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II.2 Laser stabilisé

II.2.1 Cavité ultra-stable

Les cavités optiques sont dites ultra-stables lorsque leurs longueurs présentent des fluctua-tions relatives faibles, typiquement inférieures à 10−14sur des échelles de temps d’une seconde. En effet lorsque la boucle d’asservissement verrouillant la fréquence du laser sur un mode réso-nant de la cavité présente une bande passante et un gain suffisants alors les fluctuations relatives de fréquence du laser stabilisé seront totalement déterminées pas les fluctuations relatives de lon-gueur de la cavité. De telle sorte que l’on peut écrire :

SL(f ) ∝ Sνcw(f ) , (II.8)

où L est la longueur de la cavité et νcw la fréquence du laser stabilisé.

Causes du bruit

Les principales causes des fluctuations de longueur de la cavité sont a priori nombreuses. On peut citer par exemple :

• Variations de l’indice de réfraction : dues à des changement des conditions de pression ou température du gaz residuel dans la cavité.

• Pression de radiation : les fluctuations de puissance intra-cavité induisent alors des fluc-tuations des contraintes sur les miroirs [51,52].

• Bruit sismique : vibrations mécaniques de l’ensemble des matériaux constituant la ca-vité [53].

• Bruit thermique : dû au mouvement Brownien des matériaux constituant la cavité [54,55].

• Bruit de détection : bruits introduits lors de l’obtention du signal d’erreur qui sont interpré-tés faussement comme des fluctuations de fréquence (même effet donc qu’une fluctuation de longueur) [56].

• Bruit de dilatation : bruit introduit par les fluctuations de température via la dilatation thermique (à ne pas confondre avec le bruit dû au mouvement Brownien) [57,58].

Pour les meilleures cavités actuelles, la source principale du bruit est cependant le bruit thermique des matériaux constituant la cavité. Ce bruit fondamental produit une élongation dont la densité spectrale de puissance varie avec l’inverse de la fréquence de Fourier, ce qui s’assimile à un bruit de scintillation de fréquence.3 Ainsi :

SL(f ) ∝ 1

f , (II.9)

Soit, pour la grandeur qui nous intéresse ici, d’après (II.8) :

Sφ(f ) = 1

f2 Sνcw(f ) (II.10)

1

f3 .

Cette décroissance rapide du bruit de phase induit par le bruit thermique des cavités avec la fréquence de Fourier nous indique que l’effet sera surtout important à des échelles de temps longues, typiquement la seconde pour les signaux générés dans le cadre de cette thèse. Les ca-vités sont composées typiquement de trois sous-systèmes : substrat des miroirs, revêtement des miroirs et cale d’espacement. Ces composés sont choisis dans des matériaux dont les propriétés mécaniques et thermiques impliquent une déformation thermique de dilatation faible, comme le verre à très faible expansion (ULE, ultra-low expansion glass) et la silice fondue ou, plus récem-ment, le Silicium monocristallin [59–61]. Les meilleurs résultats à température ambiante ont été obtenus pour des cales d’espacement en ULE et des miroirs et substrats en silice fondue [62]. L’intérêt de la silice fondue (et a fortiori des matrices cristallines) est que ces matériaux pré-sentent des facteurs de qualité mécaniques plus grands permettant, hors résonance, de minimiser l’influence du bruit thermique Brownien. La stabilité typique fournie par des cavités de ce type entre 10 et 20 cm est de σy = quelques × 10−16à une seconde [34,60]. Pour des cavités refroidies à des températures cryogéniques, des stabilités de l’ordre de quelques 10−17 ont été obtenues en utilisant des substrats et cales d’espacement en silicium monocristallin [63].

Améliorations en cours ou envisagées

Si les lasers stabilisés sur de telles cavités représentent l’état de l’art des références optiques, leurs performances sont toujours mises à l’épreuve par des applications demandant des stabilités de plus en plus importantes comme les horloges optiques [64], les tests de physique fondamen-tale [65] ou les détecteurs d’ondes gravitationnelles [66]. Du fait de leur fortes pertes mécaniques, les principales contributions au bruit thermique des cavités sont actuellement les revêtements diélectriques de haute réflectivité à la surface des miroirs. Des recherches visant à améliorer ce revêtement ou réduire son influence indirectement sont en cours dans plusieurs laboratoires et instituts dans le monde.

Les solutions à l’étude sont aujourd’hui :

• Augmenter la taille effective du mode résonnant sur les miroirs [67] :

Pour cela le plus direct est d’utiliser des cavités dites « longues », en pratique souvent plus de 20 cm par opposition aux cavités standards dont la longueur est typiquement de 10 cm [68]. De telles cavités sont à l’étude au SYRTE et ont été expérimentalement démontrées, par exemple au PTB (48 cm) [69] et au NIST (29 cm) [34].

• Utiliser des revêtements cristallins :

Une collaboration entre JILA4 aux Etats-Unis et VCQ5en Autriche travaille sur des trait-ments multi-couches de haute réflectivité en matériaux cristallins pour réduire la contribu-tion du revêtement des miroirs au bruit d’élongacontribu-tion thermique des cavités [70,71]. Cette collaboration a donné naissance à une entreprise : Crystalline Mirror Solutions (CMS) [72]. • Refroidir les cavités :

La densité spectrale de puissance de bruit thermique étant proportionnelle à la température de la cavité, abaisser sa température fournit un moyen efficace (même si lourd à mettre en œuvre) de réduire son bruit thermique. Des recherches en ce sens ont été ou sont effectuées en Allemagne [73] et aux Etats-Unis [74], avec des perspectives de stabilité relative proche de 10−17.

• Utiliser les avantages des cavités entièrement cristallines : Des travaux à tempé-rature « cryogénique » modeste (123 K) sont effectués avec des cavités en Silicium mo-nocristallin [61,75]. Cependant, dans ces cas là, la basse température reste relativement proche de la température ambiante et le bénéfice sur le bruit thermique est faible. L’utilité vient en fait de la présence d’un zéro du coefficient d’expansion thermique pour le Silicium monocristallin à 123 Kelvin.

Toutes technologies confondues, le meilleur résultat publié à l’heure de l’écriture de cette thèse a été obtenu par le PTB à Braunschweig en Allemagne avec deux cavités en Silicium monocristal-lin refroidies à 123 Kelvin et présentant des miroirs aux traitements couche-minces. Ces cavités de 212 mm de long atteignent toutes deux une stabilité à une seconde de σy = 4 × 10−17[63]. Par ailleurs des recherches sont également en cours concernant des techniques alternatives à l’utilisa-tion de cavités ultra-stables, citons en particulier l’asservissement de lasers sur des trous brûlés spectraux (SHB, spectral hole burning en anglais) sur lequel plusieurs laboratoires travaillent

4. Joint Institute for Laboratory Astrophysics, intitut joint entre l’Université du Colorado (CU) et le National Institue of Standards and Technology (NIST). Il est localisé à Boulder au Colorado.

activement [76–79]. Notons aussi les recherches sur les horloges optiques actives, équivalent op-tique des MASER actifs, dont le principe repose sur une « mauvaise » (lossy) cavité dans laquelle est introduit un milieu à gain de bande étroite qui pourrait fournir des références d’une stabilité inégalée [80–82].