• Aucun résultat trouvé

1. ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE

1.3. Devenir des hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les sols

1.3.3. Dissipation

Une fois dans le sol, en plus de leurs différentes mobilités, les HAP vont connaitre une dissipation selon plusieurs processus. A partir de mécanismes abiotiques ou biotiques, ils vont pouvoir être transférés dans les autres compartiments de l’environnement comme l’atmosphère ou les eaux souterraines, mais aussi être directement dissipés dans le sol.

1.3.3.1. Voies abiotiques

Dans les sols, la dissipation abiotique des HAP est responsable de 2 à 20 % des composés à 2 et 3 cycles (Park et al., 1990) et concerne peu les molécules de haut poids moléculaire. D’une manière générale, comparé aux mécanismes biotiques, l’ensemble des processus abiotiques ne représente qu’une faible part dans la dissipation des HAP.

1.3.3.1.1. Volatilisation

La volatilisation des polluants vers l’atmosphère est négligeable pour les composés de haut poids moléculaire (Cousins and Jones, 1998) puisqu’ils sont peu volatils. Cependant ce phénomène n’est pas seulement fonction des propriétés physico-chimiques des HAP, mais aussi de celles du sol comme son potentiel rédox (Cabrerizo et al., 2011), ou encore de celles de l’atmosphère extérieure telles que sa température (Cabrerizo et al., 2011; Ophoff et al.,

55

importante de l’acénaphthylène, de l’acénaphtène, du fluorène et de l’anthracène en conditions aérobies plutôt que dénitrifiantes. De plus, aucune volatilisation n’a été observée pour ces quatre HAP en conditions sulfato-réductrices et méthanogènes. En ce qui concerne l’air extérieur, une volatilisation plus élevée du fluoranthène a été observée avec une augmentation de la température (Wolters et al., 2002).

1.3.3.1.2. Photodégradation

La dissipation des HAP par photodégradation est assez faible dans les sols puisque la luminosité est limitée (Matsuzawa et al., 2001). Elle est plus importante lors d’un fort ensoleillement (température élevée) (Zhang et al., 2010) et dans les premiers centimètres de la surface du sol (Matsuzawa et al., 2001). La photodégradation peut être caractérisée par une photolyse, c’est-à-dire par une action directe, physique, des rayons ultraviolets ou par une photo-oxydation, conduisant à la formation d’espèces réactives oxygénées (Thion, 2012).

1.3.3.1.3. Lixiviation/lessivage

Si les composés sont solubilisés (notamment les HAP légers) dans la solution du sol, ils peuvent être dissipés par lixiviation vers les eaux souterraines. Lorsqu’ils sont associés à des particules de sol, il s’agit d’un phénomène de lessivage.

1.3.3.2. Voies biotiques

Les voies biotiques constituent le phénomène majeur de dissipation des HAP dans les sols notamment avec la biodégradation par les microorganismes.

1.3.3.2.1. Dégradation par les voies bactérienne et fongique

La dégradation des HAP dans les sols s’effectue principalement par des bactéries ou des champignons hétérotrophes qui utilisent les composés comme source de carbone et d’énergie (Girard et al., 2005). La dégradation consiste à transformer le polluant en

56

composés intermédiaires appelés métabolites (qui peuvent être plus ou moins toxiques que la molécule d’origine) et à aboutir à la formation de dioxyde de carbone et d’eau. Lorsque les produits finaux sont atteints, le composé est alors minéralisé. La dégradation peut avoir lieu en conditions anaérobies ou aérobies.

