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1. ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE

1.4. Les méthodes de dépollution des sols

1.4.3. Bioaugmentation

Lorsque l’atténuation naturelle et la biostimulation se sont avérées inefficaces, Iwamoto et Nasu (2001) considèrent que la bioaugmentation doit être appliquée. En effet, la biostimulation correspond à une gestion « à l’aveugle » de la microflore puisque les microorganismes qui bénéficient de cette stimulation ne sont pas forcément ceux impliqués dans la dégradation du contaminant

La bioaugmentation consiste à améliorer la dégradation du polluant par l’ajout de microorganismes spécifiques possédant les capacités catalytiques de dégradation du contaminant (Hamdi et al., 2007; Iwamoto and Nasu, 2001; Mancera-López et al., 2008). Cette méthode est donc utilisée lorsque la microflore indigène du sol n’est pas optimale dans la métabolisation du composé (Silva et al., 2009b). Selon Forsyth et ses collaborateurs (1995), la bioaugmentation doit être appliquée aux sols qui possèdent un nombre faible ou non détectable de microorganismes dégradants, des polluants qui requièrent plusieurs processus de remédiation dont certains nuisibles ou toxiques pour les microorganismes, et qui ont une surface de pollution peu étendue sur laquelle les couts des méthodes non-biologiques sont supérieurs à ceux de la bioaugmentation.

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Les souches qui sont inoculées doivent être capables de résister à différentes conditions environnementales du sol et survivre à la présence d’autres microorganismes (Jacques et al.,

2008; Mancera-López et al., 2008). En effet, de nombreux paramètres abiotiques et biotiques peuvent influencer l’efficacité de la bioaugmentation (Bento et al., 2005; Cho et al., 2000; Veen et al., 1997; Wolski et al., 2005)pouvant conduire à une diminution du taux de dégradation (Cho et al., 2000; Wolski et al., 2005) ou du nombre de cellules exogènes peu de temps après l’inoculation (England et al., 1993; Johannes Sørensen et al., 1999). Pour plusieurs études, la bioaugmentation s’est donc avérée inefficace (Karamalidis et al., 2010; Launen et al., 2002; Saponaro et al., 2002; Sayara et al., 2011; Silva et al., 2009b). Par exemple, le potentiel hydrique du sol a eu une influence significative sur la survie et l’activité dégradante de Pseudomonas stutzeri P16 luxAB4 dans un sol pollué par du phénanthrène qu’il soit stérile ou non (Mashreghi, 2006). Les facteurs biotiques concernent la compétition entre les microorganismes indigènes et exogènes pour les sources de carbone, ainsi que les interactions antagonistes et la prédation par les protozoaires et les bactériophages. Ainsi, il a été démontré que la croissance et l’activité enzymatique de Dichomitus squalens, un champignon de la pourriture blanche, ont été influencées négativement par la présence des microorganismes indigènes lorsqu’il a été inoculé dans un nouvel environnement (Lang et al., 1998). La diversité des espèces natives doit agir comme une barrière résistante à l’invasion d’espèces non natives (Kennedy et al., 2002). Un autre paramètre important à prendre en compte est la biodisponibilité du polluant notamment pour les composés hydrophobes comme les HAP puisque la dégradation du polluant par les souches inoculées sera corrélée à sa biodisponibilité (Covino et al., 2010). Dans ce cas, il est intéressant d’utiliser des souches capables de produire des surfactants pour les rendre plus bioaccessibles (Sun et al., 2012). Afin d’améliorer la survie, la persistance et l’activité dégradante des microorganismes, ceux-ci peuvent être préalablement adaptés à l’environnement ciblé (Megharaj et al., 1997). De plus, une pexposition suivie par une ré-exposition à un polluant chimique augmentera le potentiel métabolique des microorganismes (Reddy and Sethunathan, 1983), un phénomène référé à la « mémoire des sols » (Megharaj et al., 2011).

