées sont déversées dans la nature et rejoignent par ruissellement et infiltration les puits, les nappes phréatiques et les cours d’eau.

Collecte des déchets au rabais voire inexistante

Le service public des déchets dans les zones d’extension urbaines reste un vaste projet de la Communauté Urbaine. Les habitations proches des voies principales de communication et inclues dans les secteurs de collecte (>10%) bénéficient sporadiquement du passage des camions HYSACAM. Le taux de couverture de la collecte des déchets est nul dans plusieurs quartiers rurbains (figure 19, chapitre 6). Les déchets produits sont incinérés à ciel ouvert et une grande partie est rejetée sans traitement dans la nature (les friches, les champs, les bordures des rues, les caniveaux et les cours d’eau).

196 5.2. Impacts du contrat de prestation et des comportements des Yaoundéens sur la gestion du déchet

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