En anaérobiose, la dégradation est réalisée en conditions dénitrifiantes, sulfato-réductrices ou méthanogènes (Girard et al., 2005). Cependant, les taux de dégradation sont plus faibles qu’en aérobiose et les voies métaboliques sont peu décrites (Girard et al., 2005; Löser et al.,

1998). La plupart des données résultent d’expériences conduites avec des consortia bactériens (Ambrosoli et al., 2005; Chang et al., 2002; Davidova et al., 2007; Dou et al., 2009; Rockne and Strand, 2001; Zhang and Young, 1997). Néanmoins, deux souches bactériennes appartenant aux genres Pseudomonas et Vibrio ont pu être identifiées comme étant capables de dégrader le naphtalène en conditions dénitrifiantes (Rockne et al., 2000). D’ailleurs, le naphtalène est un des rares HAP où les voies de dégradation ont été décrites en détail. Celui-ci peut être dégradé sous conditions sulfato-réductrices et dénitrifiantes (Bregnard et al., 1996; Coates et al., 1996). La voie métabolique en conditions sulfato-réductrices est présentée en figure 18. L’étape initiale de dégradation correspond à une carboxylation aboutissant à la formation d’un acide 2-naphtoïque. Son cycle non substitué est réduit en premier par hydrogénation ce qui produit un composé avec un anneau cyclohexane. Un des métabolites de la voie de dégradation étant l’acide 2-carboxycyclohexylacetique, celui-ci est probablement généré par le clivage d’un fragment C2

via une beta-oxydation d’un autre métabolite, un C11H16O4-diacide (Meckenstock et al.,

57

Figure 18. Voie anaérobie de dégradation du naphtalène en conditions sulfato-réductrices (Annweiler et al., 2002).

En conditions aérobies, les HAP sont initialement métabolisés par une réaction d’oxydation selon trois mécanismes (Figure 19).

Figure 19. Les trois principales voies de dégradation des HAP par les bactéries et les champignons (Bamforth and Singleton, 2005).

58

Chez les bactéries, l’oxydation initiale implique des enzymes de la famille des dioxygénases ou des monooxygénases du cytochrome P450.

Les dioxygénases vont permettre l’incorporation de deux atomes d’oxygène sur l’un des cycles pour aboutir à la formation d’un cis-dihydrodiol qui sera par la suite, converti en catéchol. Des clivages selon la voie ortho (clivage entre les carbones porteurs des groupements hydroxyles)ou méta (clivage entre les carbones adjacents au diol) du catéchol vont conduire à la formation de produits aliphatiques qui pourront ensuite être acheminés dans le métabolisme central, comme par exemple, le cycle de Krebs. Une fois que le cycle aromatique hydroxylé initial sera dégradé, le deuxième cycle sera attaqué de la même manière (Doyle et al., 2008). De nombreuses souches bactériennes sont capables de dégrader les HAP (Tableau 11).

Tableau 11. Exemples de bactéries dégradant les HAP (adapté de Juhasz and Naidu, 2000; Seo et al., 2009; Zhang et al., 2006).

Bactéries HAP

Acidovorax delafieldii Phénanthrène

Acinetobacter sp. Phénanthrène

Acinetobacter calcoaceticus Anthracène, chrysène, fluoranthène, naphtalène, phénanthrène, pyrène

Agrobacterium sp. Benzo(a)anthracène, chrysène, phénanthrène

Alcaligenes sp. Naphtalène, phénanthrène

Alcaligenes denitrificans Fluoranthène, naphtalène

Alcaligenes eutrophus/paradoxus Acénaphtène

Arthrobacter sp Anthracène, fluorène, phénanthrène

Arthrobacter sulfureus/

polychromogenes Phénanthrène

Bacillus sp. Benzo(a)anthracène, chrysène, naphthalène, phénanthrène, pyrène

Bacillus cereus Naphtalène, pyrène

Beijerinckia sp. Phénanthrène

Brevibacterium sp. Fluorène, phénanthrène

Burkholderia sp. Benzo(a)anthracène, chrysène, coronène, dibenzo(ah)anthracène, fluoranthène, phénanthrène, pyrène

