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Géologie du Cap de Creus : contexte générale, structures, métamorphisme

1. Introduction

Depuis quelques décennies, plusieurs travaux se sont intéressés à l’origine -anatectique vs granitique- des divers champs de pegmatites Varisques présents en Europe. Bien que plusieurs de ces champs présentent des liens directs avec une source granitique (Cheilletz

et al., 1992; Raimbault, 1998; Melleton et al., 2011; Deveaud et al., 2013; Roda-Robles et al., 2016, 2018), de nombreux champs de pegmatites Varisques ne présentent pas de

corrélations spatiales avec de potentiels plutons granitiques sources. De plus, l'association fréquente de pegmatites et de migmatites dans ces domaines remet en question l'origine granitique des pegmatites, et suggère une origine anatectique (Roda Robles et al., 1999; Martins et al., 2012; Melleton et al., 2012; Deveaud et al., 2015; Barros and Menuge, 2016; Shaw et al., 2016; Konzett et al., 2018). Cependant, la majorité de ces études sont basées sur des analyses géochimiques, moins fréquemment sur des analyses géochronologiques, et plus rarement sur des analyses géostatistiques. Il semble important de noter que dans ces champs de pegmatites Varisques, aucunes relations structurales entre la position des pegmatites et les déformations régionales n’ont jamais été établies.

Au Cap de Creus, le champ de pegmatites d’âge Varisque est également caractérisé non seulement par l’absence d’un pluton granitique, mais également par la présence de zones migmatitiques. Du fait de l’abondance et de la qualité exceptionnelle des affleurements, le Cap de Creus a fait l’objet de nombreuses études structurales. Ces travaux se sont principalement axés sur l’évolution des différentes déformations régionales (Carreras and Druguet, 1994, 2014; Druguet et al., 1997, 2009; Druguet and Hutton, 1998; Carreras, 2001; Druguet, 2001; Piazolo and Passchier, 2002; Carreras et al., 2005; Druguet and Carreras, 2006; Fusseis et al., 2006; Alsop and Carreras, 2007; Gomez-Rivas et al., 2007; Fusseis and Handy, 2008; Candami et al., 2013; Ponce et al., 2013), mais également sur les relations entre le magmatisme et l’évolution structurale de la région (Carreras and Druguet, 1994; Druguet et al., 1997; Druguet and Hutton, 1998; Druguet, 2001; Bons et al., 2004), ou encore sur l’évolution géochimique du magmatisme présent dont les pegmatites (Alfonso et al., 1995, 2003; Alfonso and Melgarejo, 2000). Cependant, aucunes corrélations n’ont été établies entre l’évolution des différentes déformations régionales, la mise en place des pegmatites et leur source. C’est pourquoi le Cap de Creus est un lieu idéal pour étudier en détails l’origine granitique vs anatectique des pegmatites, intégré dans un contexte tardi- orogénique Varisque.

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2. Contexte géologique

Fig. II-1 : Contexte géologique du Cap de Creus. a) Carte géologique schématique des Pyrénées. Seules les roches pre-Paléozoïque et Paléozoïque, ainsi que les massifs Varisques sont mis en évidence. AG – Agly ; NPF – North Pyrenean Fault ; Q-M – Querigut-Millàs ; SL-LJ – Sant Llorenç – La Jonquera ; AL – Albères ; G – Guilleries ; C-B – Costa Brava ; M – Montnegre. D’après Druguet et al., 2014. b) Zonation métamorphique et magmatisme du Cap de Creus. D’après Druguet, 2001.

36 Le Cap de Creus, situé à l’extrême Est des Pyrénées, appartient à la Zone Axiale (ZA) Pyrénéenne et fait partie du socle Varisque (Carreras and Capella, 1994; Druguet, 2001; Carreras and Druguet, 2014) (Fig. II-1). Il est caractérisé principalement par une épaisse série méta-sédimentaire (plus de 2 km d’épaisseur) alternant entre des bancs métapélitiques et des bancs méta-gréseux (métagreywackes). De plus, au sein de cette série il est possible d’observer des niveaux carbonatés (calcaire métamorphisé), siliceux (quartzite sédimentaire métamorphisé), ainsi que des roches à amphibole-plagioclase. Cette série, dont le protholite sédimentaire a été daté entre 577 et 558 Ma (Casas et al., 2015), est intrudée par différentes roches magmatiques telles que des diorites riches en quartz, des granodiorites ou encore des leucogranites et des pegmatites. Durant l’orogène Varisque, trois épisodes de déformations majeurs vont affecter cette série méta-sédimentaire (Carreras and Druguet, 1994) (Fig. II-2). L’épisode de déformation le plus ancien (D1) est un épisode caractérisé par un métamorphisme de BP/HT, conduisant au développement d’une schistosité (S1) subparallèle au litage stratigraphique (S0). Par la suite se met en place l’épisode de déformation D2. Cet épisode est caractérisé par le plissement de la schistosité S1 dans des conditions métamorphiques progrades de BP/HT, accompagné par la mise en place des différentes roches magmatiques. Cette augmentation de la température engendre le développement des zones à chlorite-muscovite au sud de la zone, aux zones à sillimanite- feldspath K et de fusion partielle au nord. Le pic de métamorphisme associé à D2 a été estimé aux alentours de 670°C et 4,7kbars par Druguet (2001), et l’intrusion de la diorite riche en quartz de Tudela a été daté autour 299 Ma (U/Pb sur zircon, Druguet et al., (2014)). Le dernier épisode de déformation D3 conduit au développement, dans des conditions rétrogrades de métamorphisme, d'un réseau de zones de cisaillement globalement NO-SE, et présentant un sens de cisaillement principalement inverse-dextre. De plus, ces zones de cisaillements recoupent l’ensemble des structures D1 et D2, postdatant clairement l’évènement de déformation D3 au métamorphisme de BP/HT, et à tous les types de magmatisme y compris les pegmatites.

