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TROISIEME PARTIE Caractérisation de la recristallisation statique

G O BSERVATION DE LA RECRISTALLISATION : SURFACE VS VOLUME

Le principe même de la technique de recuit in situ est d’observer les évolutions micros- tructurales sur une surface libre. Cependant, le fait d’introduire cette surface libre dans la mi- crostructure peut potentiellement influencer le déroulement de la recristallisation et de la croissance de grains. Dans la littérature, plusieurs analyses ont été réalisées afin d’évaluer l’effet de la surface libre sur les évolutions métallurgiques. Deux méthodes ont été employées :  Comparaison des microstructures en surface et au cœur de l’échantillon

« in situ »,

 Comparaison de la microstructure en surface de l’échantillon in situ avec une microstructure à cœur d’un échantillon ayant subi le même traitement dans un four classique.

De ces études, il ressort que les cinétiques de recristallisation et les tailles de grains fi- nales sont similaires (Liao et al. 1998; Hurley & Humphreys 2004), ce qui confirme nos observa- tions sur le tantale. Dans le cas de l’aluminium, les études ont également montré que la sur- face libre n’avait pas d’effet sur la migration des joints de grains (Lens et al. 2005; Y. Huang & Humphreys 1999). Néanmoins, certains auteurs ont tout de même noté certaines différences entre la microstructure en surface et celle à cœur sur un même échantillon dans le cas d’un acier sans interstitiels (IF steel) (Nakamichi et al. 2008). Ils suggèrent toutefois que les diffé- rences observées pourraient provenir d’un gradient de température dans l’épaisseur de l’échantillon. Afin de confirmer que la surface libre a peu d’effet sur les mécanismes de recris- tallisation et de croissance de grains dans le cas du tantale, l’échantillon ayant subi la séquence entière de traitements thermiques a été découpé perpendiculairement à la surface libre. La tranche a ensuite été polie pour une analyse EBSD. La figure 3-21 montre une comparaison des microstructures sur la surface et sur la tranche. Cet échantillon ne présente pas de différence significative entre la surface et le cœur avec une taille de grains similaire autour de 30 µm. Le système utilisé n’induit donc pas de gradient de température dans l’épaisseur de l’échantillon et la surface libre ne génère pas de force de freinage supplémentaire (gravage thermique des joints de grains) empêchant les grains de croître comme dans le volume.

Figure 3-21. Observation de la microstructure dans une coupe perpendiculaire à la surface libre et comparaison avec la microstructure de la surface libre

Grâce à ce système de chauffage in situ permettant d’atteindre une température de 1200°C à des vitesses de 100°C/s (en chauffage et refroidissement), nous avons pu observer et caractériser de manière originale la recristallisation statique et la croissance de grains dans le tantale. Les phénomènes observés sur la surface correspondent aux mécanismes connus d’évolution de la microstructure durant un traitement thermique. Cette technique n’induit pas de biais influençant de manière significative les résultats et il apparaît possible de déduire de cette expérience des données quantitatives comme la mobilité moyenne des joints de grains. En résumé, les faits établis et les grandeurs déterminées à partir de cette expérience sont les suivants :

 Les nouveaux grains recristallisés apparaissent dans les zones présentant les plus fortes désorientations intragranulaires.

 La germination est plutôt de type continu. Le nombre de germes diminue au cours du temps, les sites de germination devenant plus rares au fur et à mesure que la recristallisation progresse.

 Pendant la recristallisation, les joints des grains recristallisés peuvent être fortement tortueux en raison des variations locales d’énergie stockée. Ces joints de grains se régularisent pendant la croissance de grains et devien- nent plus rectilignes.

 La mobilité moyenne, estimée en 2D, des joints de grains à 750°C est de l’ordre de 1 x 10-13 m4.J-1.s-1.

 L’énergie d’activation de la migration des joints de grains estimée à partir des données de la littérature est Qm ≈ 180 kJ.mol-1.

 Le terme pré-exponentiel de loi d’Arrhénius pour la mobilité peut être éva- lué à m0 ≈ 3,4 x 10

-5

m4.J-1.s-1.

En l’état, cette étude ne permet pas encore d’accéder à toutes les données nécessaires à la modélisation du phénomène de recristallisation. Cette technique ne permet notamment pas d’acquérir des données statistiquement représentatives du matériau comme les cinétiques de recristallisation. C’est pourquoi nous allons par la suite utiliser des techniques de traite- ments thermiques plus classiques pour caractériser la recristallisation.

