• Aucun résultat trouvé

IV.3 Mise en œuvre du système de corrélation croisée

IV.3.1 Génération des deux signaux hétérodynes

Afin de procéder à la corrélation croisée nous devons créer deux signaux RF à partir du signal de 12 GHz à caractériser. Comme évoqué plus haut, si l’on ne veut pas avoir besoin d’un temps infini de moyennage il ne faut pas introduire trop de bruit lors de la génération de ces deux signaux. Pour générer un signal RF à partir d’un signal micro-onde, deux éléments de base sont nécessaires : un mélangeur et un oscillateur de référence. Tout d’abord, pour limiter l’influence du bruit introduit par le mélangeur, et en particulier celui issu de la conversion amplitude-phase on choisit de créer des signaux hétérodynes. La fréquence de ces signaux est dictée par le sys-tème de digitalisation et de traitement (cf. section IV.3.2). On choisit des fréquences de sortie des mélangeurs de l’ordre de 5 MHz. Par conséquent, en deuxième lieu, il convient d’utiliser des oscillateurs micro-ondes (de fréquences proches de 12 GHz) présentant un faible bruit de phase, puisque celui-ci s’ajoutera inévitablement durant le mélange. En pratique on veut un bruit de phase typiquement inférieur à -150 dBc/Hz pour des fréquences de Fourier au dessus de 1 kHz. Ceci est déjà très restrictif, et peu d’oscillateurs sont aussi performants, ce qui est la

9. En effet, dans notre cas nous souhaitons mesurer un bruit de fond, pas déterminer la fréquence précise d’une oscillation, par conséquent nous nous contentons d’un nombre fixe de points par décade (en général 1024) avec donc une résolution spectrale variant selon la décade. Cette résolution spectrale est minimum pour la décade haute fréquence (100 kHz–1MHz), atteignant typiquement quelques kHz.

raison de tout le travail de génération présenté précédemment, d’autre part la plupart des ADC présentent aussi un bruit de digitalisation autour de -150/-160 dBc/Hz.10Sommes-nous revenus au problème de départ ? En partie, et c’est pour cela que nous utilisons des signaux micro-ondes également obtenus à partir de peignes par division de fréquence optique de lasers stabilisés sur deux cavités ultra-stables (et que nous choisissons une mesure par corrélation croisée pour s’af-franchir du bruit des digitaliseurs).

Le schéma du système de génération des battements hétérodynes est présenté à la figure IV.3. Le signal micro-onde à caractériser est envoyé dans un diviseur de puissance micro-onde, nous obtenons deux signaux d’environ -3 dBm à 12 GHz. Chaque signal est introduit dans le port RF d’un mélangeur triplement équilibré adapté en impédance (T3-18 Marki Microwave, Inc.). Le port LO de chaque mélangeur est piloté par un signal micro-onde obtenu d’une division de fréquence optique, amplifié jusqu’à plus de 15 dBm par un amplificateur très bas bruits de phase (AML812PNB1813 Mercury Systems). Deux isolateurs de bande étroite (ISDJ-21 MCLI– Microwave Communications Laboratory, Inc.) en cascade sont placés à l’entrée de chaque port des mélangeurs.

Sur chaque voie, la fréquence de la référence micro-onde optoélectronique est décalée de 5 MHz par rapport au signal à l’étude. De plus, notons que pour éviter des harmoniques issues de battements secondaires les signaux de référence ne sont pas tous deux à la même fréquence mais décalés de 5 MHz de part et d’autre de la fréquence du signal à l’étude. Les fréquences des deux battements sont donc :

f1 = fA− fµ = 12.005 − 12.000 ∼ 5 MHz (IV.3)

et

f2 = fµ − fB = 12.000 − 11.995 ∼ 5 MHz (IV.4)

Ces deux signaux portent chacun l’information de phase du signal à 12 GHz, mais sur des por-teuses de fréquences bien plus basses de sorte qu’il est maintenant envisageable de les digitaliser sans les dénaturer complètement. Les mélangeurs ayant des pertes de conversion (RF vers sortie) typiques de plus de 7 dB, les isolateurs de 1 dB et les câbles et connecteurs de quelques dB, il reste typiquement -13 dBm de signal à 5 MHz en sortie des mélangeurs. Ceci n’est pas suffisant pour utiliser toute la dynamique des convertisseurs analogique-numériques dont il sera question plus bas et qui peuvent accepter jusqu’à 10 dBm de signal. On accroît donc la puissance des signaux hétérodynes au moyen d’amplificateurs RF. Ce sont des circuits fabriqués au SYRTE à partir de puce ERA-3 (Mini-circuits) permettant un gain de 20 dB. Finalement en sortie des amplificateurs nous avons deux signaux d’environ 7 dBm à 5 MHz. Ces amplificateurs vont bien sûr introduire du bruit thermique et des bruits additionnels liés à leurs facteurs de bruit, mais ce n’est pas un problème car les bruits sur chaque voie seront décorrélés et donc évacués lors de la corrélation croisée.

