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Probl´ ematique et orientations

2.2.2 La gestion des biens en propri´ et´ e commune

2.2.2.1 Introduction

Notre question de recherche peut ´egalement se rattacher `a la vaste litt´ e-rature qui s’int´eresse aux d´ecisions d’action collective (Olson, 1965 ; Ostrom, 1990). En effet, cette derni`ere s’int´eresse aux choix, collectifs et individuels, de plusieurs acteurs qui doivent se coordonner pour partager une ressource commune, et g´erer au mieux les externalit´es, positives ou n´egatives, engen-dr´ees par leurs actions individuelles.

Deux grandes voies existent pour repr´esenter les choix strat´egiques d’agents en interaction. La premi`ere repose sur la th´eorie des jeux, d´evelopp´ee depuis la deuxi`eme moiti´e du 20i`eme si`ecle. La deuxi`eme, plus r´ecente car les pre-mi`eres applications sont apparues dans la fin des ann´ees 80, se base sur les avanc´ees l’intelligence artificielle distribu´ee et la simulation de syst`emes com-plexes par le biais de mod`eles multi-agents.

2.2.2.2 Mod´elisation multi-agents

De mani`ere g´en´erale, les syst`emes multi-agents (ou SMA) sont des sys-t`emes virtuels compos´es de divers ´el´ements : un environnement, un ensemble d’objets, g´en´eralement situ´es, un ensemble d’agents, un ensemble de relations qui unissent des objets entre eux, un ensemble d’op´erations qui permettent aux agents de percevoir, consommer et manipuler les objets, et des op´ era-teurs charg´es de repr´esenter l’application de ces op´erations et la r´eaction du monde `a cette tentative de modification (Ferber, 1997).

De mani`ere plus sp´ecifique, ils peuvent ˆetre employ´es pour repr´esenter la gestion des biens en propri´et´e commune. Ils permettent alors de mod´ eli-ser les interactions entre dynamiques de fonctionnement de la ressource et dynamiques sociales (interactions entre agents). Ils permettent ´egalement de prendre en compte les r`egles d’acc`es des agents `a la ressource, et les inter-actions mutuelles lors de l’utilisation de cette ressource. Les SMA s’av`erent donc particuli`erement int´eressants pour la simulation des formes de coordi-nation observ´ees sur les ressources communes.

L’utilisation des syst`emes multi-agents est `a rapprocher des th´eories ´ evo-lutionnistes, qui cherchent `a comprendre le fonctionnement des agents ´

eco-nomiques `a partir d’une approche de type bottom-up . L’inclusion de l’h´e-t´erog´en´eit´e des agents, des processus d’apprentissage, et d’interactions r´ep´ e-t´ees, apporte beaucoup de r´ealisme aux simulations effectu´ees mais ´egalement toute la complexit´e et l’intractabilit´e des syst`emes ´economiques r´eels2.

La mod´elisation multi-agents donne un cadre d’analyse des syst`emes ´ eco-nomiques complexes en mod´elisant :

– les actions et les interactions des agents de mani`ere discr`ete et r´ep´et´ee, et non pas comme r´esultant d’un ´equilibre statique ;

– des agents qui adoptent/adaptent continuellement des nouvelles stra-t´egies en r´eponse `a un environnement incertain et changeant (du fait des d´ecisions ant´erieures) ;

– des agents qui sont dot´es d’une rationalit´e limit´ee, et parfois d’une capacit´e limit´ee dans la perception et le traitement des informations. Des r`egles de fonctionnement ad-hoc sont donc la r`egle, plutˆot que des comportement d’optimisation ;

– les actions et les interactions r´ep´et´ees entre les agents utilisant des r`egles simples ( rules of thumb ) qui permettent l’´emergence, aux ´echelles sup´erieures, de ph´enom`enes complexes.

Les SMA ont ´et´e employ´es dans de nombreuses disciplines, biologie, chi-mie, physique, sciences sociales, o`u l’objectif ´etait de comprendre la com-plexit´e sous-jacente et les propri´et´es ´emergentes d’un syst`eme en action.

Plusieurs ´etudes portant sur la question de la gestion de ressources natu-relles ou sur les interactions hommes/ressources se sont bas´ees sur les SMA. Ces exp´eriences ont montr´e l’int´erˆet de tels outils pour mener des recherches sur les interactions entre ressources et usages. Bousquet (1994), `a partir de l’´etude des pˆeches dans le Delta Central du Niger, a ainsi mis en avant l’in-t´erˆet de la mod´elisation des repr´esentations pour l’´etude des relations entre hommes et ressource. De mˆeme, la repr´esentation des relations sociales dans un syst`eme irrigu´e virtuel, mais issu d’observations effectu´ees dans la val-l´ee du S´en´egal, Barreteau et Bousquet (2000) ont ´etudi´e les conditions de viabilit´e des syst`emes irrigu´es de cette vall´ee.

