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DEUXIEME PARTIE Loi de comportement du tantale pur et

D I NFLUENCE DU TEMPS DE MAINTIEN SUR LA MICRODURETE DU TANTALE PUR RECRISTALLISE

3. Evolution de la microstructure aux grandes déformations

Lorsque le niveau de déformation augmente à vitesse de déformation et température constante, on observe une saturation de la contrainte dans le tantale. Avec le modèle de com- portement choisi dans ces travaux, cela se traduit par une saturation de la densité de disloca- tions équivalente qui laisserait à penser que la microstructure n’évolue plus.

Dans le cas de la microstructure évoquée section III.2 ( ), la densité de dislocations équivalente relative est d’environ 6,2. Lorsqu’on augmente la déforma- tion par un facteur 2 ( ), la densité de dislocation relative augmente peu (6,7) mais on peut tout de même voir des modifications au niveau de la microstructure (figure 2-30). Sur

La rotation du grain B est appliquée à l’orientation initiale du grain A Orientation initiale du grain B Niveau de corotation

= angle de désorientation Joint de grains

Rotation du grain B soumis à la deformation Rotation du grain A soumis à la deformation Orientation initiale du grain A 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 0 5 10 15 20 G ra d ie n t l o ca l d 'o ri e n ta ti o n r e la ti f Niveau de corotation (°)

la figure 2-30.a, on voit toujours l’hétérogénéité des désorientations intragranulaires que l’on pouvait observer pour un niveau de déformation moins important. Cependant, lorsque l’on compare la distribution de ces désorientations avec la distribution de l’échantillon deux fois moins déformé (figure 2-30.b), on constate un léger déplacement du pic, un élargissement de la distribution et une désorientation maximum augmentée. Cette observation peut être le signe de la création de parois de dislocations générant des désorientations intragranulaires significatives et traduisant la formation d’une sous-structure en cellules délimitées par des parois de dislocations.

Figure 2-30. (a) Cartographie des désorientations intragranulaires dans un échantillon de torsion (déformation de 1,28)

(b) Distributions des désorientations intragranulaires pour deux niveaux de déformation ayant une densité de dislocation équivalente similaire

Cette réorganisation des dislocations en une sous-structure en cellules est phénomène classique dans le tantale et assez largement observé dans les procédés induisant de fortes déformations (Vandermeer & Snyder 1979; Sandim et al. 1999; Sandim et al. 2000; Sandim et al. 2001; Wei et al. 2003; Mathaudhu & Hartwig 2006). Dans notre cas de torsion, la déforma- tion augmentant encore ( ), on voit une fragmentation claire des grains (figure 2- 31.a). Il est même difficile de reconnaître les grains initialement présents dans la microstruc- ture non déformée. Dans ce cas, le processus de restauration dynamique a atteint des propor- tions telles que les sous-grains se sont transformés en grains. On retrouve d’ailleurs dans cette microstructure des preuves de restauration dynamique avec la présence de sous-joints de grains dans les grains ayant un diamètre équivalent supérieur à 1 µm (figure 2-31.b).

0 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14 0,16 0 0,5 1 1,5 2 2,5 3 3,5 4 Fr équ ence Désorientations intragranulaires (°/µm) Niveau de déformation : 0,64 Niveau de déformation : 1,28 (a) (b) 0°/µm 1,16°/µm

Désorientations intragranulaires au 3evoisin avec un pas de 1,44 µm

1ervoisin, pas

Figure 2-31. (a) Microstructure d'un échantillon de tantale déformé par torsion (3,5 de déformation) (b) désorientations intragranulaires dans les grains supérieurs à 1 µm

Due à l’anisotropie de comportement et à l’hétérogénéité de l’écrouissage à l’intérieur même d’un grain, cette sous-structure générée par la restauration dynamique ne va pas se former de manière homogène dans la microstructure. La localisation de l’écrouissage aux joints de grains et aux points triples va favoriser la formation des sous-grains dans ces régions de la microstructure. En considérant la définition d’un germe de recristallisation, il est fort probable que les cellules formées au cours de la déformation soient des embryons de germes. La figure 2-32 montre, grâce à une image d’électrons rétrodiffusés d’un échantillon de tantale déformé en torsion, des cellules proches d’un joint de grains se retrouvant dans une configura- tion similaire à celle décrite dans certaines théories de la germination basée sur la croissance anormale de sous-grains (Holm et al. 2003; Brechet & Martin 2006). On comprend alors pour- quoi le déclenchement de la recristallisation peut être facilité aux joints de grains et pourquoi plus la déformation augmente et plus la recristallisation sera rapide.

