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Altérations de la plasticité synaptique et de la mémoire dans des modèles de MA

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Chapitre 2 : Tau, synapses et métabolisme énergétique neuronal, un lien dans la MA ?

2. L'intégrité synaptique : un mécanisme fortement altéré au cours de la MA

2.3. Altérations de la plasticité synaptique et de la mémoire dans des modèles de MA

Comme nous venons de le voir, les synapses jouent un rôle fondamental dans la formation de la mémoire et de l'apprentissage. Il n'est donc pas surprenant de constater qu'au cours de la MA – pathologie décrite précédemment comme étant principalement caractérisée par le développement de déclins cognitifs – aient lieu des altérations de l'intégrité synaptique conduisant à une perte précoce et progressive des synapses (Scheff et al., 2006). Bien que l'origine de cette perte synaptique reste aujourd'hui encore à élucider, de nombreuses études laissent suggérer que les protéines tau et amyloïdes solubles pourraient y jouer un rôle.

2.3.1. Les synapses et le peptide amyloïde

L'utilisation de modèles murins transgéniques de la pathologie amyloïde a permis de mettre en évidence que la perte synaptique se produit davantage aux alentours des plaques séniles ayant un cœur amyloïde dense plutôt que proche des plaques diffuses (Koffie et al., 2009 ; Masliah et al., 1990). La réalisation d'études électrophysiologiques a permis de montrer qu'afin d'induire son effet synaptotoxique, le peptide Aβ provoque une perte de la fonctionnalité des synapses. En effet, l'application de ce peptide sur des coupes hippocampiques et in vivo, provoque une réduction de la LTP (Shankar et al., 2008 ; Walsh et al., 2002) et à l'inverse, une amélioration de la LTD (Li et al., 2009), menant ainsi à une réduction du nombre d'épines dendritiques et par conséquent à une baisse de la force des synapses. Comme décrit précédemment, les mécanismes de LTP et de LTD font intervenir deux récepteurs : NMDAR et AMPAR. Il n'est donc pas surprenant que pour expliquer ce phénomène

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de synaptotoxicité par les peptides Aβ, une des hypothèses est que ce peptide pourrait altérer la fonctionnalité de ces récepteurs. Des études réalisées in vitro, ont permis de conforter cette hypothèse en montrant que le peptide Aβ est capable d'induire une internalisation anormale de ces deux récepteurs via un mécanisme dépendant de la LTD (Hsieh et al., 2006 ; Shankar et al., 2007). De plus, l'exposition de cultures neuronales à des oligomères d'Aβ bloque les influx calciques passant normalement par le récepteur au NMDA favorisant ainsi la LTD au détriment de la LTP dans les épines dendritiques (Snyder et al., 2005). Par ailleurs, de nombreux travaux ont aussi permis de démontrer que les peptides Aβ sont capables d'interagir directement avec les AMPAR (Renner et al., 2010) et les NMDAR (De Felice et al., 2007 ; Decker et al., 2010) afin d'altérer leur fonctionnement. Enfin, il a été mis en évidence que les oligomères d'Aβ ont également un impact sur les voies de signalisation impliquées dans les processus de LTP puisqu'ils sont capables d'altérer l'activité de certaines kinases dont JNK, la CamKII ou encore l'AMPK (Zhao, et al., 2004 ; Wang et al., 2004 ; Mairet-Coello et al., 2013 ; Thornton et al., 2011).

A contrario, il est intéressant de noter que des études montrent que l'activité synaptique pourrait aussi avoir un impact sur la pathologie amyloïde. En effet, Lazarov et al., montrent que l'exposition d'un modèle murin transgénique pour la pathologie amyloïde (APP/PS1) à un environnement dit "riche" permettrait de réduire la formation des plaques amyloïdes et de stimuler la régulation des gènes impliqués dans les mécanismes d'apprentissage et de mémoire (Lazarov et al., 2005). Par ailleurs, une étude réalisée en 2012 a mis en évidence que la stimulation des processus cognitifs auraient un rôle protecteur contre le développement de la MA (Stern, 2012).

