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Chapitre V : Données géochimiques des pegmatites du Cap de Creus

Partie 1. Introduction de l’article : données structurales, microstructurales & EBSD

V. Chapitre V : Données géochimiques des pegmatites du Cap de Creus

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Partie 1. Pétrologie des pegmatites du Cap de Creus

1. Introduction

L’étude structurale approfondie des pegmatites du CdC et de leurs encaissants effectuée au cours de cette thèse a permis de mettre en évidence la coexistence de deux champs de pegmatites (cf. Chapitre IV). En effet, il a clairement été établi qu’une faible proportion des pegmatites de type I (i.e. pegmatites précoces) ainsi que les pegmatites de type II, III et IV appartiennent à un même champ. Alors que les autres pegmatites de type I (i.e. pegmatites intermédiaires et tardives), représentant la majorité des pegmatites du CdC, sont issues d’un autre champ chronologiquement bien distinct (Fig. V-1).

Sur ces observations, des études pétrologiques et géochimiques approfondies ont été réalisées afin de voir si ces deux champs possèdent des caractéristiques similaires (e.g. source), ou s’ils sont significativement différents. Egalement, ces études ont été effectuées dans le but d’observer les différents liens génétiques pouvant exister entre les différents types de pegmatites.

Au cours de ces travaux, les pegmatites de type I ont été classées en deux sous-familles : les pegmatites de type I-a correspondant aux pegmatites précoces de type I, et les pegmatites de type I-b correspondant aux pegmatites intermédiaires et tardives de type I.

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Fig. V-1 : Carte géologique du Cap de Creus montrant les pegmatites précoces (en bleu) et les pegmatites intermédiaires et tardives (en rouge) à l’évènement de déformation D2.

2. Tendances générales

Au Cap de Creus, une majorité des pegmatites présentent des caractéristiques texturales similaires. Seules les pegmatites de type I-a et les pegmatites litées de Tudela présentent des textures bien distinctes du reste (détaillées dans les parties « 3. Type I-a » et « 4. Type I-b » respectivement). Les pegmatites de type I-b, II, III et IV présentent généralement une zonation minéralogique « classique » avec une zone de bordure à texture granitique, régulièrement aplitique, une 1ère zone intermédiaire à grains moyens (< 10aine cm), une 2ème zone intermédiaire à gros grains (jusqu’à 30 cm pour les feldspaths des pegmatites de type I-b) et un cœur de quartz (Fig. V-2). Bien que présente des pegmatites de type I-b jusqu’aux pegmatites de type IV, c’est au sein des pegmatites de type I-b que cette zonation est la plus développée, avec des cœurs de quartz de plus d’un mètre d’épaisseur. Dès les pegmatites de type II, les zonations minéralogiques deviennent beaucoup moins développées et les cœurs de quartz sont régulièrement absents.

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Fig. V-2 : Textures générales caractérisant les pegmatites du Cap de Creus. a) Zonation minéralogique dite « classique ». b) Texture granitique de la zone de bordure. c) Cœur de quartz relativement bien développé.

Egalement, l’ensemble de ces pegmatites présentent régulièrement des zones aplitiques (Fig. V-3). D’une taille maximale de plusieurs dizaines de centimètres, elles sont composées majoritairement de quartz et feldspaths (taille minéralogique < cm), et peuvent présentées des abondances variables en tourmaline et / ou grenat. Ces aplites peuvent être litées (Fig. V-3b) et leur distribution au sein de la pegmatite est relativement aléatoire.

a)

(a)

(b)

b)

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Fig. V-3 : Textures générales caractérisant les pegmatites du Cap de Creus. a) Aplite au sein d’une pegmatite de type I et caractérisée par des tourmalines au contact, sud de la zone de Tudela. b) Aplite litée d’une pegmatite de type III, sud du mas Rabassers de Baix.