Les souches utilisées peuvent être allochtones ou indigènes. Ces dernières présentent l’avantage d’être plus adaptées au milieu que les inocula allochtones et moins compétitives

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vis-à-vis des autres microorganismes indigènes (Hosokawa et al., 2009; Silva et al., 2009b; Ueno et al., 2007). Beaucoup d’études ont utilisé des bactéries à Gram négatif appartenant au genre Pseudomonas (Heinaru et al., 2005), Flavobacterium (Crawford and Mohn, 1985),

Sphingobium (Dams et al., 2007), Alcaligenes (Haluška et al., 1995) et Achromobacter (Ronen

et al., 2000). Cependant les bactéries à Gram positif s’avèrent également efficaces avec les genres Rhodococcus (Briglia et al., 1990), Mycobacterium (Jacques et al., 2008) et Bacillus

(Silva et al., 2009b). En ce qui concerne les champignons, il s’agit des espèces appartenant aux genres Absidia (Garon et al., 2004), Achremonium (Silva et al., 2009b), Aspergillus

(Santos et al., 2008), Verticillium (Silva et al., 2009b), Penicillium (Mancera-López et al.,

2008) et Mucor (Szewczyk and Długoński, 2009). Un des avantages des champignons est leur rapidité d’incorporation dans la matrice du sol (Sayara et al., 2011). De plus, ils ont la capacité de croitre dans des environnements avec une faible concentration en nutriments, une faible humidité et des conditions acides (Mollea et al., 2005). Des exemples d’espèces microbiennes utilisées en bioaugmentation sur des sols contaminés par des HAP sont présentés dans le tableau 12.

Tableau 12. Espèces microbiennes utilisées en bioaugmentation sur des sols pollués par des HAP.

Microorganisme Contaminant Référence

Bacté

ri

e

Paracoccus sp. HPD-2 16 HAP prioritaires selon

l’US-EPA Teng et al., 2010

Sphingobium sp. Phénanthrène Festa et al., 2016

Consortium : Rhodococcus sp.,

Acinetobacter sp. et Pseudomonas

sp.

Mélange de HAP : fluorène,

phénanthrène et pyrène Yu et al., 2005

Consortium : Bacillus souches B1F,

B5A et B3G, Chromobacterium sp.

4015 et Enterobacter aglomerans

sp. B1A

Mélange de HAP : anthracène, benzo(a)pyrène, dibenzo(a)anthracène naphthalène, phénanthrène, et pyrène Silva et al., 2009b Ch am p ig n o n Aspergillus sp. Fusarium oxysporum Trichocladium canadense Naphtalène

Phénanthrène Silva et al., 2009a

Absidia cylindrospora Fluorène Garon et al., 2004

Achremonium sp. Aspergillus sp. Trichocladium canadense Verticillium sp. Chrysène, Décacyclène Naphthol-2,3a-pyrène Pérylène

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Microorganisme (suite) Contaminant (suite) Référence (suite)

Ch am p ig n o n Phanerochaete chrysosporium Mélange de HAP : acénaphthène, fluorène, phénanthrène, fluoranthène, pyrène, chrysène, benzo(a)pyrène, dibenz(ah)anthracène, et benzo(ghi)pérylène

Zheng and Obbard, 2002

Consortium : Achremonium sp.,

Aspergillus sp. et Verticillium sp.

Mélange de HAP : anthracène, benzo(a)pyrène, dibenzo(a)anthracène naphthalène, phénanthrène, et pyrène Silva et al., 2009b Bacté ri e et cha m p ig n o n Consortium : Mycobacterium

fortuitum, Bacillus cereus,

Microbacterium sp., Gordonia polyisoprenivorans, Microbacteriaceae bacterium et Fusarium oxysporum Anthracène Phénanthrène Pyrène Jacques et al., 2008

