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1. ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE

1.4. Les méthodes de dépollution des sols

1.4.1. Généralités

Il existe de nombreuses techniques de dépollution pour tous les types de contamination (organique, inorganique), mais ce chapitre va concerner uniquement les méthodes employées pour les sols contaminés par des polluants organiques comme les HAP.

Celles-ci peuvent être appliquées « hors site » (ex situ) ce qui implique l’excavation du sol vers un centre de traitement ou « sur site » en traitant le sol excavé directement sur le site même (on site) ou en le laissant sur place sans excavation (in situ). Parmi ces techniques, il existe différents traitements (physiques, chimiques et biologiques) qui sont présentés dans le tableau 15 et qui peuvent être définis de manière générale comme suit, selon Colombano et ses collaborateurs (2010) :

 les traitements physiques consistent à utiliser des fluides (eau ou gaz) ou la chaleur (procédé thermique) pour traiter la pollution. Les fluides, présents dans le sol ou injectés, sont utilisés comme vecteur pour transporter la pollution vers des points d’extraction afin de la traiter par des procédés chimiques ou biologiques (évacuation de la pollution), ou pour l’immobiliser (piégeage de la pollution). La chaleur quant à elle est utilisée afin de volatiliser le polluant, le détruire, l’isoler ou le rendre inerte ;  les traitements chimiques consistent à utiliser selon les propriétés chimiques des

polluants des réactions appropriées afin de les inerter (ex : sorption), les détruire (ex : oxydation) ou les séparer du milieu pollué (ex : surfactant) ;

 les traitements biologiques consistent à stimuler la dégradation microbienne totale ou partielle des polluants en utilisant, entre autres, des microorganismes ou des plantes. Certains procédés permettent aussi de fixer (sorption), de solubiliser (désorption) ou d’extraire les polluants.

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Tableau 15. Techniques de dépollution des sols (Colombano et al., 2010; Colombano and Mouvet, 2012; de Boer and Wagelmans, 2016; Khan et al., 2004). Les cases vertes représentent les techniques pouvant être appliquées aux HAP et les

rouges les méthodes inappropriées ; 1 : technique de dépollution ex situ ou on site ; 2 : technique de dépollution in situ.

Technique Principe 1 2 Phy si q u e Ev ac u ati o n d e la p o llu ti o n Ventilation

Extraction des polluants de la phase gazeuse de la zone non saturée par mise en dépression. Les vapeurs sont ensuite récupérées et traitées en surface.

×

Barbotage Même principe que la ventilation mais dans la zone saturée et la

frange capillaire. ×

Extraction double phase

Extraction des polluants des phases gazeuse et liquide de la zone non saturée par mise en dépression importante au niveau de la frange capillaire et de la partie supérieure de la zone saturée. Les liquides et les gaz récupérés sont ensuite séparés et traités.

×

Pompage et traitement Extraction des polluants en phase dissoute dans la zone saturée et de la frange capillaire puis traitement on site. ×

Pompage-écrémage

Pompage des eaux souterraines polluées en présence d’un surnageant ce qui génère un cône de rabattement. Le surnageant s’accumule gravitairement au centre de ce cône et est récupéré puis traité. × Pi é ge ag e d e la p o llu ti o n Encapsulation

Enfermement physique sur site du sol par un dispositif de parois, couverture et fonds très peu perméables. Hors site, les terres polluées sont transférées dans des centres de stockage des déchets.

×

Confinement physique

Isolation du sol par des barrières physiques (isolation de surface, confinement vertical) afin d’empêcher la propagation des contaminants.

×

Confinement hydraulique

Maintien et/ou réduction du panache de pollution en favorisant l’écoulement des eaux souterraines en un point prédéfini en vue d’un traitement afin de ne pas générer de pollution en aval.

× Pr o d é t h e rmi q u e Incinération

Combustion du sol dans un four à des températures très élevées (870 à 1 200°C) conduisant à la destruction et/ou à la volatilisation des polluants. Les composés gazeux et particulaires sont ensuite récupérés en vue d’un traitement.

