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Contrairement à ce qu'on pourrait être enclin d'imaginer en tant que constitutionnaliste, le point de départ de la réforme de la justice fédérale n'est pas l'arrêté constitutionnel de mars 2000 sur la réforme de la jus-tice. Du moins en ce qui concerne les lois qui font l'objet de la présente journée de droit administratif, le point de départ est plutôt un échec, à savoir l'échec de la révision du 23 juin 1989 de la loi d'organisation judiciaire, rejetée en votation populaire le 1" avril 1990. Si on examine la genèse de la réforme de la justice, on constate en effet que celle-ci ne procède pas d'une démarche qui reflète la hiérarchie des normes, mais qu'elle s'opère sur deux plans ou deux pistes; deux pistes empruntées en partie simultanément et qui se croisent à un moment donné.

li- Je tiens à remercier M. PHILIPPE GERBER de son appui pour la préparation de cette contribution.

Prenons d'abord la piste de la loi. Jusqu'en 1969, la loi fédérale sur l'or-ganisation judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ)' n'a pas subi de modi-fications majeures. L'année 1969 a marqué un tournant important en raison de deux éléments:

d'une part, c'est l'année de l'entrée en vigueur de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA)', qui intro-duit une réglementation générale des procédures administratives non contentieuses et contentieuses,

et, d'autre part, le législateur a, à ce moment-là, élargi considérable-ment la juridiction administrative du Tribunal fédéral par le passage de l'énumération exhaustive à la clause générale.

Par la suite, de 1969 à 1971, une commission d'experts, placée sous la présidence du prof. MARTI a élaboré des propositions visant à assou-plir et à élargir les conditions du recours de droit public. Toutefois, les propositions de cette commission n'ont pas été reprises; en partie parce que le Tribunal fédéral changeait de pratique et assouplissait ses exi-gences de forme en matière de recours de droit public; en partie aussi, et peut-être surtout, parce que la charge du Tribunal fédéral augmentait considérablement à cette époque'.

C'était en fait l'époque de ce qu'on pourrait appeler un changement de paradigme: l'idée de l'extension de la protection juridique a cédé peu à peu la priorité à l'idée de l'allégement des tâches du Tribunal fédéral.

Depuis le milieu des années 70 jusqu'il y a très récemment une des idées maîtresses (si ce n'est pas l'idée maîtresse) des travaux de réforme de la justice était d'éviter la surcharge du Tribunal fédéral ou d'y remédier.

La commission d'étude CAVIN a tenu compte de cette nouvelle orienta-tion des réflexions et a notamment proposé, en 1977, de créer, à l'échelon fédéral, une commission centrale de recours en matière administrative';

une solution qui, manifestement, préfigure le Tribunal administratif fédéral. Bientôt, la commission d'experts DUBs, instituée en 1978, a poursuivi et élargi les travaux de la commission CAVIN. Comme

celle-RS 173.110.

, RS 172.021.

3 FF 1985 II 752 s.

4 FF 1985 II 753.

La réforme de la justice fédérale: genèse et grands principes

ci (et conformément à son mandat), elle a mis l'accent sur les mesures susceptibles de contribuer à la décharge des tribunaux fédéraux'.

L'analyse et les propositions de la commission DUBs sont largement re-prises dans le message du Conseil fédéral de 1985 sur la révision de la loi d'organisation judiciaire. Dans ce message, le Conseil fédéral af-firme: «la surcharge est le problème principal des tribunaux fédéraux.

Aussi se justifie-t-il et s'impose-t-il actuellement de remédier avant toute chose à cette situation. La priorité doit donc être accordée à la décharge de ces tribunaux; l'amélioration de la protection juridique des justiciables ainsi que le remaniement de la loi d'organisation judi-ciaire d'un point de vue rédactionnel devront, quant à eux, si cela est possible et souhaitable, être examinés ultérieurement. ,,'

La révision partielle de la loi d'organisation judiciaire, adoptée par le parlement en 1989 prévoyait notamment:

l'introduction de la procédure d'examen préalable pour le recours de

droit public; .

l'augmentation de la valeur litigieuse en matière civile,

et le déyeloppement des autorités judiciaires inférieures en matière de juridiction administrative fédérale par la création de nouvelles commissions de recours par la Confédération et l'accès à la juridic-tion administrative cantonale'.

