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Généralités sur le métabolisme énergétique neuronal

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Chapitre 2 : Tau, synapses et métabolisme énergétique neuronal, un lien dans la MA ?

3. Le métabolisme énergétique neuronal : une voie précocement altérée lors de la MA

3.1. Généralités sur le métabolisme énergétique neuronal

Le cerveau est l'organe du corps qui, proportionnellement à sa masse, consomme le plus d'énergie. En effet, bien qu'il ne représente que 2% du poids corporel chez l'homme, le cerveau utilise environ 20 à 25 % de l’énergie totale sous la forme de glucose et d’oxygène. Cette énergie est majoritairement utilisée par les neurones qui la convertissent en ATP (adénosine tri-phosphate) afin d'assurer leurs différentes fonctions telles que la restauration du potentiel de membrane, le transport axonal, les voies de signalisation intracellulaires et le recyclage des neurotransmetteurs (Attwell and Laughlin, 2001). Des études réalisées à partir de données physiologiques et anatomiques de modèles murins ont permis d’estimer la quantité d’énergie utilisée par ces voies neuronales. Il a ainsi pu être mis en évidence qu’au sein du neurone, l’énergie est principalement utilisée au niveau de la synapse lors de la transmission glutamatergique, un processus qui comme

nous l’avons vu précédemment, fait intervenir de nombreux mécanismes et qui est essentiel pour la formation de la mémoire (Attwell and Laughlin, 2001 ; Martin et al., 2000 ; Harris, Jolivet and

Figure 18 : Diagramme représentant l’utilisation

de l’ATP dans les neurones. Au sein des neurones,

47% de l’énergie est utilisée pour permettre la propagation du potentiel d’action (PA) le long de l’axone et la dépolarisation au niveau des dendrites et du soma. De plus, 34% de l’énergie utilisée concerne les effets post-synaptiques liés au relargage du glutamate. Cette énergie est principalement utilisée par les pompes Na+/K+ afin de maintenir le gradient ionique au niveau post-synaptique. En revanche, on constate que l’énergie utilisée pour permettre le retour au potentiel de repos est beaucoup moins importante (13%). Il en est de même pour les processus à l’origine de la recapture du calcium (3%) et du recyclage des neurotransmetteurs (D’après

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Attwell, 2012). En effet, on constate que 47% et 34% de l’énergie neuronale sont utilisés pour la propagation des potentiels d’action et les effets post-synaptiques du glutamate réciproquement, 13 % sont ensuite assignés pour le retour au potentiel de repos, le reste étant utilisé pour la recapture du calcium (3%) et le recyclage des neurotransmetteurs (3%) (Attwell and Laughlin, 2001) (Figure 18). Au vu de ces chiffres, on voit donc que le métabolisme énergétique neuronal joue un rôle crucial pour le maintien des fonctions neuronales et qu’il nécessite par conséquent d’être finement régulé. Des altérations de ce métabolisme sont en effet observées dans un grand nombre de maladies neurodégénératives dont la MA, comme nous le verrons dans la section 3.2.

3.1.1. La glycolyse et la respiration mitochondriale

Au sein des neurones, il existe deux voies qui permettent d’assurer la production de l’énergie : la glycose et la respiration mitochondriale. La glycolyse permet une production rapide mais limitée d'ATP grâce à la dégradation de molécules de glucose. Avant d'être métabolisé, le glucose est transporté à l'intérieur des neurones via des transporteurs nommé GLUT (glucose transporter). Puis, le glucose subit une succession de réactions enzymatiques qui conduit à la formation de deux molécules d’ATP et de deux molécules de pyruvate. Une fois généré, et en présence d'oxygène, le pyruvate peut entrer dans la mitochondrie afin d’y être oxydé en acétyl-Coenzyme A qui entrera lui-même dans le cycle de Krebs. Au cours de ce cycle, trois molécules de NADH et une molécule de FADH2 sont générées et sont ensuite oxydées grâce aux 5 complexes mitochondriaux, nommés I à V, qui forment la chaine respiratoire mitochondriale. L’ensemble de ces réactions effectuées au sein de la mitochondrie correspond à la respiration mitochondriale et permet de générer 32 à 36 molécules d’ATP (Figure 19).