×

Désorption thermique

Chauffage du sol à des températures inférieures à celles de l’incinération (90 à 560°C) pour extraire par volatilisation les polluants. Les composés gazeux sont ensuite récupérés en vue d’un traitement.

× ×

Vitrification

Elévation de la température du sol afin de le transformer en un matériau fondu qui se vitrifie en se refroidissant. Les composés organiques sont détruits et/ou vaporisés avant d’être traités.

× ×

Pyrolyse Chauffage du sol (150 à 540°C) en absence d’oxygène pour en extraire les polluants. Les gaz sont ensuite récupérés et traités. ×

Chimique

Oxydation chimique

Apport d’un oxydant dans le sol (péroxyde d’hydrogène, persulfate, ozone, permanganate de potassium) afin de détruire totalement ou partiellement le polluant. Des agents chimiques comme des surfactants peuvent être ajoutés afin d’améliorer la désorption des contaminants.

× ×

Mise en solution par extraction chimique

Extraction des contaminants adsorbés sur le sol par des agents chimiques adaptés (solvant, surfactant,…). Après avoir homogénéisé le sol et la solution extractante, cette dernière est récupérée puis les polluants sont séparés et traités. ×

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Technique (suite) Principe (suite) 1 2

Biologique

Bioaugmentation

Apport dans le sol de microorganismes possédant des capacités catalytiques de dégradation afin d’améliorer la dégradation microbienne des polluants.

× ×

Biostimulation

Ajout dans le sol de nutriments, d’accepteurs d’électrons ou de donneur d’électrons afin d’augmenter la dégradation microbienne des polluants.

× ×

Landfarming

Etalement sur une faible épaisseur (30 cm) du sol pollué sur un support imperméable et favorisation de la biodégradation aérobie via des techniques agricoles classiques (labour, ajout d’engrais,…).

×

Biopile (biotertre)

Mise en tas du sol pollué (hauteur < 3m) sur un support imperméable en vue d’un traitement biologique. Le sol est généralement amendé et les conditions de bioterte contrôlées (aération, ajout de nutriments,…). C’est pourquoi il est également couvert afin de contrôler la température et l’humidité. La dégradation biologique est la plupart du temps réalisée par biostimulation.

×

Bioréacteur

Mélange de sol pollué avec de l’eau et parfois des additifs (tensioactifs, nutriments,…) afin de mettre en suspension les particules de sol et de former un mélange boueux. Des microorganismes possédant les capacités catalytiques de dégradation du polluant sont également ajoutés. Les boues sont alors traitées par voie biologique dans des bioréacteurs puis sont déshydratées.

×

Compostage

Mélange du sol excavé avec des amendements organiques (compost) et disposition en tas trapézoïdaux (andains, hauteur < 3m) régulièrement espacés afin de favoriser la biodégradation. Le compost agit sur la biostimulation, la bioaugmentation et l’aération.

×

Phytoremédiation Utilisation de plantes pour dégrader, transformer, volatiliser ou

immobiliser les polluants. ×

Atténuation naturelle

Diminution de la mobilité, de la toxicité ou de la concentration des contaminants dans le sol par des processus naturels (dégradation, volatilisation, adsorption,…) sans intervention humaine. × Chimique/ biologique Ajouts d’agents spécifiques

Désorption des polluants par ajouts d’agents chimiques adaptés (surfactant, cyclodextrine,…) afin d’améliorer la biodisponibilité des polluants pour qu’ils puissent être dégradés par les microorganismes.

× ×

Physique/ chimique

Lavage à l’eau

Les contaminants adsorbés (sur les particules fines, préalablement séparées des particules grossières en traitement

ex situ), sont transférés vers une phase aqueuse qui sera par la suite traitée. Afin d’augmenter ce transfert l’ajout d’agents chélatants, de surfactant ou un ajustement de pH peuvent être effectués.

× ×

Stabilisation/solidification

Piégeage des polluants par ajout d’adjuvants afin de réduire leur mobilité. La solidification consiste à lier physiquement ou à emprisonner les polluants au sein d’une masse stable, dure et inerte. La stabilisation consiste à transformer chimiquement un polluant lessivable en un composé peu ou non soluble et/ou à augmenter les capacités de sorption du polluant avec les matériaux par mélange avec différents adjuvants afin de les rendre moins mobilisables.

