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2.6 Résultats et discussions

2.6.3 Et la Géostatistique dans tout ça ?

L’objectif de ce paragraphe est de justifier au moins en partie pourquoi nous n’avons pas utilisé les outils géostatistiques pour estimer les précipitations en montagne, bien que nous nous soyons amplement inspirés de certains de leurs principes.

La Géostatistique a deux objectifs principaux : l’estimation et la simulation. L’esti-mation, encore appelée interpolation optimale, consiste moyennant quelques hypothèses sur la distribution du processusZ(x), à proposer en tous points l’espérance mathématique

Z(x)conditionnée par les valeurs observées, ainsi qu’une incertitude σεZ2 ou variance d’estimation.

On suppose en général queZ(x) a les mêmes propriétés aux points à estimer qu’aux points observés. Et plus on s’éloigne des points observés, plus l’estimation revient pru-demment vers la moyenne du champ, puisqu’elle est de moins en moins informée, condi-tionnée par des mesures trop lointaines. De ce fait, il est très rare que l’estimée Z(x)

dépasse les valeurs maximums observéesZi(cela peut arriver entre deux stations proches

jet j+1 où les observéesZjetZj+1sont à la fois fortes et quasi égales).

Dans notre cas, le problème principal ne consiste pas du tout dans l’interpolation (qui fonctionne assez bien en plaine et moyenne montagne où le réseau est généralement assez dense). Notre problème est un problème d’extrapolation, vers les zones de haute montagne où l’on sait (d’après les débits qui en résultent) que les précipitations n’ont pas la même distribution, qu’elles sont en général plus fortes, et instrumentées par un réseau moins dense voire inexistant...

On peut alors poser le problème d’estimation sous une forme différente où la va-riable Z(x)est la somme d’une tendance, ou d’une dérive externeY(x) à laquelle vient se superposer un processus plus stationnaire, analogue à celui que l’on rencontrerait en plaine : Z(x) =Y(x) +U(x). Et en fait, l’essentiel du problème ne proviendra pas de

U(x), bien identifié dans les zones instrumentées oùY(x) est secondaire ou inexistant, mais bien plutôt à identifier Y(x) à partir d’informations secondaires ou de considéra-tions physico-déterministes, ou encore statistiques ; puisqueY(x) n’est pas instrumenté directement faute de réseau dans la zone où il domine.

Pour ce travail non pas d’interpolation, mais bien d’extrapolation, nous avons donc choisi d’utiliser une approche statistique, afin d’identifierY(x)à l’aide d’une classification en type de temps ainsi que des observations secondaires (NPT notamment) différentes des observations pluviométriques classiques.

Cependant,les outils statistiques comme le krigeage ont l’avantage de fournir une in-certitude d’estimation, chose que nous n’avons pas encore réalisée avec notre modèle. Nous présentons dans le paragraphe qui suit, une méthode d’évaluation de nos incerti-tudes d’estimation.

74 CHAPITRE 2. STRUCTURES SPATIALES DES PRÉCIPITATIONS

Comparaison avec le krigeage simple

Le krigeage est une méthode d’interpolation spatiale qui tient compte de la confi-guration géométrique des points observés et de la structure spatiale propre à la variable estimée, le variogramme11. Son utilisation dans l’interpolation de variables environne-mentales est très courante (Goovaerts, 2000).

Nous avons donc cherché à interpoler par krigeage simple les précipitations annuelles moyennes (1957-1973) sur le massif des Alpes, afin de comparer ce mode d’interpolation au modèle que nous avons développé. On présente dans la figure 2.23(a) le variogramme obtenu au pas de 5 km. Dans la pratique, on ajuste au variogramme brut un modèle théo-rique classique, afin de garantir la cohérence mathématique des calculs. Le tableau 2.7 donne le paramétrage et la figure 2.23(b) présente le tracé des ajustements des trois mo-dèles les plus usités :

– Le modèle sphérique (en bleu) :

γ(h) =C· 32·h a−12· h a 3!