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3.1.2. La mitochondrie : un producteur d'énergie mais pas uniquement…

Comme décrit précédemment, la mitochondrie joue un rôle essentiel au sein des neurones puisqu'elle correspond à la principale voie de production de l'énergie neuronale. De par sa forte consommation en oxygène (environ 85 %) lors de la respiration mitochondriale, la mitochondrie représente la principale source intracellulaire de production des espèces réactives de l’oxygène (ROS). (Shigenaga et al., 1994). Cette production de ROS est dépendante de la chaine respiratoire et notamment, des complexes I et III qui peuvent former des ions superoxydes (Lenaz et al., 2002). De plus, ces ROS contribuent également à la mise en place du stress oxydatif et sont ainsi associés à de nombreuses pathologies dont les maladies neurodégénératives. En plus de sa fonction de production d'ATP, la mitochondrie est également impliquée dans l’homéostasie calcique. En effet, elle est à la fois capable de recapturer le calcium intracellulaire via la présence d’un canal ionique très sélectif, mais aussi de le relarguer via un pore de transition de perméabilité mitochondriale (MPTP) (Kirichok et al., 2004). Ce processus d'influx et d'efflux calcique mitochondrial a été montré pour jouer un rôle important dans le fonctionnement des mitochondries. En effet, au sein des mitochondries, cette signalisation calcique est par exemple, capable de moduler l'activité des enzymes impliqués dans la

GLUT Glucose G ly coly si s Glucose 6 phosphate Fructose 6 phosphate Fructose1.6 bis-phosphate Glycéraldéhyde 3-phosphate Pyruvate Glucose (carbohydrates) Respiration mitochondriale

Figure 19 : La glycolyse et la respiration mitochondriale. A l’issue de la glycolyse, le pyruvate peut

entrer dans la mitochondrie afin d’être oxydé en Acétyl CoA pour ensuite entrer dans le cycle de Krebs. A l’issue de ce cyle, les molécules de NADH et FADH générées sont oxydées via la chaine respiratoire mitochondriale. Celle-ci est constituée de 5 complexes enzymatiques : le NADH-CoQ reductase (complexe I), la succinate CoQ reductase (complexe II), l’ubiquinol-cytochrome c reductase (complexe III), la cytochrome c oxidase (complexe IV) et enfin la F1F0-ATP synthase (complexe V) (D’après Emma et al.,

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respiration mitochondriale (McCormack and Denton, 1980) mais également de détoxifier des ROS, bien que cette dernière fonction soit controversée (Reynolds and Hastings, 1995 ; Starkov et al., 2002).

3.1.2.1.

Le transport des mitochondries

Le neurone est une cellule polarisée présentant différents compartiments qui ont chacun des besoins en énergie très différents. Par conséquent, la distribution des mitochondries n’est pas homogène au sein du neurone. En effet, on retrouve par exemple, beaucoup plus de mitochondries au niveau des terminaisons synaptiques puisqu’elles nécessitent une importante quantité d’énergie notamment lors d’une activation synaptique (Attwell et al., 2001). Pour pouvoir assurer ces besoins, les mitochondries peuvent être soit stationnaires, soit transportées vers ces différents compartiments via le transport axonal, ce qui permet ainsi d'établir un réseau mitochondrial dynamique (Kang et al., 2008 ; Sun et al., 2013). Ce transport fait intervenir deux types de moteurs moléculaires : la kinésine KIF5 qui permet d’assurer leur transport antérograde et la dynéine qui assure quant à elle le transport rétrograde (Tanaka et al., 1998 ; Pilling et al., 2006). Le transport des mitochondries joue donc un rôle essentiel dans les neurones puisque comme nous le verrons dans la section suivante, des dysfonctionnements de ce transport sont à l'origine de la mise en place des altérations du métabolisme énergétique neuronal.

3.1.2.2.