Figure 2-32. (a) Sous-structure de déformation dans un échantillon de tantale déformé par torsion (Imagerie d’électrons rétrodiffusés)

S

YNTHESE

Dans cette deuxième partie, l’objectif principal était d’avoir un outil fiable permettant de décrire l’état déformé du tantale et notamment la densité de dislocations, pour alimenter la modélisation de la recristallisation. A partir de théories et de lois déjà existantes pour le tan- tale provenant de travaux précédents au CEA DAM Valduc, nous proposons de nouveaux pa- ramètres afin d’améliorer la modélisation du comportement mécanique de ce matériau (ta- bleau 2-8).

Tableau 2-8. Tableau de synthèse de la loi de comportement choisie et identifiée pour le tantale

Contrainte d’écoulement (MPa) 100 (MPa) 1047 0,47 1,44 (J/at) 1,28 x10-19 (s-1) 2,5 x105 Ecrouissage 24,5 1,6 11 (J/at) 1 x10-19 (s-1) 2 x108

Ce modèle permet de retranscrire l’évolution de la contrainte d’écoulement à la transi- tion élastoplastique avec la température et la vitesse de déformation. Il permet également de bien reproduire l’écrouissage à température ambiante et donc de représenter la saturation des propriétés mécaniques. La modélisation du comportement mécanique permet d’avoir une description de la densité de dislocations équivalente en tout point d’une pièce par simulation numérique de la déformation plastique. Dans cette étude du comportement mécanique, nous avons pu estimer une densité de dislocations du matériau recristallisé à partir de considéra- tions mécaniques. Cette valeur est très peu évoquée dans la littérature mais elle est essentielle dans la modélisation de la recristallisation par le modèle en champ moyen. On l’estime à :

Lorsque le calcul de la densité de dislocations équivalente n’est pas possible par simu- lation numérique, une mesure de microdureté Vickers représente une alternative expérimen- tale. Nous avons pu mettre en évidence que la dureté Vickers du tantale est fortement dépen- dante du temps de maintien : plus le temps de maintien augmente, et plus la dureté diminue, jusqu’à atteindre un palier de dureté. Nous avons établi une loi semi-expérimentale/semi- numérique qui fait la corrélation entre des mesures de dureté Vickers à 300 gf réalisées sur un pion de compression et les densités de dislocations prédites par la simulation numérique de ce même essai de compression. Cette loi permettra à partir d’un essai de dureté Vickers avec une charge de 300 gf et un temps de maintien de 5 s de déterminer la densité de dislocations équi- valente (équation 2.19). Une autre loi a été établie pour un temps de maintien de 30 s (équa- tion 2.20).

Equation 2.19

Equation 2.20

La description de la microstructure de l’état déformé est basée sur une seule densité de dislocations. Cette approche mécanique a été complétée par des observations en micros- copie électronique à balayage de microstructures de tantale déformé. Ces observations nous ont permis de mettre en évidence l’anisotropie de comportement à l’échelle du grain. Cette anisotropie couplée aux hétérogénéités de la sollicitation mécanique à l’échelle locale, condui- sent à des variations de l’écrouissage à l’intérieur même d’un grain. Certaines zones d’un grain, et plus particulièrement les zones où l’incompatibilité de déformation est la plus forte comme les joints de grains et les points triples, vont montrer de fortes désorientations intragranulaires après déformation. Conformément à la théorie de la co-rotation évoquée dans la littérature, nous avons mis en évidence que l’augmentation des désorientations intragranulaires au niveau des joints de grains est reliée au fait que les grains de part et d’autre du joint subissent une rotation différente sous l’effet de la déformation. Enfin, aux plus fortes déformations, nous avons pu voir le développement de la restauration dynamique formant une sous-structure composée de cellules délimitées par des parois de dislocations. Ce phénomène peut même conduire à la formation de nouveaux grains (recristallisation dynamique continue). Ces cellules semblent être des précurseurs de la germination de la recristallisation. A partir de cette obser- vation de la microstructure, on peut penser que la distribution de densité de dislocations équi- valente utilisée dans le modèle pourra décrire l’hétérogénéité de comportement (écrouissage) entre les grains après déformation. Cependant, il sera plus difficile de prendre en compte les hétérogénéités intragranulaires ainsi que la formation de la sous-structure en cellule.

Dans la partie suivante, nous allons nous pencher sur les évolutions microstructurales dans le tantale pur au cours d’un traitement thermique qui suit une étape de déformation. Nous pourrons ainsi déterminer en quoi cette microstructure de déformation est importante et comment elle conditionne les modifications de la microstructure.

TROISIEME PARTIE.