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Le choix du traitement à utiliser est très important pour garantir le succès de la remédiation mais il s’avère également difficile car de nombreux paramètres sont à prendre en compte (Khan et al., 2004) et ce dès lors de la décision entre une méthode in situ ou ex situ/on site (Tableau 16). Les techniques in situ vont surtout être utilisées pour des sites encore en activité ou lorsque la zone polluée est trop étendue pour avoir recours à l’excavation (Cadière, 2012). Le choix du traitement à mettre en œuvre est ensuite fonction de différents facteurs comme le type de polluant, l’ancienneté de la contamination, le type de sol, les usages auxquels le site est destiné, le coût de la dépollution ou encore la perception des habitats. Certains procédés peuvent même être couplés pour réduire suffisamment les teneurs en polluants (Huang et al., 2004; Kronholm et al., 2002).

Tableau 16. Applicabilité du traitement in situ et ex situ/on site (Hyman and Dupont, 2001).

En France, en 2012, plus de 5 500 000 tonnes de terres polluées ont été traitées dont environ 52 % par des méthodes in situ (Cadière, 2012). Ceci s’explique par l’importance des traitements de ventilation et de bioaugmentation/biostimulation qui représentent à eux seuls plus de 44 % des tonnages traités (Cadière, 2012 ; Figure 25). Les procédés physico-chimiques ont largement été utilisés (59 %), suivi par les procédés biologiques (25 %) et enfin les procédés thermiques (16 %) (Cadière, 2012).

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Figure 25. Quantité de sols pollués traités en tonnes par différentes techniques de dépollution en France en 2012 (Cadière, 2012). HS : hors site.

Sur les plus de 5 500 000 tonnes de terres traitées, 5 % étaient polluées par les HAP (Cadière, 2012). Les cases vertes du tableau 15 représentent les méthodes de dépollution qui peuvent être appliquées aux HAP et les rouges les méthodes inappropriées. Ces dernières représentent principalement des procédés qui sont utilisés pour des composés (semi)-volatils (ventilation, extraction double phase,…) ce qui n’est pas le cas des HAP en général. En ce qui concerne l’atténuation naturelle contrôlée, elle est limitée pour les HAP à cause de leur hydrophobicité et du processus de vieillissement de la contamination (Colombano and Mouvet, 2012). Seules les molécules de faible poids moléculaire peuvent être éliminées par ces procédés. Les sols pollués par de fortes concentrations en HAP sont principalement

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traités par des techniques thermiques avec l’incinération pour des teneurs totales supérieures à 40 000 – 45 000 mg.kg-1 et avec la désorption thermique pour des teneurs de l’ordre de 15 000 à 40 000 mg.kg-1 (Colombano and Mouvet, 2012). Bien que ces techniques soient très efficaces et rapides (Cadière, 2012), elles modifient les propriétés physico-chimiques et biologiques des sols (Cébron et al., 2009, 2011), aboutissant à une matrice dépolluée plutôt qu’à un sol. De plus, elles sont très couteuses (Cadière, 2012) puisque les prix varient de 190 à 1 050 €/t de sols traités après excavation pour l’incinération et de 60 à 110 €/t pour la désorption thermique (Colombano et al., 2010). De manière générale, les techniques physiques et chimiques sont coûteuses et lourdes à mettre en œuvre alors que les techniques biologiques sont plus respectueuses de l’environnement puisqu’elles stimulent un phénomène naturel et sont moins onéreuses (Cadière, 2012) avec des coûts 50 à 80 % plus faibles (Raskin and Ensley, 2000). Bien qu’elles aient souvent des durées de réhabilitation plus longues que les autres procédés (Colombano et al., 2010), les techniques biologiques sont considérées comme les plus appropriées pour remédier des sols pollués aux HAP (Kalantary et al., 2014). Parmi ces techniques, la biostimulation, la bioaugmentation et la phytoremédiation ont été utilisées lors de ces travaux de thèse.