Burkholderia cepacia Acénaphtène, naphtalène, phénanthrène, pyrène

Burkholderia cocovenenans Phénanthrène

Comamonas testosteroni Anthracène, naphtalène, phénanthrène

Corynebacterium renale Naphtalène

Cycloclasticus sp. Acénaphtène, benzo(a)anthracène, chrysène fluoranthène, naphtalène, phénanthrène, pyrène

Flavobacterium sp. Anthracène, benzo(a)anthracène, chrysène, fluoranthène, phénanthrène, pyrène

Gordonia sp. Chrysène, fluoranthène, pyrène

Janibacter sp. Anthracène, fluorène, phénanthrène

Micrococcus sp. Phénanthrène

Moraxella sp. Naphtalène

Mycobacterium sp. Anthracène, benzo(a)anthracene, benzo(a)pyrène, chrysène, fluoranthène, fluorène, naphthalène, phénanthrène, pyrène

59

Bactéries (suite) HAP (suite)

Mycobacterium vanbaalenii Phénanthrène, pyrène

Nocardia sp.

Pasteurella sp.

Phénanthrène Fluoranthène

Polaromonas naphthalenivorans Naphtalène

Pseudomonas sp. Acénaphtène, benzo(a)anthracène, chrysène, fluoranthène, fluorène, naphtalène, phénanthrène

Pseudomonas aeruginosa Phénanthrène

Pseudomonas fluorescens Acénaphtène, benzo(a)anthracène, chrysène, naphtalène, phénanthrène

Pseudomonas paucimobilis Phénanthrène

Pseudomonas putida Acénaphtène, anthracène, benzo(a)anthracène, fluoranthène, naphtalène,

phénanthrène, pyrène

Pseudomonas saccharophila/stutzeri Naphtalène, phénanthrène, pyrène

Pseudomonas vesicularis Fluorène

Ralstonia sp. Naphtalène

Rhodanobacter sp. Benzo(a)pyrène

Rhodococcus sp. Anthracène, chrysène, fluoranthène, naphthalène, phénanthrène, pyrène

Sphingomonas sp. Anthracène, benzo(a)anthracène, chrysène, fluoranthène, fluorène, naphtalène, phénanthrène, pyrène

Sphingomonas paucimobilis Anthracène, benzo(a)anthracène, chrysène, dibenzo(ah)anthracène, fluoranthène,

naphtalène, phénanthrène, pyrène

Sphingomonas yanoikuyae Anthracène, benzo(a)pyrène, phénanthrène, pyrène

Staphylococcus sp. Phénanthrène

Stenotrophomonas sp. Benzo(a)anthracène, chrysène, dibenzo(ah)anthracène, fluoranthène, pyrène

Stenotrophomonas maltophilia Benzo(a)anthracène, benzo(a)pyrène, chrysène, dibenzo(ah)anthracène,

fluoranthène, phénanthrène, pyrène

Streptomyces sp. Naphthalène, phénanthrène

Terrabacter sp. Fluorène

Vibrio sp. Naphthalène, phénanthrène

Xanthomonas sp. Benzo(a)pyrène, pyrène

Les bactéries appartenant aux genres Sphingomonas, Pseudomonas ou encore

Mycobacterium ont été très étudiées et il a été démontré qu’elles étaient capables de métaboliser un grand nombre de HAP tels que le pyrène, le phénanthrène, le fluoranthène ou encore le naphtalène (Zhang et al., 2006). La plupart des études concernent la dégradation de HAP à faible poids moléculaire et peu de bactéries ont été isolées comme étant capables de métaboliser les HAP à plus de 4 cycles (Doyle et al., 2008). Il s’agirait principalement de bactéries de type Gram positif telles que les actinomycètes appartenant aux genres Mycobactarium ou Rhodococcus (Bonnard, 2010). En effet, il a été démontré que les souches Mycobacterium sp. RJGII-135 et Mycobacterium vanbaalenii PYR-1 étaient capables de dégrader le benzo(a)anthracène et le benzo(a)pyrène, des HAP à haut poids moléculaire (Moody et al., 2004, 2005; Schneider et al., 1996). Comme ces HAP possèdent un grand nombre de cycles, ils sont plus résistants et leur dégradation est plus lente. Celle-ci peut être plus rapide lorsqu’elle est réalisée par un consortium bactérien. Le consortium

