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Déchets et identités sociales : une clé de lecture des communautés ?

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 69-72)

Chapitre 1 : Les déchets dans les prismes scientifiques et sociaux

1.4. Regard social sur des déchets au Cameroun

1.4.3. Déchets et identités sociales : une clé de lecture des communautés ?

Les déchets produits, même rejetés au loin, restent liés à notre mode de vie et notre personnalité et témoignent de notre existence à un moment précis de la vie. Les archéologues et les paléontologues utilisent parfois les déchets pour identifier, étudier et comprendre les modes de vie des sociétés actuelles et passées. Les déchets, comme le souligne Zentner F.

(2001), constituent une mine d’informations pour les sciences sociales comme la philosophie et la sociologie car ils ne sont que le reflet de la société. Les ordures sont donc un fait social global63 qui met en exergue nos comportements, nos jugements par rapport à autrui, les discours politiques, etc. Cependant, malgré tout ce que l’on peut faire pour se débarrasser de son déchet, il reste dans tous les cas une représentation de soi. Les auteurs suivants l’ont bien exprimé, Baudillard J. (1970) « Montre-moi ce que tu jettes, je te dirai qui tu es » ; Gouhier J.

(1982) « La poubelle, miroir social : un regard nouveau sur les modes de vie » ; Bertolini (2011) « la poubelle fait figure du miroir ». Tout ce qui précède vient rappeler la réalité selon laquelle le déchet est le reflet de nos productions, nos consommations, nos rejets tant sur le plan individuel que communautaire. A travers notre poubelle, l’on peut déterminer notre identité culturelle, tribale ou clanique. Un regard dans la poubelle d’un voisin dans un quartier à Yaoundé où les déchets sont stockés devant ou dernière la maison peut permettre de l’identifier64

63 Mauss M. (1973). Sociologie et anthropologie.

. Le déchet, quelle que soit la société, est toujours l’un des éléments constitutifs des ménages. Jeter, cela revient à évacuer hors de soi, que ce « soi » désigne la municipalité, le collectif de l’immeuble, la famille, le couple ou l’individu. Le déchet met donc en jeu une question identitaire multiscalaire puisqu’il nécessite que l’on sépare l’ivraie du bon grain, c’est-à-dire ce qui mérite d’être assimilé à l’individu ou à un groupe, pour expulser ce qui est

64 A Yaoundé, les restes de sauce jaune dans une poubelle font identifier un Bamiléké ; les résidus de porc font proscrire d’emblée l’appartenance de la poubelle à un musulman ; la présence du Mbongo’o dans une poubelle identifie un Basa’a, etc.

69 indigne65. La gestion des déchets est basée sur les normes sociales (tri, recyclage, etc.) qui impliquent l’Etat et les habitants. Cet ensemble de règles et leur application à travers les interactions (comportements) entre les différents acteurs aboutissent à la construction des identités sociales. Ces comportements peuvent commencer par le regard que l’on pose aux poubelles de ses voisins qui nous plonge dans les contradictions subtiles dont nous n’avons pas conscience66. Il arrive parfois qu’on colle une identité à un voisin suite à un coup d’œil anodin dans sa poubelle (récipient mal entretenu) ou à un acte quelconque qu’il a posé (rejet des ordures dans la nature). Ainsi on parlera d’un voisin sale parce qu’il ne nettoie pas sa poubelle ; d’un voisin incivile et non respectueux de l’ordre social parce qu’il jette ses ordures dans le cours d’eau, caniveaux ou rue. Par contre, la qualité de la poubelle (propre), la pose des écogestes (vider sa poubelle dans un bac, balayer régulièrement les alentours de la maison, trier les déchets, etc.) par le voisin peut influencer notre comportement et entraîner un respect et une considération pour ce dernier. On dirait à ce moment que le/la voisin/voisine Paul ou Marie est propre et respectueux/respectueuse de l’environnement. Les multiples facettes des déchets comme identité sociale n’ont pas été exhaustives dans ce travail. On peut néanmoins retenir que chaque individu, chaque groupe, chaque communauté, par son mode de fonctionnement, laisse une banque d’informations dans les déchets produits.

Conclusion

A chaque époque de l’histoire humaine, le déchet a toujours été présent et reste encore de nos jours un sujet à réflexion sur ses multiples dimensions. Les préoccupations humaines liées à la gestion des déchets et à la réduction de leurs nuisances commencent avec l’urbanisation. Le problème des déchets d’une période à une autre s’accroit. Dans l’antiquité, il s’agissait de lutter contre les odeurs nauséabondes des déchets et les préoccupations environnementales n’étaient pas à l’ordre du jour. Du Moyen Age jusqu’au XVe siècle, s’ajoutent les questions d’hygiène et de salubrité mais surtout les pathologies liées aux ordures ménagères. A partir du XVe jusqu’à la fin du XIXe, le problème des ordures ménagères s’est aggravé. L’évolution de la science et de la médecine éveille la conscience dans les sociétés et le déchet est de plus en

65 Pierre M. (2002). Tri des déchets et construction d’une identité sociale : voisinage et regard social.

66 Mons J. (2002). Les déchets ménagers, entre privé et public : approches sociologiques.

70 plus éloigné des habitations. Les pollutions environnementales et les maladies causées par l’insalubrité s’amplifient dans les villes. La sensibilité des Hommes sur les déchets atteint son pic dès le début du XXe siècle. En Afrique subsaharienne en général et au Cameroun en particulier, les innovations technologiques, les techniques performantes de traitement, la création des institutions spécialisées et les réglementations se succèdent pour mieux gérer les déchets. Mais les politiques et les perceptions sociales sur ce sujet demeurent très diversifiées et constituent parfois des obstacles à la valorisation du déchet tant sur le plan scientifique que sur le plan socioéconomique. Dans les milieux scientifiques, le déchet est au centre des grands axes de recherche. Les résultats obtenus permettent d’insuffler des innovations (techniques de traitement et de valorisation) et des outils de travail pour aider les autorités à prendre les décisions (stratégies de gestion, législation, etc.) pour migrer de la gestion linéaire des déchets à la gestion en boucle plus durable et protectrice des composantes environnementales. Les perceptions sociales négatives sur le déchet régressent. Le déchet est de plus en plus considéré comme une ressource pouvant être transformée en industrie et une source de revenus pour les populations pauvres. Mais le problème demeure au niveau des techniques moins efficaces pour exploiter et rentabiliser au maximum cette ressource surtout dans les pays en développement. Au Cameroun par exemple, la part très importante des activités informelles dans les activités du déchet font que la plupart des acteurs de la société civile travaille dans des conditions assez précaires.

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Chapitre 2 : Mécanismes juridiques et institutionnels de la gestion des

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