Selon le minéral auquel on s’intéresse, les pegmatites du Cap de Creus présentent des variations d’abondances relatives plus ou moins importantes (Fig. V-4 et 5). Si la totalité des pegmatites sont majoritairement composées de quartz et de feldspaths, avec une diminution du feldspath potassique et une augmentation des plagioclases du nord au sud (du type I au type IV, Alfonso et al., 2003) toutes les pegmatites ne présentent pas les mêmes abondances relatives en minéraux accessoires (< 5%). Du nord au sud -des types I au type IV- les pegmatites montrent une abondance relative en grenat, tourmaline, cordiérite (et sillimanite) et biotite décroissante, et une abondance relative en muscovite croissante (Fig. V-4). Les phosphates primaires (magmatiques) n’apparaissent qu’à partir du type II et leur abondance augmente drastiquement des pegmatites de type II aux pegmatites de type III, pour être maximal dans les pegmatites de type IV. On peut noter également que seules la tourmaline et la muscovite sont présentes sur la totalité des pegmatites du champ. La biotite est présente que dans les pegmatites de type I-b. Et l’abondance du grenat et de la cordiérite est très élevée dans les pegmatites de type I-b et chute brutalement dès les pegmatites de type II, pour disparaitre complètement des pegmatites de type III et IV.

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Fig. V-4 : Abondances relatives des minéraux les plus communs des pegmatites du Cap de Creus : a) Grenat ; b) Tourmaline ; c) Cordiérite ; d) Biotite ; e) Muscovite ; f) phosphates (primaires magmatiques).

(a)

(b)

(c)

(d)

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Fig. V-5 : Abondance minéralogique relative en fonction des différents types de pegmatites du Cap de Creus.

3. Type I-a

Une très faible proportion des pegmatites de type I se distinguent clairement du reste des pegmatites faiblement évoluées, aussi bien d’un point de vu structurale (pegmatites « précoces » dans le Chapitre IV), que texturale et pétrologique. Au total, 4 pegmatites (CDC 095, 120, 139 et 140) ont été clairement identifiées comme pegmatites de type I-a (Fig. V-6 et 7), mais il est fort probable qu’un nombre plus conséquent de ces corps soient présents. Ces pegmatites sont caractérisées par une minéralogie dominée par le quartz, les feldspaths et la muscovite (Fig. V-6b). De la tourmaline et du grenat peuvent être également présent en faible proportion, et la biotite est systématiquement absente. Parmi ces 4 corps, une pegmatite (CDC139) présente également des minéralisations en phosphates primaires (lazulite). Egalement, une des caractéristiques récurrentes est l’absence de zonation minéralogique classique aux pegmatites. De plus, la taille des minéraux est globalement homogène (quelques cm) sur l’ensemble du corps et le cœur de quartz est absent. Enfin ces pegmatites n’excèdent pas 1m d’épaisseur, et aucunes textures typiques des pegmatites (e.g. texture graphique) n’a été observées.

137 On peut noter dès à présent que ces pegmatites pourraient être assimilées à des pegmatites de type II cependant, du fait de leur localisation (zone des pegmatites de type I) et de leur très faible taux de minéralisation (uniquement caractérisé par de la lazulite dans une pegmatite), ces pegmatites font parties des pegmatites les plus primitives du CdC (cf. V.2. Géochimie des pegmatites).

Fig. V-6 : Sous-familles des pegmatites de type I-a. a et b) Pegmatites de type I-a caractérisées par une minéralogie à quartz-feldspaths-muscovite et une texture relativement homogène.

Fig. V-7 : Localisation des pegmatites de type I-a au sein des pegmatites de type I-b.

b)

a)

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4. Type I-b

Les pegmatites de type I-b sont les plus majoritaires au CdC et sont les pegmatites possédant la plus grande variété de minéraux majeurs (Fig. V-5). En plus du quartz et des feldspaths (alcalin et plagioclases), un même corps peut être composé de tourmaline, cordiérite, sillimanite, biotite, muscovite et grenat (Fig. V-8). De plus, ces dernières sont les pegmatites présentant la plus grande taille minéralogique, avec des feldspaths de plusieurs dizaines de centimètres ou encore des tourmalines pouvant atteindre une 20aine de centimètres. Les micas peuvent être sous forme d’amas ou bien présenter des textures squelettiques (Fig. V-8e et f), et de nombreux fronts de cristallisation, composés généralement de tourmaline et de grenat, sont observés (Fig. V-8g). Egalement, de nombreuses textures graphiques (inter-croissance quartz-feldspath) caractérisent les pegmatites de type I-b, textures typiques des pegmatites faiblement évoluées (Fig. V-8h). Enfin, la quasi-totalité de ces corps présentent une zonation minéralogique classique (décrite en détail dans la partie V.1.2. Tendances générales), et lorsqu’elle est absente (Fig. V-9), seule la grande variabilité de la taille minéralogique ainsi que la présence des textures graphiques et squelettiques permettent d’identifier ces objets comme des pegmatites (ou des granites à texture pegmatitique).