60

permet de minéraliser rapidement les métabolites secondaires par des bactéries qui ne sont à priori pas dégradantes mais qui possèdent d’autres capacités enzymatiques (Corgié, 2004) et d’accès aux polluants (Friedrich et al., 2000). De plus, les HAP à haut poids moléculaire sont souvent métabolisés par co-métabolisme (Girard et al., 2005). Le polluant n’est pas utilisé comme substrat de croissance par les microorganismes mais il est dégradé indirectement lors du métabolisme d’un autre substrat de structure similaire qui est utilisé comme source de croissance. C’est le cas par exemple du benzo(a)pyrène qui est dégradé par co-métabolisme via la dégradation du pyrène (Boonchan et al., 2000).

Quelques bactéries sont également capables d’oxyder les HAP par l’action de l’enzyme monooxygénase du cytochrome P450 qui consiste à incorporer un atome d’oxygène sur l’un des cycles pour former un trans-dihydrodiol (Maigari and Maigari, 2015). Ceci est le cas par exemple du genre Mycobacterium (Brezna et al., 2005; Kelley et al., 1990). Ces mécanismes restent cependant mineurs par rapport à l’activité des enzymes dioxygénases (Maigari and Maigari, 2015).

Chez les champignons non ligninolytiques, la réaction d’oxydation implique également des enzymes de la famille des monooxygénases. Elles résultent en la production d’une arène oxyde qui est ensuite hydrolysée par une hydrolase époxyde en un trans-dihydrodiol. Des dérivés du phénol peuvent également être formés par le réarrangement non enzymatique de l’arène oxyde. Ceux-ci peuvent alors agir comme substrats pour une sulfatation ou une méthylation ultérieure, ou encore, pour une conjugaison avec du glucose, du xylose ou de l’acide glucuronique. Des exemples de champignons non ligninolytiques dégradant les HAP sont présentés dans le tableau 12. Le plus étudié des champignons est Cunninghamella elegans qui oxyde de nombreux HAP en phénol (Johnsen et al., 2005). La métabolisation des HAP par des monooxygénases peut ensuite mobiliser les polluants pour des dégradations ultérieures par des bactéries. En effet, des co-cultures bactérie et champignon non ligninolytique, Penicillium janthinelum VUO 10,201, ont été capables de dégrader du chrysène, du benzo(a)anthracène, du dibenzo(a,h)anthracène et du benzo(a)pyrène (Boonchan et al., 2000) alors que de plus faibles quantités de ces HAP avaient été dégradées lorsqu’ils étaient incubés soit avec le champignon, soit avec la bactérie. La dégradation des HAP de haut poids moléculaire serait donc favorisée par l’action conjointe des champignons et des bactéries. Les HAP à faible poids moléculaire peuvent être dégradés par Aspergillus

61

sp., Trichocladium canadense et Fusarium oxysporum (Haritash and Kaushik, 2009) et les HAP à haut poids moléculaire par Trichocladium canadense, Aspergillus sp., Verticillium sp. et Acremonium sp. (Haritash and Kaushik, 2009).