10. Pour un ADC avec un ENOB d’environ 12 bits échantillonnant à 250 MS/s on trouve un plancher de bruit d’environ 20 log(1/ENOB) − 10 log(fs) ∼-155 dBc/Hz. Ceci est obtenu en supposant une utilisation complète de la gamme dynamique de l’ADC (ce qui n’est pas le cas en principe même si l’on essaye d’utiliser constamment plus de la moitié de la gamme). Pour plus d’informations, voir [190].

Figure IV.3 – Schéma du système générant les battements hétérodynes. SPL : diviseur de puis-sance « de Wilkinson » ; Iso : Isolateur 80 dB (deux isolateurs à bande étroite en cascade) ; DCF : fibre de compensation de dispersion ; DDS : générateur de fréquence accordable numérique. On génère les deux signaux hétérodynes à 5 MHz par mélange du signal à caractériser avec des signaux micro-ondes issus de deux systèmes distincts de division de fréquence optique.

Remarques sur la gestion du bruit dans les circuits micro-ondes

Nous sommes passés vite sur les raisons de l’utilisation des composants dans le circuit de génération des signaux hétérodynes, cependant nous avons été confronté à de nombreux pro-blèmes initialement. Après avoir essayé une multitude de configurations possibles voici les conclu-sions que nous avons tirées. Le problème majoritaire dans les circuits contenant des signaux de quelques MHz jusqu’à des fréquences micro-ondes, est qu’il est extrêmement difficile de satisfaire une adaptation d’impédance sur toute la gamme de fréquence. A chaque fois en particulier que l’on place un composant de bande étroite, il réfléchi dans les deux sens les autres fréquences. De façon analogue à l’optique où les réflexions parasites liées à des différences d’indice entre milieux vont perturber les mesures et augmenter le bruit de fond, les réflexions parasites des signaux micro-ondes doivent être minimiser le plus possible, a fortiori lors de la caractérisation d’oscillateurs très bas bruit comme cela a été le cas au cours de cette thèse. Par conséquent l’un des composants fondamentaux du circuit est le mélangeur triplement balancé adapté en impédance. Celui-ci présente des ports d’entrée et sortie qui sont adaptés en impédance sur toutes leurs gammes de fréquences acceptables (ils sont pour cette raison parfois appelés des mélangeurs « insensibles aux terminaisons » [191,192]). De plus il est apparu nécessaire d’isoler très fortement toutes les entrées des mélangeurs (plus de 80 dB).

Par ailleurs, on peut se demander pourquoi nous avons choisi d’alimenter les deux ports RF des mélangeurs avec le signal à l’étude et les ports LO avec les signaux de référence auxiliaires. Nous ne voulons pas ici utiliser les mélangeurs hyperfréquences dans un mode de détecteur de phase qui rendrait la mesure très fortement détériorée par leurs propres conversions amplitude-phase, particulièrement grandes lorsque ils sont utilisés en quadrature [43]. En revanche nous voulons utiliser les mélangeurs dans un mode de conversion descendante en fréquence du signal micro-onde à l’étude autour d’un signal pivot, ou plutôt de deux signaux pivots, qui ne sont autre que les références à 11,995 GHz et 12,005 GHz. Ces fréquences sont donc les oscillateurs locaux qui doivent piloter la commutation des diodes dans les ponts de diodes des mélangeurs. L’autre avantage non négligeable est que pour piloter convenablement la commutation des diodes avec le signal à l’étude il faudrait l’amplifier significativement, ce qui est inenvisageable en amont du diviseur de puissance (car cela augmenterait le bruit intrinsèque du signal à l’étude de façon rédhibitoire) et peu recommandable si cela est fait sur chacune des branches en aval du diviseur car cela augmenterait inutilement le temps de moyennage nécessaire dans la corrélation croisée. Tous ces problèmes liés à l’utilisation des mélangeurs à des fréquences micro-ondes, sont décrits dans le chapitre 4 de la thèse de Seth Foreman [193], à laquelle on se rapportera pour de plus amples informations.