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II. LES Mycotoxines

1. Généralités

Le terme mycotoxine vient du mot grec « mycos » qui signifie champignon et du latin «toxicum» qui signifie poison. Il désigne les métabolites secondaires élaborés par des moisissures toxinogènes appartenant principalement au genre Aspergillus, Penicillium,

Fusarium, Alternaria etClaviceps qui préoccupent une large variété de denrées alimentaires

avant, pendant et après la récolte sous des conditions environnementales propices à leur développement (Tableau 2). Plusieurs centaines de ces substances toxiques ont été recensées, mais uniquement une trentaine possède de réelles propriétés toxiques prépondérantes (Bacha et

Céréale H2O % Protéines % Lipides % Cendre % Ca (mg) P(mg)

Mil 10,1 16 4,5 2,2 46 314

Blé d’hiver 13 14 2,2 1,7 36 3833

Maïs 13,8 8 3,9 1,2 22 268

Riz blanc 12 6,7 0,4 0,5 24 94

al.,1993; Gaj´cki et al.,2007). Ces moisissures sont ubiquistes et contaminent de nombreuses denrées alimentaires destinées à l'alimentation humaine et animale, notamment, les céréales mais aussi les oléo-protéagineux, les fruits (Chala et al., 2014; D’Mello et Macdonald, 1997 ; Ezekiel et al., 2012; Getachew et al., 2018) ainsi que les aliments composés et manufacturés (Araguàs et al., 2005). Ces substances chimiques considérées toxiques sont naturellement présentes dans l’air ambiant, le sol et sur les cultures (Yiannikouris et Jouany, 2002 ; Reboux et al., 2010). Elles font partie des contaminants alimentaires les plus menaçants en termes d’impact sur la santé publique, la sécurité alimentaire et l’économie des pays (Pitt, 2000). En effet, la FAO (Food and Agriculture Organisation) estime que 25% des denrées alimentaires mondiales sont contaminées annuellement par des mycotoxines soit 5 à 10% des pertes économiques mondiales (FAO, 2002). Des études récentes ont montré qu’environ 80% des céréales et des fourrages dans le monde sont contaminées par des mycotoxines (Kovač et al., 2018).

Tableau 2. Mycotoxines et moisissures productrices associées retrouvées en alimentation humaine et/ou animale (AFSSA, 2009)

Mycotoxines Principales moisissures productrices Mycotoxines réglementées ou en cours de réglementation Aflatoxines B1, B2, G1, G2 Ochratoxine A Patuline Fumonisines B1, B2, B3 Trichothécènes (DON) Zéaralènone

A. flavus, A. parasiticus, A. nomius ;

P. verrucosum, A. Ochraceus ; A. carbonarius ; P. expansum, A. Clavatus, Byssochlamys nivea

F. verticillioides, F. proliferatum, F.

graminearum, F. culmorum ; F. crookwellense, F. sporotrichioides;F. poae, F.tricinctum, F. acuminatum; F. graminearum, F. culmorum ; F. crookwellense

Autres mycotoxines Alcaloïdes d’ergot (dit ergot du seigle)

Citrinine

Toxines d’Alternaria

(alternariol, alternariol méthyl éther…) Acide cyclopiazonique Stérigmatocystine Sporidesmines Stachybotryotoxines Toxines d’endophytes (ergovaline, lolitrème B) Phomopsines Toxines trémorgènes

Claviceps purpurea, C. paspali, C. Africana; A. terreus, A. carneus, A. niveus ;

P. verrucosum, P. citrinum, P.expansum Alternaria alternata, Alternaria solani

A. flavus, A. versicolor, A. tamarii ; P.

camemberti ; Aspergillus nidulans, A.

versicolor;Pithomyces chartarum ; Strachybotrys chartarum ;

Neotyphodium coenophialum, N. lolii;

Phomopsis leptostromiformis ;

Penicillium roquefortii, P. crustosum,

Les mycotoxines sont des molécules de faible poids moléculaire (PM <1000 Daltons) de structures chimiques très diverses selon leurs voies de biosynthèse. Il s’agit de composés dérivés des acides aminés (alcaloïdes de l’ergot, acide aspergillique, acide cyclopiazonique, slaframine, gliotoxine, roquefortine, sporodesmine), d’autres des polycétoacides (aflatoxines, ochratoxines, patuline, citrinine, acide pénicillique, stérigmatocystine, zéaralénone) et d’autres sont des dérivés terpéniques (diacétoxyscirpénol, fusarénone, désoxynivalénol, roridines, toxine T-2, verrucarine) (Turner, 1971 ; Tuner et Aldridge, 1983). Par ailleurs, il convient de préciser que plusieurs facteurs d’ordre biologique, physique et chimique conditionnent la mycotoxinogénèse (D’Mello et Macdonald, 1997). La nature et la quantité des mycotoxines produites dépendent des espèces fongiques, des conditions écologiques et de la stabilité de ces toxines dans les milieux alimentaires (Magan et Aldred 2007 ; Bryden et al., 2012 ; Lasram et al., 2012). En effet, les moisissures et mycotoxines se développent dans certaines conditions particulières de température, d’humidité et de teneur de l’air en gaz. Ces conditions sont propres à chaque espèce et varient d’une toxine à l’autre. La présence du champignon ne doit pas être systématiquement associée à la présence de toxines. A l'inverse, l'absence de champignon ne garantit pas l'innocuité du produit. De plus, il convient de préciser qu’une même toxine peut être élaborée par diverses espèces fongiques mais pas obligatoirement par toutes les souches appartenant à une même espèce. De même, dans certains cas, une même espèce de moisissure peut produire plusieurs mycotoxines (Bryden 2012). Ainsi, dans ce cas on peut parler d’une multi-contamination où plusieurs toxines peuvent coexister dans la même denrée alimentaire. Cet aspect toxicologique pousse à appréhender l’effet antagoniste, additif ou synergique de l’interaction de ces mycotoxines (AFSSA, 2009).