Chez les champignons ligninolytiques, la métabolisation des HAP est initiée par des enzymes extracellulaires impliquées dans la dégradation de la lignine (Figure 20) : des péroxydases et des laccases (Maigari and Maigari, 2015). Ces enzymes sont induites directement par les substrats ligno-cellulosiques (Hofrichter, 2002; Martı ́nez, 2002) et sont peu spécifiques (Girard et al., 2005). Ainsi, puisque les HAP possèdent des analogies moléculaires avec la lignine (Bezalel et al., 1996; Garon et al., 2000), ils vont pouvoir être dégradés par ces mêmes enzymes. D’une manière générale, les champignons dégradent alors les HAP par co-métabolisme (Peng et al., 2008). L’attaque de l’un des noyaux aromatiques va libérer un composé hydroxylé, qui va conduire à la formation de quinones par oxydation radicalaire. La biotransformation de la lignine est principalement possible grâce aux champignons saprotrophes basidiomycètes de la pourriture blanche puisqu’ils s’avèrent très efficaces (Dashtban et al., 2010). Des exemples de ces champignons, capables de dégrader les HAP, sont donnés dans le tableau 12. La souche Phanerochaete chrysosporium est la plus étudiée pour la production d’enzymes ligninolytiques et la dégradation de xénobiotiques (Silva et al.,

2010). Par rapport aux bactéries, les champignons ont plus de capacité à dégrader les HAP de haut poids moléculaire et plus généralement les HAP faiblement biodisponibles (Bonnard, 2010). En effet, l’attaque initiale des HAP par les exoenzymes fongiques est plus probable que l’attaque par les enzymes intracellulaires des bactéries. Les exoenzymes fongiques ont l’avantage de pouvoir diffuser au plus immobile des HAP alors que les dioxygénases des bactéries sont généralement liées à la cellule car elles requièrent du NADH (nicotinamide adénine dinucléotide) comme cofacteur (Johnsen et al., 2005).

Sous l’action de l’ensemble des enzymes ligninolytiques, la métabolisation initiale des HAP conduit souvent à la formation de métabolites plus hydrosolubles et plus réactifs chimiquement que le composé initial (Doyle et al., 2008). Ainsi, ils sont potentiellement plus biodégradables par les bactéries indigènes (Doyle et al., 2008) notamment grâce à la présence d’un groupe réactif (quinone) qui facilite l’attaque des cycles par les systèmes enzymatiques bactériens (Gramss et al., 1999b; Kotterman et al., 1998). Ceci est le cas par exemple du champignon ligninolytique Bjerkandera sp. BOS55 (Kotterman et al., 1998).

62

Cependant, lorsque les quinones ne sont pas minéralisées par des réactions enzymatiques ultérieures (par la même souche fongique ou par un autre microorganisme) ces métabolites sont susceptibles de s’accumuler et sont donc considérés comme produits « dead end » (Bezalel et al., 1996; Field et al., 1992).

Figure 20. Structure moléculaire d'une lignine (Wertz, 2010).

Tableau 12. Exemples de champignons dégradant les HAP (adapté de Doyle et al., 2008; Juhasz and Naidu, 2000; Zhang et al., 2006).

Champignons HAP

Non-ligninolytiques Aspergillus sp. Phénanthrène, pyrène

Aspergillus niger Naphtalène, Phénanthrène

Aspergillus terreus Fluoranthène

Candida sp. Phénanthrène

Candida utilis Naphtalène

Cladosporium sp. Benzo(a)pyrène

Cladosporium herbarum Anthracène

Cunninghamella sp. Phénanthrène, pyrène

Cunninghamella elegans

Acénaphtène, anthracène, benzo(a)anthracène, fluoranthène, naphtalène, phénanthrène, pyrène

Fusarium moniliforme Anthracène

Penicillium sp. Chrysène, pyrène

Penicillium chrysogenum Naphtalène

Rhizopus arrhizus Anthracène, fluoranthène

Rhizopus oryzae Naphtalène

63

Champignons (suite) HAP (suite)

Non-ligninolytiques Rhodotorula glutinis Phénanthrène

Saccharomyces sp.