En revanche, le parlement n'avait pas repris deux mesures prévues dans le message du Conseil fédéral, à savoir d'une part la procédure d'ad-mission pour les autres recours que le recours de droit public et d'autre part la suppression de la gratuité de la procédure de recours devant le Tribunal fédéral des assurances. Malgré le fait que le parlement n'avait pas repris les mesures les plus contestées, la révision n'a pas trouvé grâce auprès du peuple, qui a rejeté la révision partielle de la loi d'organisa-tion judiciaire en 1990'. Ce n'est qu'après l'abandon de l'augmentad'organisa-tion de la valeur litigieuse pour le recours en réforme et l'action civile ainsi

FF 1985 II 754 ss.

, FF 1985 II 767.

7 FF 1989 II 802.

s FF 1990 II 976.

que de la procédure d'examen préalable pour le recours de droit public que la modification de la loi d'organisation judiciaire a réussi à trouver, en 1991, le consensus nécessaire'. Le gouvernement et le parlement ont donc fait un effort pour réparer rapidement les pots cassés.

Deux ans après, en 1993, le Département fédéral de justice et police a chargé une nouvelle commission d'experts, présidée par le Directeur de l'office fédéral de la justice, M. KOLLER, de préparer une révision totale de la loi d'organisation judiciaire. Le rapport final de cette commission, publié en 1997, a servi de base à la préparation du message du Conseil fédéral de 2001.

Presque parallèlement et dès 1994 une autre commission d'experts, sous la présidence du prof. KXLIN celle-ci, et formant en fait, de par sa composition, une sorte de comité restreint de la commission KOLLER,

a préparé le projet de réforme constitutionnelle en matière de justice (le projet C de la réforme de la Constitution fédérale)1O. C'est donc une seconde piste, la piste constitutionnelle, qui a été ouverte en 1994.

A partir de ce moment, les travaux au niveau constitutionnel et au ni-veau de la loi s'influencent et se complètent réciproquement, et la ré-forme constitutionnelle, adoptée par le parlement en 1999 et acceptée en votation populaire en mars 2000 posera des jalons pour la révision totale de la loi d'organisation judiciaire et fournira aussi les fondements juridiques nécessaires.

Les principaux buts des travaux de réforme sont largement les mêmes aux deux niveaux, avec des nuances et des différences qui résultent notamment des modifications que le parlement a apportées au projet constitutionnel du gouvernement suite à l'abandon du contrôle juridic-tionnel des lois fédérales et aux limitations de la possibilité de restreindre l'accès au Tribunal fédéral" .

Au niveau constitutionnel, les buts étaient en particulier les suivants 12:

, RO 1992 288.

10 FF 199711,495 ss.

" Cf. FF 2001 4020 ss.

12 FF 1997 502.

La réforme de la justice fédérale: genèse et grands principes

1. remédier par des mesures structurelles, en particulier par la créa-tion d'instances judiciaires inférieures, à la surcharge du Tribunal fédéral de façon à ce que ce dernier puisse remplir de façon optimale ses tâches de juridiction suprême;

2. assurer la protection juridique dans tous les domaines du droit par un système de moyens de droit aussi simple et compréhensible que possible et par une garantie de l'accès au juge;

3. donner à la Confédération la compétence d'unifier le droit de procé-dure en matière civile et en matière pénale.

Au niveau de la loi, en ce qui concerne la révision totale de la loi d'orga-nisation judiciaire, les principaux buts étaient:

1. la décharge du Tribunal fédéral;

2. la simplification des voies de droit;

3. l'amélioration de l'organisation de la juridiction suprême.

Comment ces buts ont-ils été traduits en mesures concrètes? Comment sont-ils reflétés dans la révision totale de l'organisation judiciaire fédé-raie? C'est ce que nous allons examiner maintenant.

III. Les grandes lignes de la réforme et de la nouvelle

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