La dynamique des mitochondries

Afin de réguler leurs fonctions, leur distribution et leur morphologie, les mitochondries subissent des phénomènes de fusion et de fission : c'est ce qu'on appelle la dynamique mitochondriale. Cette dynamique permet aux mitochondries de s'adapter rapidement à l'environnement dans lequel elles se trouvent, et notamment, aux besoins énergétiques du neurone. La dynamique mitochondriale et plus particulièrement, la fusion, peut être considérée comme un mécanisme de réparation. En effet, lors de la fusion, les mitochondries échangent leur matériel protéique et génétique, ce qui permet d'homogénéiser les constituants de leur matrice mais également de corriger de potentiels défauts protéiques (Okamoto and Shaw, 2005 ; Hoppins et al., 2007). Il est intéressant de noter que ce mécanisme semble être associé à une optimisation de la production d'énergie. A l'inverse, la fission est plutôt considérée comme étant un processus lié à une baisse de production d'énergie. En effet, elle permet de segmenter les mitochondries possédant des altérations de leur contenu facilitant ainsi leur élimination par une voie d'autophagie spécifique : la mitophagie (Youle and van der Bliek, 2012).

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Au vu de leur importance dans la régulation de l'homéostasie mitochondriale, ces mécanismes de fusion / fission nécessitent d'être finement régulés. La régulation de la fusion mitochondriale fait intervenir trois protéines appartenant à la famille des dynamines : les protéines mitofusin 1 et 2 (MFN 1 et 2) localisées sur la membrane mitochondriale externe (MME) et OPA1 (Optic atrophy 1) localisée sur la membrane mitochondriale interne (MMI) (Chen et al., 2003 ; Cipolat et al., 2004). Les protéines MFN1 et MFN2 sont responsables de la fusion des MME des deux mitochondries en cours de fusion alors qu'OPA1 permet la fusion de celles internes (Palmer et al., 2011). Bien que la fusion mitochondriale puisse parfois aboutir à la formation d'une mitochondrie allongée, ce mécanisme reste dans la majorité des cas un processus instable et très dynamique à l'issue duquel les mitochondries se séparent très rapidement. La régulation de la fission mitochondriale est quant à elle majoritairement contrôlée par une protéine cytoplasmique nommée Drp1 (dynamin-related protein 1) (Frank et al., 2001) même si d'autres protéines telles que Fis1, Mff, Mid49 et Mid52, participent également à ce processus. Afin de promouvoir la fission mitochondriale, Drp1 doit être recrutée par Fis 1 au niveau de la MME. Une fois recrutée, Drp1 forme des oligomères avec d’autre protéines Drp1 et ce, dans le but de créer une structure en forme de spirale autour de la MME permettant ainsi d’induire une constriction de la mitochondrie et aboutir à sa fission (Gao et al., 2010 ; Mears et al., 2011) (Figure

20).

Figure 20: Représentation schématique des mécanismes impliqués dans les processus de fission et de fusion mitochondriale.

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Les mécanismes de fission et fusion mitochondriale jouent donc un rôle essentiel dans la régulation de la distribution des mitochondries au sein de l’axone et des synapses (Chen et al., 2007). Ils assurent par conséquent la formation d’un réseau mitochondrial efficace permettant ainsi de fournir l’énergie dans les régions qui en ont besoin.

3.1.2.3.

La mitophagie

La mitophagie représente un mécanisme essentiel pour l’élimination des mitochondries défaillantes et nécessite l’intervention de deux protéines : Parkin (une ubiquitine ligase E3) et PINK1 (Youle and Narendra, 2011). Afin d’être dégradées par mitophagie, les mitochondries nécessitent d’être dans un premier temps « étiquetées » par un mécanisme d’ubiquitination. En effet, lorsque les mitochondries sont endommagées, la protéine PINK 1 qui est normalement rapidement dégradée au sein des mitochondries saines, va être recrutée au niveau de la MME et activer Parkin en la phosphorylant. Une fois activée, Parkin peut alors lier l’ubiquitine aux substrats protéiques localisés sur la MME et induire par conséquent la voie de la mitophagie. Comme vu précédemment, la fission mitochondriale semble être un pré-requis pour la mitophagie (Twig et al., 2008) alors qu’à l’inverse, la fusion protègerait les mitochondries de cette voie de dégradation (Gomes et al., 2011).

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