a)

b)

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Fig. V-8 : Pétrologie et minéralogie des pegmatites de type I. a) Tourmaline, b) Cordiérite, c) Sillimanite, d) Sillimanite + biotite, e) Muscovite. f, g et h) Textures caractéristiques des pegmatites de type I. Sil = sillimanite ; Qz = quartz ; Bio = biotite ; Ms = muscovite ; Tm = tourmaline ; Gt = grenat.

Fig. V-9 : Pegmatites de type I-b. Lorsque la zonation minéralogique est absente, elles peuvent être considérées comme des pegmatites granitiques.

e)

f)

140 Les plus gros corps au sein des pegmatites de type I-b présentent des caractéristiques singulières. Situées dans la zone de Tudela (Fig. V-10), trois pegmatites se distinguent d’un point de vu texturale. Dépourvues de zonations minéralogiques classiques que l’on retrouve habituellement dans les pegmatites du Cap de Creus, ces pegmatites sont les corps les plus volumineux que l’on peut observer, avec plusieurs centaines de mettre de longueur pour plusieurs dizaines de mètres d’épaisseur. En plus de leur taille, une grande particularité de ces pegmatites est qu’elles présentent un litage magmatique caractéristique (Fig. V-10b). Ce dernier se compose d’une succession de lits plus ou moins enrichis en grenat (Fig. V-10d) dont le rythme d’apparition varie aléatoirement au sein de la pegmatite. Egalement ces pegmatites présentent des indices de formation par injections successives comme le montre les lambeaux de micaschistes emprisonnés entre les différents lits (Fig. V-10e).

Fig. V-10 : a) Carte de localisation des pegmatites litées de Tudela. b) Photo de terrain montrant le litage magmatique des pegmatites litées de Tudela. c) Lambeau de micaschiste emprisonné dans une pegmatite litée. d) zoom sur le litage magmatique marqué par l’alignement de grenat. e) zoom sur le lambeau de micaschiste montrant le caractère intrusif de la pegmatite.

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5. Type II

Des pegmatites de type I aux pegmatites de type II la minéralogie dominante se simplifie avec la disparition des aluminosilicates (sillimanite et cordiérite) et de la biotite, au profit de la muscovite. Une des caractéristiques principales de ces pegmatites est également l’apparition de phosphates rares (e.g. la lazulite, phosphate d’aluminium) (Fig. V-11a) et l’augmentation de l’abondance de minéraux porteur de métaux rares (e.g. apparition du béryl). Une grande partie de ces pegmatites montrent encore une structure interne classique (zone de bordure, 1ère et 2ème zone intermédiaire et cœur de quartz), mais un nombre relativement croissant de pegmatites montrent des textures plus simples, avec une structure interne et une minéralogie relativement homogène. Les textures graphiques ont disparu mais les zones d’aplites (Fig. V-11b) et les fronts de cristallisation restent fréquents. Enfin, on peut noter le développement de zones d’albitisation (dissolution du plagioclase = cristallisation de quartz + muscovite), zones dans lesquelles les minéralisations peuvent se concentrer.

Fig. V-11 : a) Apparition des phosphates primaires magmatiques (issus de la cristallisation du liquide pegmatitique) dans les pegmatites de type II. Ici, un des phosphates les plus communs au Cap de Creus, la lazulite, un phosphate d’aluminium. b) Aplite riche en tourmaline au sein d’une pegmatite de type II.