2.3.2. Les synapses et la protéine tau

Bien que son rôle au niveau synaptique soit moins bien connu, la protéine tau pourrait également impacter l'intégrité des synapses. En effet, il est tout d’abord intéressant de noter que l’évolution spatio-temporelle de la propagation de la pathologie tau dans le cerveau suit celle de la perte synaptique (Braak and Braak, 1995), confortant ainsi l'hypothèse que tau pourrait avoir un impact sur la perte synaptique. Comme dit précédemment, au cours de la MA, l'hyperphosphorylation de la protéine tau provoque sa dissociation des MTs et induit sa relocalisation dans le compartiment somato-dendritique. On assiste alors à une accumulation de protéines tau hyperphosphorylées et agrégées au niveau des dendrites (Grundke-Iqbal et al., 1986). Cette relocalisation a des conséquences néfastes pour la fonction synaptique puisque n’étant plus stabilisés, les MTs ne sont plus capables d’assurer un transport axonal efficace et fonctionnel (Matamoros and Baas, 2016 ; Kopeikina et al., 2012). Il a ainsi été démontré que dans des modèles surexprimant la protéine tau, le transport des protéines nécessaires au fonctionnement de la synapse et des mitochondries est altéré induisant ainsi

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une accumulation des mitochondries au niveau du corps cellulaire neuronal (Ebneth et al., 1998 ; Kanaan et al., 2011 ; LaPointe et al., 2009). Ce processus a pour conséquence d'empêcher l’apport d’énergie aux synapses et d'induire de ce fait, des altérations synaptiques. De plus, Hoover et al., montrent également que la relocalisation dendritique de la protéine tau altère la fonctionnalité des synapses en diminuant l’expression et par conséquent le nombre des récepteurs AMPAR et NMDAR au niveau des dendrites (Hoover et al., 2010). De même, la protéine tau a également été montrée pour être impliquée dans l’induction de l’effet synaptotoxique du peptide Aβ via son interaction avec la Src kinase, Fyn (Ittner et al., 2010). En effet, des études montrent qu’en modulant l’activité de Fyn, tau pourrait induire la stabilisation du complexe entre la protéine PSD-95 et la sous-unité NR2B du récepteur au NMDA, et ainsi, faciliter la mise en place de l’excitotoxicité induite par le peptide Aβ (Ittner et al., 2010). La protéine tau pourrait également jouer un rôle critique dans l’établissement de la LTD, notamment via la phosphorylation de son résidu Ser396 (Regan et al., 2015). Ces résultats ont par ailleurs été confirmés in vivo, dans un modèle murin KO pour la protéine tau où on observe également une altération de la LTD (Kimura et al., 2014). Enfin, des études réalisées au laboratoire, montrent que dans un modèle transgénique pour la pathologie tau (modèle THY-Tau22), la fonctionnalité des récepteurs au NMDA est altérée et induit des altérations cognitives en empêchant la réponse au BDNF (Brain-derived neurotrophic factor), un facteur exprimé dans l’hippocampe et jouant un rôle critique dans les mécanismes de plasticité synaptique et de mémoire (Burnouf et al., 2013). Il a également été mis en évidence que dans ce modèle transgénique THY-Tau 22, se développent des altérations de la transmission synaptique hippocampique associées à des troubles de la mémoire (Van der Jeugd et al., 2013 ; Schindowski et al., 2006).

L’ensemble de ces données montrent que la perte des synapses est un événement très précoce au cours de la MA qui est à l'origine du développement des déficits cognitifs et qui fait intervenir la protéine tau et le peptide β-amyloïde. Toutefois, bien que les pathologies tau et amyloïde participent à la mise en place des altérations synaptiques, plusieurs études montrent que ces deux lésions sont également retrouvées dans le cerveau de personnes âgées et saines (Perez-Nievas et al., 2013 ; (Price and Morris, 1999). Ces données laissent supposer que les déficits cognitifs sembleraient principalement dus à la perte des fonctions synaptiques plutôt qu'à la neurodégénérescence ou à l'accumulation des protéines tau et amyloïdes agrégées (DeKosky & Scheff, 1990 ; Selkoe, 2002). Néanmoins, de nombreuses autres investigations restent nécessaires afin de mieux comprendre les mécanismes à l'origine de la perte d'intégrité synaptique.

Au cours de cette partie, nous avons pu constater que la perte synaptique est une caractéristique majeure de la MA qui apparait dès les stades précoces de cette pathologie. Nous avons également pu voir que cette perte de synapses est grandement responsable de la mise en place des

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déficits cognitifs observés chez les patients atteints de la MA et qu'elle peut être modulée par les pathologies tau et amyloïdes. Après nous être intéressés à la perte synaptique, nous allons maintenant clore ce deuxième chapitre d'introduction en nous attardant sur la dernière caractéristique de la MA qui nous intéresse pour notre étude : les altérations du métabolisme énergétique neuronal. Toutefois, avant d'étudier ces altérations, nous allons voir quelques généralités sur le métabolisme énergétique neuronal.

3. Le métabolisme énergétique neuronal : une voie précocement altérée

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