On distingue parmi les principales familles de mycotoxines présentant une importance agroéconomique et des effets délétères sur la santé humaine prouvés ou suspectés, les aflatoxines, les ochratoxines, les fumonisines, les tricothécènes (notamment le déoxynivalénol

et la toxine T-2), la zéaralénone et la patuline (Tableau 3) (Charmley, 1994 ; Bryden, 2012; Gaj´cki et al., 2007 ; Pitt, 2000). Il convient de préciser que les moisissures toxinogènes sont souvent subdivisées en deux groupes ; d’une part les mycotoxines de champs, essentiellement, produites au champ par les Fusarium spp. dont les fusariotoxines (trichothécènes, zéaralénone, fumonisines..) et par les Alternaria spp. qui produisent les mycotoxines d’Alternaria (alternariol, tentoxin, tenuazonic acid..) ; d’autre part les mycotoxines de stockage, souvent produites au cours du stockage par les Aspergillus spp. à l’instar des aflatoxines (AFs) et des ochratoxines ainsi que par les Penicilium spp. (patuline, citrinine). En effet, il a été rapporté que les facteurs environnementaux peuvent exercer une pression sélective influençant la structure de la communauté et la dominance de quelques espèces fongiques Toutefois, il est indubitable de souligner que ces mycotoxines sont capables de se développer tout au long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire en présence des conditions favorables à leur prolifération (Parra et Magan, 2004 ; Lasram et al., 2016).

Dotées d’une grande stabilité thermique, ces substances toxiques peuvent se transférer et s’accumuler dans la chaîne alimentaire, présentant ainsi un risque sanitaire potentiel, soit les mycotoxicoses. En effet, le pouvoir de rémanence de ces contaminants naturels peut entraîner une toxicité aiguë marquée par une exposition à une forte dose, voire même un effet chronique due à une exposition récurrente à des faibles doses (Sorensen et Elbaek, 2005). La toxicité est variable, certaines mycotoxines sont reconnues ou suspectée par leurs effets cancérigènes, mutagènes, tératogènes, oestrogéniques, neurotoxiques, néphrotiques ou immunosuppressifs (Tableau 3) (Gaj´cki et al., 2007 ; Nelson et al., 1993 ; Zaied et al., 2011).

Toxine Effets Mécanismes d’action cellulaires et moléculaires Aflatoxine B1 + M1 Hépatotoxicité Génotoxicité Cancérogénicité Immunomodulation

- Formation d’adduit à l’ADN - Peroxydation lipidique

- Bioactivation par cytochromes P450 - Conjugaison aux GS-transférases Ochratoxine A Néphrotoxicité

Génotoxicité Immunomodulation

- Impact sur la synthèse des protéines. - Inhibition de la production d’ATP - Détoxification par les peptidases

Patuline Neurotoxicité

Mutagenèse in vitro Inhibition indirecte d’enzymes

Trichothécènes (Toxine T-2, DON, …)

Hématotoxicité Immunomodulation Toxicité cutanée

- Induction de l’apoptose sur

progéniteur hématopoïétique et cellules immunitaires

- Impact sur la synthèse des protéines - Altération des immunoglobulines Zéaralénone Fertilité et Reproduction - Liaison aux récepteurs oestrogéniques

- Bioactivation par des réductases - Conjugaison aux

glucuronyltransférases Fumonisine B1 Lésion du système nerveux

central Hépatotoxicité Génotoxicité Immunomodulation

- Inhibition de la synthèse de céramide - Altération du rapport

sphinganine/sphingosine - Altération du cycle cellulaire

Tableau 3. Effets des principales mycotoxines et mécanismes d’action cellulaires et moléculaires identifiés (AFSSA, 2009)

Historiquement,la mycotoxicose humaine la plus anciennement connue est l’ergotisme.

Egalement connue sous le nom de « feu de Saint-Antoine », cette pathologie est liée à l’ingestion des aliments contaminés par l’ergot de seigle ou Claviceps purpurea. Les symptômes se présentaient sous forme de délires, prostrations, douleurs violentes, abcès, gangrènes des extrémités aboutissant à des infirmités graves et incurables. Au moyen âge, des épidémies ont sévi à cause de la précarité alimentaire, en particulier, suite à la consommation de farines contaminées par ce champignon. En 1944, une épidémie d’ergotisme tua près de 400 personnes en France (AFSAA, 2009 ; Tabuc, 2007). En Union des républiques socialistes soviétique, les années quarante ont été marquées par de nombreux cas de décès, atteignant les 10% dans certaines collectivités, suite à la consommation des blé et millet contaminés par des moisissures du genre Fusarium. En 1960, depuis la découverte des aflatoxines, a fortiori, suite

à son identification comme étant le contaminant naturel le plus cancérigène, les recherches scientifiques se sont focalisées sur l’évaluation de nombreuses mycotoxines en raison des risques sanitaires encourus par l’homme et les animaux ((Naino Jika, 2016).