6. Type III

Les pegmatites de type III, beaucoup moins abondantes que les pegmatites de type I-b et II, sont caractérisées par une forte augmentation de l’abondance des minéraux accessoires. La diversité des phosphates rares et des minéraux porteurs de métaux rares augmente clairement tout comme leur taille (jusqu’au cm). Il est ainsi possible d’observer sur le terrain des minéraux tels que le béryl, le chrysobéryl, la cassitérite, la colombo-tantalite ou encore divers phosphates d’Al-Fe-Mn (Fig. V-12). Bien que l’on retrouve encore des pegmatites

142 texturalement zonées, une grande partie d’entre elles présentent des textures (taille de grains autour du cm) et une minéralogie (quartz - plagioclases - muscovite) relativement homogène. Les textures de remplacement (zones d’albitisation) deviennent également plus fréquentes. On peut noter également que parmi ces pegmatites, une d’entre elles (CDC124) présente des minéralisations exceptionnelles, avec des béryls de très grande taille (Fig. V- 12c), des cassitérites et colombo-tantalites pluri-centimétriques, ou encore du quartz fumé.

Fig. V-12 : Forte augmentation de l’abondance des phosphates et des minéraux porteurs de métaux rares dans les pegmatites de type III. a et b) Phosphates d’Al-Fe-Mn. c) Minéral pluri-centimétrique de béryl. d) Quartz fumé attestant du caractère évolué des pegmatites de type III. e) Image MEB d’un phosphate d’Al-Fe-Mn, ici la Ferrowylieite.

a)

b)

c)

d)

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7. Type IV

Les pegmatites de type IV sont peu abondantes au CdC avec environ une 30aine de corps. Se sont également les pegmatites les plus enrichies en phosphates rares et minéraux riches en métaux rares (i.e. colombo-tantalite, cassitérite) (Fig. V-13 et 14). Tout comme les pegmatites de type III, quelques une d’entre elles sont classiquement zonées (zone de bordure, 1ère et 2ème zone intermédiaire et cœur de quartz), tandis que d’autres sont texturalement et minéralogiquement homogène. Egalement, une des caractéristiques de ces pegmatites est l’apparition de veines tardives à phosphates (Fig. V-13d), mais également la forte abondance de zones de remplacement (d’albitisation) (Fig. V-13e), avec plus de 90 % de zones de remplacement observé dans une pegmatite (CDC123). Ces zones fortement minéralisées (Fig. V-13c) se développent de manière aléatoire dans la pegmatite.

a)

b)

144

Fig. V-13 : Observations en microscopie a) électronique (MEB) et b) optique (lumière polarisée analysée) d’une pegmatite de type IV riche en phosphates et minéraux porteurs de métaux rares. c) texture de remplacement (albitisation) minéralisée. d) veine tardive de phosphate (apatite). e) Photo de terrain d’une pegmatite de type IV caractérisée par une surabondance de zones de remplacements.

Fig. V-14 : Cassitérite pluri-millimétrique d’une pegmatite de type IV.

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8. Vers une nouvelle classification des pegmatites du CdC

L’étude pétrologique et minéralogique des pegmatites du CdC, couplée aux données structurales a permis d’identifier des caractéristiques communes mais également des hétérogénéités existant aussi bien entre chaque type de pegmatite, qu’entre différents corps du même type. Ces travaux ont permis d’affiner la classification des pegmatites établie par Corbella i Cordomi and Melgarejo, (1993), notamment avec l’identification de sous-familles au sein des pegmatites les moins évoluées (type I). Ces distinctions ont été établies selon des critères structuraux (cf. Chapitre IV), texturaux et pétrologiques avec d’un côté, i) les pegmatites de type I-a caractérisées par une minéralogie simple (dominée par la muscovite) et une structure interne relativement homogène, et de l’autre ii) les pegmatites de type I-b présentant une grande variabilité minéralogique ainsi qu’une zonation minéralogique développée, typique des pegmatites. Les pegmatites de type I-b sont de loin les plus abondantes, et au sein de ce type se distinguent 3 pegmatites, (du fait de leur énorme taille mais également de leur litage magmatique atypique) : les pegmatites litées de Tudela.