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Fig. II-2 : Schémas vu en carte de l’évolution structurale de la zone du Cap de Creus caractérisée par les trois phases de déformations majeures Varisques. Les lignes épaisses représentent la foliation dominante à chaque stage. Les lignes continues représentent les foliations en cours de développement et les lignes en pointillés sont les foliations déformées. Les déformations D2 se mettent en place au cours du métamorphisme prograde alors que les déformations D3 apparaissent lors du métamorphisme rétrograde. Durant le stage intermédiaire entre D2 et D3, le métamorphisme n’est pas le même au nord et au sud : alors qu’au nord on est dans des conditions métamorphiques progrades, proche du pic, au sud se développe un métamorphisme dans des conditions rétrogrades. D’après Druguet, 2001.

Les différentes études structurales ont permis de mettre en évidence les principales caractéristiques des pegmatites du Cap de Creus (Carreras and Druguet, 1994; Druguet et

al., 1997; Druguet and Hutton, 1998; Druguet, 2001; Bons et al., 2004). Les pegmatites du

CdC, d’orientation préférentielle globalement E-O, se composent de filons sub-verticaux centimétriques à hectométriques (jusqu’à 100m de large et 200m de long) qui peuvent être planaire ou présenter une géométrie plus irrégulière. C’est au sein des zones de plus haut grade métamorphique (sil-ms et sil-fd K) et les zones de fusion partielle que l’abondance ainsi que la taille des pegmatites est la plus importante. Egalement, quelques pegmatites sub-horizontales sont présentent (quasi-exclusivement autour de la zone du Phare) et sont caractérisées par une continuité texturale avec les filons verticaux, ces derniers servant probablement de filons d’alimentation. D’après la nature même des liquides pegmatitiques, les déformations à l’état magmatique sont absentes, du fait notamment de la vitesse de croissance des minéraux (grande taille de cristaux) ainsi que de leur orientation préférentielle de croissance perpendiculaire aux épontes. Cependant les pegmatites les plus grandes, situées principalement dans la zone de Tudela (zone de fusion partielle), peuvent présenter un litage magmatique parallèle à la schistosité principale S2.

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Fig. II-3 : Bloc diagramme schématique (et non à l’échelle) de la région du Cap de Creus montrant la nature transpressive de l’évènement de déformation D2, basée sur le modèle de Druguet (2001) et de Carreras et Druguet (2013). Les structures de déformation D2 (traits fins noirs) sont plus pénétratives avec la profondeur, et la cinématique régionale est un couplage de cisaillements simples, d’une part dextre horizontal et d’autre part inverse vertical (grosses flèches noires). D’après Druguet et al., 2014.

Ces différents travaux ont également montré que la mise en place des différentes roches magmatiques intermédiaires (diorites riches en quartz, granodiorites), ainsi que des pegmatites était synchrone de la déformation régionale D2 (Druguet and Hutton, 1998; Druguet, 2001; Druguet et al., 2014) (Fig. II-3). D’après des observations majoritairement de terrain, ces auteurs ont montré que la mise en place des pegmatites était post pic thermique et se faisait dans un lapse de temps assez court. Egalement, qu’il existait un lien étroit entre la géométrie des pegmatites et l’angle existant entre la pegmatite et la schistosité principale. Les pegmatites ayant un angle faible avec la schistosité principale sont étirées (dans le plan de schistosité), tandis que les pegmatites ayant un angle fort avec la schistosité principale sont plissées. Les plis sont coaxiaux à ceux que l’on retrouve dans les roches encaissantes alentours mais plus ouverts, ce qui indique qu’une certaine déformation s’est produite avant la mise en place de la pegmatite et qu’elle s’est poursuivie par la suite. Enfin, ces auteurs ont montré qu’il existait dans les zones adjacentes aux migmatites, une catégorie de pegmatites non déformées, de géométrie planaire et recoupant la foliation transposée S1-2.

Une des études les plus récentes (Druguet, 2019) s’est intéressée à l’orientation préférentielle et contre-intuitive d’une grande partie des pegmatites subparallèles aux plans axiaux des plis S2 (c.-à-d. se mettant en place perpendiculairement à la direction de

39 raccourcissement). Dans ce modèle, Druguet propose que la formation de ces filons se créer par l’apparition d’un réseau de fractures dans le flanc le plus court des plis asymétriques durant le plissement progressif.

Partie 2. Les pegmatites du Cap de Creus : Pétrologie, classification,