Lors de l’inoculation, des souches pures peuvent être utilisées seules ou en consortia. Selon plusieurs études, l’utilisation de consortia bactériens s’est avérée plus efficace que les souches pures (Mrozik and Piotrowska-Seget, 2010). En effet, les composés intermédiaires de la voie catabolique d’une seule souche peuvent ensuite être dégradés par les autres souches possédant les voies cataboliques appropriées (Heinaru et al., 2005). Des consortia composés de bactéries et de champignons peuvent également être utilisés car les champignons vont pouvoir réaliser le clivage initial de la molécule et les bactéries dégrader les métabolites résultants (Sayara et al., 2011). L’étude de Jacques et ses collaborateurs (2008) a montré une dégradation plus efficace de l’anthracène lorsque le consortium bactérie et champignon a été utilisé plutôt que les souches seules. De plus, selon cette étude, les champignons permettraient d’augmenter la biodisponibilité du polluant envers les bactéries grâce à leurs hyphes. En effet, la formation d’un film d’eau autour des groupes d’hyphes agirait comme un vecteur de dispersion, permettant aux bactéries de se déplacer vers le contaminant.

Afin d’accélérer la dégradation des polluants, l’inoculation de cellules immobilisées peut être effectuée. Celles-ci sont immobilisées par fixation sur un support inerte, par inclusion dans un polymère ou par confinement grâce à une barrière physique (Bayat et al., 2015), ce qui

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permet de protéger les microorganismes inoculés des conditions environnementales sub-optimales (présence de substances toxiques, pH non optimal) et de réduire la compétition avec la microflore indigène (Lin et al., 1991; Pritchard, 1992). De plus, l’immobilisation augmente la stabilité biologique des cellules, dont les plasmides (Cassidy et al., 1996) qui contiennent en général les gènes de dégradation. Une autre méthode consiste à utiliser des microorganismes génétiquement modifiés. C’est le cas de Pseudomonas putida KT2442 qui a été utilisé pour la dégradation du naphtalène avec un transfert du plasmide catabolique aux microorganismes indigènes (Filonov et al., 2005). Mais il y a des inconvénients à l’utilisation de souches génétiquement modifiées comme une diminution de la valeur sélective (fitness) et une demande en besoins énergétiques supplémentaires imposée par la présence du matériel génétique étranger dans les cellules (Sayler and Ripp, 2000; Singh et al., 2011). De plus, les éléments génétiques mobiles (plasmides), peuvent être acquis par des organismes indésirables (Megharaj et al., 2011). Mais les avancées biotechnologiques telles que la mort cellulaire programmée après la dépollution peut aider à développer des « microorganismes génétiquement modifiés suicidaires » qui peuvent conduire à une bioremédiation plus sure et efficace (Pandey et al., 2005). Cependant, en France, les organismes génétiquement modifiés (OGM) ne sont pas utilisés pour des applications sur le terrain à cause des règles strictes pour la libération d’OGM dans l’environnement mais des essais sont réalisés aux Etats-Unis (Ezezika and Singer, 2010; Roudier, 2005). En effet, il y a un manque d’informations sur la dynamique des populations des microorganismes introduits, un mauvais contrôle physiologique de l’expression des gènes cataboliques dans les organismes ainsi que des risques de transfert horizontal de gènes (Boopathy, 2000; Cases and de Lorenzo, 2005; Velkov, 2001). Le seul OGM approuvé pour des tests de bioremédiation sur le terrain aux Etats-Unis est Pseudomonas fluorescens HK44 qui possède un plasmide catabolique du naphtalène (pUTK21) (Ripp et al., 2000).

Plusieurs études ont également combiné la biostimulation et la bioaugmentation afin d’améliorer la dégradation du polluant. L’utilisation conjointe de ces deux procédés s’est avérée plus efficace que lorsqu’ils étaient utilisés seuls (Ghaly et al., 2013; Sun et al., 2012). En revanche, d’après l’étude de Hamdi et ses collaborateurs (2007), bien que cette combinaison se soit montrée efficace sur un sol pollué aux HAP, l’efficacité semblait surtout provenir de la sélectivité et de la spécialisation des microorganismes inoculés plutôt que des

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nutriments ajoutés. Il en est de même avec l’étude de Mancera-López et ses collaborateurs (2008), où la dégradation du polluant a principalement été expliquée par la bioaugmentation puisqu’une corrélation positive a été observée entre l’activité respiratoire des microorganismes et la dissipation du contaminant.