• Aucun résultat trouvé

Dans le système chinois, l’attention est attirée sur les graphismes, à l’inverse d’une langue alphabétique reposant sur la conceptualisation et la phonétique. Le caractère est une représentation directe de la chose, même si les tracés se sont stylisés au cours des siècles Le sens d’un sinogramme se révélera par la mise en relation des trois éléments suivants : la signification, la forme et la prononciation. Notre esprit doit en avoir une perception directe, spontanée. La création des sinogrammes étant un processus dit « cogito créatif », un travail de même nature est effectué quand on les décrypte. On peut dire aussi que les sinogrammes sont une invention de la science divinatoire avec une forme de mentalité pré-scientifique, un certain besoin de rationalité. Les inventeurs de l’écriture ont été des gens inspirés sachant lire la nature et ses secrets : les premiers spécimens connus d’écriture chinoise sont les textes divinatoires gravés sur les os de bovidés et les écailles de tortue. Les tracés sont indépendants des sons et totalement invariables, ils ne sont en aucun cas support de la langue parlée, ils sont ainsi transcription de la pensée sans l’intermédiaire des sons. On peut bien sûr voir dans les signes des significations, mais ils restent ainsi coupés de la parole, il s’agirait plutôt de parler de signes « phénoménaux » permettant

50 Avant la dynastie Qin, le caractère 字 zì n’avait pas encore le sens de « mot » (wenzi)

字zì pouvait à l’origine signifier donner naissance (dans le Yi Jing = être entêté et dans le Shi Jing daya = nourrir) (Zuozhuan,zhaogong)

« Wén et zì sont utilisés pour la première fois ensemble sur la stèle de Langye, et notés par Simaqian dans Mémoires Historiques : « Les armes offensives et défensives sont de dimensions identiques; il a rendu uniformes les caractères primitifs et les caractères dérivés. ».

Il y a quatre mots similaires :

文wén: écriture, caractère, langue, composition, écrit, texte, langue classique, culture 書shu : noter, écrire, livre, document, lettre

字zì : caractère, mot, écriture, calligraphie 詞ci : mot, terme, parole, expression, locution 文字wén zì : Le sinogramme

94

d’interpréter les mutations ou transformations observables sur cette terre selon l’ordre cosmologique. En les décryptant, on peut parfois aboutir à des interprétations différentes, toute possibilité est largement ouverte pour qui veut apprendre. Les homophones étant fort nombreux (près d’une centaine pour « shi »)51, chaque mot a pu recevoir une représentation idéographique distincte grâce aux combinaisons infinies des éléments graphiques. Un signe a ainsi pu définir une pensée, et chaque nuance de la pensée a pu recevoir une peinture spéciale, chaque mot posséder sa physionomie particulière.

L’esprit va projeter sur eux un sens, une idée. C’est pourquoi ce type d’écriture est aussi appelé « écriture de la pensée » : c’est une véritable opération de l’esprit qui montre déjà une démarche philosophique.

La plupart des sinogrammes ont des pictogrammes pour base, les caractères fondamentaux s’appellent 初文 = Chū wén,

Le mot 字 zi, enfant emmailloté, a donné le sens de « multiplier ou se propager, ou se reproduire ». Nous avons vu qu’un sinogramme est composé d’éléments donnant sa signification, sa forme et sa prononciation : ceux-ci n’occupent « proportionnellement » pas la même place dans le sinogramme. On se trouve devant un système cohérent. L'écriture permet de diminuer le nombre d'éléments constituant les graphèmes, tout en augmentant la capacité d'expression. C’est une langue idéographique et non pas phonétique. La morphologie peut manifester directement le sens : exemple avec 冊=冊 cè évoque la forme d’un livre ancien, plus exactement des cordelettes de cuir cousues sur des bambous (sens de ce : registre, livre, volume, tome).

A la fin de la dynastie Qing, le philologue Zhang Taiyan52 nomme les sinogrammes xiangxing désormais 初文 chū wén ce qui a une forme unie, pas encore

développé en caractères combinatoires. En les combinant avec les déictogrammes

51 Exemple : shi. 獅 shī lion 師 shī maître 詩 shī poème 失 perdu shī 濕 shī humide 食 shí manger,

十shí dix, 石 shí pierre, 時 shí temps 使 shǐ ambassadeur 史 histoire shǐ 是 être shì 示 signe divin shì

事shì affaire 識 shi conscience.

52 Zhang Binglin (trad: 章炳麟, simpl: 章太炎) ou Zhang Taiyan, né le 25 décembre 1868 et mort le

95

ainsi que leurs dérivés, les caractères 準初文 zhǔn chū wén et en les combinant, il établit au total 510 sinogrammes. Tous les sinogrammes sont issus de ces 510 sinogrammes, en logeant les sons abstraits dans les signes graphiques concrets. Il faut souligner que les pictogrammes et les déictogrammes sont basés sur l’image et la forme concrète, à partir de cela, les scribes construisent les notions abstraites.

La méthode consiste à étudier les noms en profondeur, le Shuowen Jiezi différencie les sens d’origine, en extension ou en emprunts, c'est-à-dire les sens d’un sinogramme ne pouvant pas se concevoir seul par définition. Chaque mot développe de multiples sens depuis son origine. Le Shiming va examiner les sons possibles contenus et permettre ainsi d’élucider les connotations d’un sinogramme. La dynastie Han est une époque importante pour l’écriture chinoise. La maîtrise de l’écriture est un atout fondamental. La culture personnelle et l’éducation sont les conditions nécessaires pour devenir lettré ou avoir un poste officiel.

Ouvrages sur l’écriture : 蒼頡 Cang Jie, 凡將 Fan Jiang (Sima Xiangru) Xunzuan 玄篹et 方言 Fang yan (Yang Xiong) ; Yuanshang 元尚 (Li Chang) ; Ce sont des ouvrages édités pour l’apprentissage élémentaire des enfants, mais en même temps ce sont des moyens de consolider le système d’écriture avant l’apparition du Shuowen Jiezi et du Shiming, ces derniers devant parfaire le système.

C-4 Classification, Identité et tentation d’interprétation universelle.