Vue de dessus Vue en coupe Vue de dessus- taille de grains moyenne

30µm

Vue en coupe- taille de grains moyenne 30µm Echantillon

« four »

(ruban de tantale soudé à l’échantillon)

E C A H N T I L L O N

3. Déclenchement de la recristallisation et densité de dislocations équiva-

lente critique

La première étape de caractérisation de la recristallisation va consister à identifier les conditions thermomécaniques nécessaires pour déclencher la recristallisation statique du tan- tale. Depuis le début de cette étude, nous avons fait le choix de décrire la microstructure de l’état déformé par une densité de dislocations équivalente représentative à la fois de l’histoire de déformation et de vitesse de déformation. L’objectif est donc de déterminer, à une tempé- rature donnée, pour quelle valeur critique de densité de dislocations équivalente le tantale recristallise et ainsi de définir une courbe de densité de dislocations équivalente critique en fonction de la température.

La démarche mise en œuvre pour établir cette courbe critique pour le déclenchement de la recristallisation est de réaliser des éprouvettes à gradient de densité de dislocations. Ces éprouvettes seront ensuite recuites à plusieurs températures et leurs microstructures seront observées pour déterminer à partir de quelle valeur de densité de dislocations équivalente apparaissent les grains recristallisés.

L’idée est de partir d’un essai de compression uniaxiale simple et d’accentuer les hété- rogénéités de déformation dues au frottement par une hétérogénéité due à la géométrie de l’éprouvette. Une première solution serait de remplacer l’éprouvette cylindrique classique par une éprouvette conique (Manonukul & Dunne 1999). Une fois déformée, cette éprouvette présente des gradients de déformations qui sont non monotones et fortement dépendant des conditions de frottement. Ces éprouvettes sont alors difficilement exploitables pour détermi- ner une densité de dislocations critiques. Pour pallier cela, le pion cylindrique classique peut être remplacé par une éprouvette « double cône » proposée par Weaver et Semiatin (Weaver & Semiatin 2007) pour étudier la recristallisation dynamique dans un super alliage base nickel. L’éprouvette se compose de deux cônes inversés séparés par une partie cylindrique (figure 3- 22). Cet essai présente une répartition hétérogène mais concentrique de la déformation au niveau du plan perpendiculaire à l’axe de compression passant par le milieu de la partie cylin- drique. Il induit donc un gradient de densité de dislocations entre le centre de l’éprouvette et le bord qui de plus ne dépend pas du frottement.

Figure 3-22. Vue 3D de l'éprouvette "double cône" (a) de ses dimensions (b) et de la localisation du gradient de densité de dislocations que l’on souhaite exploiter après déformation (c)

Nous avons optimisé cette éprouvette « double cône » (ou DECC pour « DoublE Cône Compression ») par simulation numérique basée sur la méthode des éléments finis afin de satisfaire deux critères principaux :

2. Le gradient de densité de dislocations équivalente doit être le plus fort possible, c'est-à-dire que le centre doit présenter une densité de disloca- tions la plus élevée possible alors que le bord de l’échantillon doit se dé- former le moins possible.

La méthode d’optimisation de cette géométrie est détaillée dans l’annexe A9. Les dif- férents paramètres de la géométrie retenue sont définis sur la figure 3-23 et rassemblés dans le tableau 3-2.

Figure 3-23. Géométrie de l'éprouvette DECC optimisée Tableau 3-2.Paramètres de la géométrie choisie pour l'essai DECC

Paramètre D (mm) h (mm) h’ (mm) α (°)

Valeur 30,6 7 2 22,5

L’éprouvette ainsi dimensionnée permet d’obtenir, lorsqu’on la comprime de 4 mm, un gradient de densité de dislocations entre le centre et le bord de l’éprouvette (figure 3-24.a). On voit également sur la figure 3-24.b que la densité de dislocations est homogène dans la direction DC sur une bande d’environ 1 mm de largeur autour du plan médian.

Figure 3-24. (a) répartition de la densité de dislocations équivalente le long d'un rayon de l'éprouvette optimisée et déformée à 0.1 mm/s (b) Cartographie de la densité de dislocations équivalente dans le plan (DR1, DC) dans le

cas d’un contact collant

d0= 7 D h h’ h0= 11 α DC DR1 DR2

(a)

(b)

DC 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Densité de dislocations équivalente relative 1 mm