Acénaphtène, anthracène, chrysène, fluoranthène, fluorène, phénanthrène, pyrène

Syncephalastrum sp. Phénanthrène

Syncephalastrum racemosum Chrysène, naphtalène,

phénanthrène, pyrène

Ligninolytiques Bjerkandera sp. Anthracène

Bjerkandera adjusta Anthracène, fluoranthène,

phénanthrène, pyrène

Phanerochaete sp. Presque tous les HAP

Phanerochaete chysosporium Anthracène, phénanthrène,

pyrène

Pleurotus sp. Fluoranthène, phénanthrène,

pyrène

Pleurotus ostreatus Anthracène, fluoranthène,

phénanthrène

Parmi cette microflore, des phénomènes de compétition pour les nutriments peuvent avoir lieu (Hibbing et al., 2010) et limiter l’activité de certains microorganismes, impactant alors la dégradation des polluants. De plus, en présence de plusieurs HAP, ce qui est généralement le cas dans l’environnement, certains peuvent avoir un effet inhibiteur vis-à-vis de la dégradation d’autres composés (Girard 2005). Par exemple, dans l’étude de McNally et ses collaborateurs (1999), la présence de phénanthrène a inhibé la dégradation du pyrène. Ceci peut s’expliquer par la toxicité du polluant en lui-même (Bouchez et al., 1995) ou par la production de métabolites de dégradation plus toxiques que la molécule initiale (Juhasz et al., 2002). Au contraire, comme cela a déjà été évoqué précédemment, la présence de certains polluants peuvent stimuler la dégradation d’autres composés (co-métabolisme) comme dans l’étude de McNally et ses collaborateurs (1999) où la présence de naphtalène a stimulé la dégradation du phénanthrene et du pyrène.

1.3.3.2.2. Dégradation dans la rhizosphère

Le terme « rhizosphère » a été employé pour la première fois en 1904 par Lorenz Hiltner pour définir le volume de sol influencé par les racines d’une plante (Hartmann et al., 2008). Il existe cependant plusieurs définitions comme celle selon laquelle la rhizosphère est divisée

64

en trois zones (Figure 21) : l’endorhizosphère qui comprend des parties du cortex et de l’endoderme, le rhizoplan qui est la zone médiane directement adjacente à la racine comprenant l’épiderme racinaire et le mucilage et enfin, l’ectorhizosphère qui est la zone la plus extérieure, allant du rhizoplan au sol non rhizosphérique (McNear Jr., 2013). Dans ce manuscrit de thèse, la définition de Hiltner sera utilisée pour désigner la rhizosphère.

Figure 21. Représentation d'une coupe racinaire montrant la structure de la rhizosphère (McNear Jr., 2013).

Dans le sol, les racines vont libérer de nombreux composés appelés rhizodépôts qui comprennent (Figure 22) :

 des mucilages qui sont composés de sucres polymérisés, représentés

majoritairement par de l’arabinose, du galactose, du fucose, du glucose et du xylose, chez le maïs (Bacic et al., 1987) et le pois (Knee et al., 2001), ainsi que des protéines, retrouvées jusqu’à 6 % chez le maïs (Bacic et al., 1987). Ces composés de haut poids moléculaire sont sécrétés de façon active (Drénou, 2006) par plusieurs zones de la racine comme la zone des poils absorbants (Gobat et al., 2010; Werker and Kislev, 1978) mais ils restent majoritairement sécrétés par les cellules de la couche externe de la coiffe (Gobat et al., 2010; Guckert et al., 1975; Paull and Jones, 1975). Les mucilages, qui jouent un rôle de lubrifiant pour la pénétration des racines dans le sol, peuvent représenter 2 à 12 % des rhizodépôts totaux (Dennis et al., 2010). La microflore rhizosphérique qui va métaboliser les mucilages végétaux vont également