– Le modèle exponentiel (en vert) :

γ(h) =C· 1−exp3ha

– Le modèle gaussien (en violet) :

γ(h) =C· 1−exp −(h a)2

TAB. 2.7 – Paramètres retenus pour les variogrammes théoriques sur le massif des Alpes Type de modèle Portée (km) Palier (mm2) Pépite (mm2) Erreur type (mm2)

Sphérique 30.1 119600 0 11225

Exponentiel 40.3 123400 0 6808

Gaussien 18.9 117240 0 13652

Comme on peut le voir dans le tableau 2.7, le modèle exponentiel se rapproche le mieux du variogramme brut, c’est donc avec ce modèle que nous avons réalisé le kri-geage de nos données, dont le résultat cartographique est présenté dans la figure 2.24. On retrouve l’aspect classique d’un krigeage, en "bosses et creux", avec un lissage important des discontinuités. Les rendus cartographiques sont donc peu contrastés, et la variabilité spatiale assez faible, le massif de la Chartreuse est à peine visible par exemple.

Afin de comparer avec les scores de validation croisée de notre modèle, le krigeage effectué précédemment est réalisé en validation croisée. C’est à dire que l’estimation de la

11La constitution du variogramme est le point le plus délicat dans la mise en oeuvre du krigeage. Nous

avons utilisé pour son élaboration Hydrolab, un ensemble de macro commandes sous le tableur Excel. Cet outil développé par J. P. Laborde et N. Mouhous du CNRS, permet de réaliser les analyses statistiques élémentaires les plus courantes en hydrologie de surface, dont l’analyse variographique

2.6. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 75 précipitation en chaque station est réalisée à l’aide d’un krigeage simple sur le panier de données complet auquel on a retiré cette station (dans la pratique on réalise donc autant de krigeages qu’il y a de stations dans le panier). Notre modèle et ce krigeage peuvent ainsi être comparés de manière égale, les scores de validation croisée ainsi obtenus sont présentés dans le tableau 2.8.

TAB. 2.8 – Résultats de validation croisée pour le krigeage simple sur le massif des Alpes Score Biais NASH RMSE (mm)

Krigeage simple 1.05 0.59 204 Modèle avecNs=8 1.00 0.77 135

La comparaison entre le krigeage simple et notre modèle est évidemment sans appel. En effet, nous ne pouvions pas espérer tirer de bons résultats du krigeage simple. Le kri-geage simple reste un interpolateur mathématique qui ne prend pas en compte le relief, pourtant primordial dans l’étude des précipitations en montagne. Cette comparaison si elle ne peut apporter bien entendu de validation à notre modèle, nous permet néanmoins d’apprécier la position de notre modèle, par rapport à un estimateur mathématique relati-vement simple.

Par ailleurs, nous aurions pu aussi faire du krigeage par type de temps, en prenant en compte l’anisotropie du variogramme par type de temps. Nous n’avons pas cherché à donner toutes ses chances au krigeage simple. De plus, il existe d’autres outils géostatis-tiques, dérivés du krigeage, qui sont plus adaptés aux problèmes d’interpolation des pré-cipitations. On peut notamment citer le cokrigeage12ou le krigeage avec dérive externe13, d’ailleurs utilisé avec succès dans la cartographie de l’équivalent en eau du manteau nei-geux au Canada (Tapsobaet al., 2005).

12Méthode d’interpolation par krigeage d’un ensemble de variables tenant compte de la structure spatiale

des corrélations entre ces variables

13Forme de krigeage permettant d’estimer une variable (ici la pluie) pour laquelle on dispose de peu de

mesures en profitant des valeurs observées plus nombreuses d’une autre variable qui lui est linéairement corrélée (en l’occurrence ici l’altitude)

76 CHAPITRE 2. STRUCTURES SPATIALES DES PRÉCIPITATIONS 0 50000 100000 150000 200000 250000 0 50000 100000 150000 200000 250000 300000 350000 Distance h (m) Gamma(h) (mm²) Exp. Lin. Sphér. Expo. Gauss

(a) Variogramme brut

0 20000 40000 60000 80000 100000 120000 140000 0 20000 40000 60000 80000 100000 Distance h (m) Gamma(h) (mm²) Exp. Sphér. Expo. Gauss

(b) Ajustement des variogrammes théoriques

FIG. 2.23 – Variogramme des précipitations annuelles moyennes sur la période 1957-1973, sur le massif des Alpes

2.6. RÉSULTATS ET DISCUSSIONS 77

(a) Krigeage simple

0 500 600 700 800 900 1000 1100 1200 1300 1400 1600 1800 2000 2500 3000 5000 (mm/an)

(b) Légende

FIG. 2.24 – Cartographie des précipitations annuelles moyennes sur la période 1957-1973 obtenues par krigeage simple

78 CHAPITRE 2. STRUCTURES SPATIALES DES PRÉCIPITATIONS