Cependant, notre objectif ne sera pas ici de contribuer `a cette litt´

era-2De ce point de vue, les SMA paraissent assez incompatibles avec les m´ethodes de la science ´economiques qui essaient justement de s’extraire de la complexit´e du monde r´eel pour obtenir des relations identifiables

ture, mais plutˆot de s’inspirer de celle-ci. En effet, nous ne nous int´eresserons pas aux conditions d’´emergence des r`egles de fonctionnement au sein des groupes3. Plutˆot, notre probl`eme sera de connaˆıtre les cons´equences sur les diff´erents acteurs de l’apparition ou de la modification d’une r`egle `a l’int´ e-rieur d’un groupe, sous diff´erents r´egimes de tarification ´electrique. Les outils de la th´eorie des jeux, et sur la formation des prix au sein des march´es oli-gopolistiques nous ont donc paru plus ad´equats.

2.2.2.3 Th´eorie des jeux

La th´eorie des jeux propose un cadre coh´erent pour analyser les choix strat´egiques d’agents rationnels en interactions (Gibbons, 1992).

L’exemple le plus connu, et le plus critiqu´e, de la th´eorie des jeux ap-pliqu´ee `a la gestion des ressources naturelles est le papier de Hardin (1968). Hardin pr´esente l’utilisation de la ressource en acc`es libre sous la forme d’une configuration du dilemme du prisonnier, o`u la seule issue possible est la non-coop´eration entre les joueurs, menant ainsi irr´em´ediablement `a sa dilapida-tion.

Cependant, la propri´et´e commune et l’acc`es libre ont souvent ´et´e confon-dus dans la litt´erature. Ces deux situations sont cependant tr`es diff´erentes dans leur nature et dans les outils analytiques `a mobiliser. Sous le r´egime de propri´et´e commune, il existe un droit d’exclusion qui est donn´e `a un groupe bien d´efini, alors qu’en acc`es libre le droit d’inclusion est donn´e `a tous les agents. Du fait de la possibilit´e d’exclusion, les agents vont pouvoir inter-agir strat´egiquement. Dans le cas de l’acc`es libre, les agents estiment que le r´esultat final est ind´ependant de leurs propres d´ecisions, dans le cas de la propri´et´e commune, les agents estiment que leur propre d´ecision aura une influence sur le r´esultat final, et donc va induire une r´eaction de la part des autres agents.

De nombreux auteurs ont donc re-travaill´e sur le mod`ele de Hardin (Os-trom et al., 1994 ; Baland et Platteau, 1996 ; pour une revue r´ecente de la litt´erature voir ´egalement Faysse, 2001b ; Faysse, 2001a). Ces travaux s’int´ e-ressent pour la plupart aux conditions qui pourraient permettre l’´emergence de la coop´eration comme situation d’´equilibre. Pour cela plusieurs directions

ont ´et´e prises : (a) type d’interaction strat´egique, en remettant en cause le dilemme du prisonnier sans communication, et sans r´ep´etition comme sch´ema unique d’interactions, (b) h´et´erog´en´eit´e des groupes et apparition de la coop´ e-ration, (c) r´ep´etition dans le temps des interactions, (d) existence de normes, (e) interactions avec le r´egime de propri´et´e, et distinction entre acc`es libre et propri´et´e commune.

Position par rapport `a la litt´erature sur la propri´et´e collective Par rapport `a la litt´erature th´eorique sur la gestion des ressources en bien commun et la propri´et´e collective, on se positionne dans un cadre relativement simple : le jeu non-coop´eratif sans r´ep´etitions avec information parfaite. On n’attend donc pas de r´esultats th´eoriques nouveaux de notre travail de mod´elisation pour la th´eorie des jeux.

Nous n’aborderons pas la n´egociation et la gen`ese des r`egles et des institu-tions au sein des puits, qui devrait faire appel `a la th´eorie des jeux coop´eratifs. Nous nous pla¸cons en aval de ces n´egociations, et analysons l’impact de ces r`egles sur les comportements individuels des producteurs du groupe.

Par rapport `a la litt´erature cependant, nous proposons une mod´elisation d’un jeu `a n joueurs appliqu´ee `a une situation r´eelle de production. Les stra-t´egies des producteurs, habituellement simplifi´ees et pr´esent´ees sous forme de tableau de gains simple, correspondront donc `a des choix de cultures et de choix de techniques repr´esent´es `a partir de mod`eles d’exploitation. Il ne s’agit donc pas tant de rechercher un r´esultat th´eorique nouveau que d’appliquer la th´eorie des jeux existante `a un cas complexe.

2.2.3 La formation des prix sur les march´es