65

produire d’autres polysaccharides ce qui va former un mélange de mucilage végétale et microbien, appelé mucigel (Gobat et al., 2010) ;

 des cellules détachées provenant essentiellement de la coiffe (Gobat et al., 2010; McNear Jr., 2013; Nguyen, 2003). La desquamation de ces cellules se produit par abrasion lors de l’avancement de l’apex racinaire dans le sol (Drénou, 2006). Celles-ci se détachent afin de protéger l’apex en réduisant les forces de frottement qui pourraient endommager la racine (Bengough and McKenzie, 1997). Laissées en arrière au cours de la croissance racinaire (Gobat et al., 2010), les cellules survivent un certain temps dans le sol, pouvant encore sécréter des enzymes, des protéines et du mucilage (Gobat et al., 2010; McNear Jr., 2013; Vermeer and McCully, 1982). Elles finissent ensuite par être colonisées et lysées par les microorganismes (Gobat et al.,

2010), créant ainsi des hotspots de substrat dans la rhizosphère pouvant représenter 10 % du carbone total libéré par les racines (Iijima et al., 2000) ;

 des lysats provenant de l’autolyse des cellules sénescentes des tissus rhizodermiques et corticaux (Gobat et al., 2010) et de l’ensemble de la racine à la mort de la plante (Lynch and Whipps, 1991) ;

 des exsudats qui sont des composés solubles de faible poids moléculaires comme des

sucres, des acides aminés, des acides organiques, des acides gras, des hormones et des vitamines (Drénou, 2006; Lynch and Whipps, 1991). La diffusion des exsudats est passive et s’effectue au niveau de la zone méristématique de la racine, juste derrière la coiffe (Darwent et al., 2003; Farrar et al., 2003; Jaeger et al., 1999; Van Egeraat, 1975). 5 à 21 % du carbone fixé photosynthétiquement par les plantes sont libérés

via la racine comme des sucres, des acides aminés et des métabolites secondaires (Huang et al., 2014).

66

Figure 22. Origines des rhizodépôts (adapté de Dennis et al., 2010).

La composition et la concentration de ces composés vont différer selon l’espèce végétale et son statut physiologique, ainsi que selon les conditions physico-chimiques du sol. En effet, il a été démontré que les racines de blé, de pois, de luzerne et d’amarante réfléchie exsudaient majoritairement des carbohydrates et des acides organiques avec très peu d’acides aminés, alors que celles du radis et du chénopode blanc exsudaient principalement des acides organiques et des acides aminés (Merbach et al., 1999). Nardi et ses collaborateurs (2002) ont montré que la composition en molécules exsudées pouvait également différer selon la variété d’une même espèce végétale, la composition en acides organiques étant différente selon la variété de maïs (Mytos ou Samantha). Les quantités exsudées vont aussi varier selon l’âge de la plante. En effet, une exsudation plus importante a été observée chez la tomate, le trèfle souterrain et le phalaris au cours de leurs deux premières semaines de croissance plutôt que dans les deux semaines suivantes (Rovira, 1959). Lorsque la plante est en condition de stress en raison d’une déficience en nutriment

67

dans le sol, celle-ci va également modifier sa concentration en exsudats. Par exemple, une augmentation du taux d’acides carboxyliques émis dans la rhizosphère a été observée pour le pois chiche lors d’une déficience en fer (Ohwaki and Sugahara, 1997) et une augmentation de la teneur en acides organiques pour le colza a été identifiée lors d’une déficience en phosphore (Hoffland, 1992). Le stress du à la présence de polluant dans le sol comme les HAP va aussi induire une modification de l’exsudation racinaire. L’étude de Muratova et ses collaborateurs (2009a) a montré que la présence de phénanthrène à une concentration de 10 mg.kg-1 conduisait à une stimulation de la libération de carbohydrates chez le sorgo commun, alors qu’à une concentration de 100 mg.kg-1 il induisait une diminution de la teneur en acides carboxyliques, carbohydrate et acides aminés. Le pH du sol va aussi influencer l’exsudation des espèces végétales, comme chez le ray-grass, où l’augmentation de la teneur en carbone rejetée dans la rhizosphère a été corrélée avec l’augmentation du