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Forme conventionnelle des WR : Naissance et diffusion

4 Concept des Walkrounds management

4.2 Dans le secteur de la santé

4.2.1 Forme conventionnelle des WR : Naissance et diffusion

La première publication d’une expérience conduite dans un établissement hospitalier utilisant la terminologie« Management by wandering around » est attestée dans le courant des années 90 [9]. Elle met en exergue des rencontres entre des directeurs et des infirmier·es avec l’objectif d’améliorer la communication entre les cadres et le terrain. Il revient cependant à Frankel3 d’être le premier auteur à soutenir ce type de management lors d’un meeting de l’Institute for Healthcare Improvement (IHI) en mai 2000 [10]. Sa mise en œuvre se fera au Brigham and Women’s Hospital à Boston courant janvier de l’année 2001 [11-13].

Contrairement aux Walk-arounds de Peters qui s’apparentaient davantage à des balades officieuses souvent non annoncées, Frankel utilise le terme de « WalkRounds » et préconise quant à lui des tours/rencontres de sécurité programmés, annoncés et structurés selon un canevas préétabli. De son côté, Graham4 sur la base des travaux de Frankel a rapidement conduit deux pilotes en 2002 et en 2003, puis élargit sa démarche à 15 centres médicaux du réseau Kaiser Permanente [14].

Afin de comprendre l’essor des WR, il est nécessaire de rappeler le contexte de cette période.

En 1999, l’institut de médecine américain publie un premier rapport intitulé « To Err Is Human:

Building a Safer Health System» [15] mettant en avant l’ampleur des erreurs médicales survenant dans les institutions de santé et leurs conséquences en termes de décès évitables.

Les auteurs prônent la mise en place de systèmes de gestion des incidents et l’amélioration de la culture sécurité [16]. De ce fait, les visites WR sont proposées par Frankel comme un outil et même comme une nouvelle forme de management. Elles ont pour objectif de garder

« connectés » les top-managers avec les réalités du terrain et rendre visible, pour les collaborateurs, l’engagement des top-managers dans la promotion de la culture sécurité. Par les divers témoignages de Chief Executive Officers (CEO), Frankel confirme les apports et l’influence des WR dans le management, CEO1: “The WalkRounds reminds me to pay attention to the day-to-day issues that confront staff, and this awareness is in my head when making bigger decisions », CEO2 : “It’s been helpful in getting me out to hear from the staff. I hear about issues from the executives and ‘higher ups,’ but the rounds help to clarify my perceptions and to alleviate misperceptions, also to talk to staff about these concerns. It’s fascinating and helpful to hear the front-line perspective. Other actions we’ve taken that we wouldn’t have been as quick to act on include the development of a liaison position in the

3 Dr Allan Frankel, MD, Director of Patient Safety, Partners Health Care System, Boston, USA.

4 Suzanne Graham, RN, Ph.D, Director of Patient Safety, Kaiser Permanente, Oakland, USA

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emergency department. The writing of the job description was affected by the WalkRounds, and because of my insights I was able to discuss directly with staff how the position should be used and to articulate to the staff what their perceptions about the position should be. We’re also working to reconfigure the intake area and intake process in the emergency department.

Hearing from the staff during the WalkRounds about the difficulties there helped to push that along faster.” [11]

Dans le même temps, en 2001, un second rapport intitulé « Crossing the Quality Chiasm : A new health system for 21st century » [17] aborde cette fois-ci plus amplement les manières dont un système de santé peut être pensé et (ré)organisé afin d’innover et d’améliorer la qualité des soins. IL souligne le rôle des leaders dans l’écoute active des besoins et aspirations des collaborateurs de terrain : « Leaders must be responsible for creating and articulating the organization’s vision and goals, listening to the needs and aspirations of those working on the front lines…and creating a supportive environment and a culture of continuous improvement » La promotion du WR par des agences nationales actives dans le domaine de la qualité telles que le NHS-IQ (National Heath System - Improving Quality, UK) et l’IHI (Institute for Healthcare Improvement, US) explique pour une large part les raisons de l’expansion des WR dans le monde [9, 11, 14, 18-22]. Ces agences, dans un souci de clarification et rayonnement de cette technique managériale ont publié des guides méthodologiques [10, 23] décrivant entre autres les facteurs clés de succès, tels que les préparations programmées et les conduites structurées des visites, la détermination des points à prendre en charge par l’équipe locale et ceux à prendre en charge par les cadres, tout en insistant sur la nécessité d’un suivi et d’un feed-back (figure 1)

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Figure 1 : Les 3 phases d’un Walkround réussi. Recommandation du NHS

Cette forme conventionnelle de visites est réalisée de façon régulière (variant d’une fois par semaine à une fois par trimestre) réalisée par les cadres dirigeants, incluant le directeur

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général, le directeur médical et le directeur des soins, accompagnés souvent par un membre du staff qualité-sécurité. Elles sont planifiées et permettent la rencontre avec les collaborateurs l’espace d’une heure. La parole est ouverte aux questionnements « qualité-sécurité » et le cadre de bienveillance et de confidentialité est rappelé. Des questions types peuvent être utilisées pour engager la discussion, par exemple: « dans les 15 derniers jours, avez-vous rencontré des problèmes de sécurité lors de la prise en charge de vos patients ? », « quel est le dernier incident survenu mettant en danger le patient ? », «quelles actions spécifiques vous permettraient de travailler avec plus de sécurité pour le patient ? ». Suite à cette rencontre, un rapport est rédigé, incluant les problèmes et risques détectés. Ceux-ci sont priorisés de même que les propositions et les actions à mener.

En France, suite à la publication en 2015 d’une revue de la littérature conduite par une équipe lyonnaise recommandant l’étude de la faisabilité des WR dans le contexte des établissements français [24], la Haute Autorité de Santé (HAS) a conduit, de février 2017 à mars 2018, un projet pilote au niveau de 11 établissements de taille variable (114 à 1800 lits). Ce projet a impliqué 22 équipes des secteurs médico-soignants. Les rencontres nécessitaient :

 Une gouvernance forte avec la participation des hauts cadres de l’établissement (100%

de participation du directeur·trice général·e ou de son adjoint·e et du directeur·trice de la Commission Médicale d’Etablissement (CME) ou son adjoint·e. L’équipe de direction était composée de 4 personnes (min 2 – max 6).

 Un·e référent·e : personne responsable de la conduite du pilote dans l’établissement, généralement un cadre en qualité-sécurité.

 L’équipe de terrain : une médiane de 10 personnes (min 6 – max 19) avec une majorité d’infirmier·es (45% des participants), suivi des aides-soignant·es (21%), des cadres de santé (14%) et des médecins (12%). Plus rarement, certaines équipes ont intégré des agents de service hospitalier, des administratifs·ves, des secrétaires et des brancardier·es. 4 rencontres sur les 24 réalisées (17%) ont été conduites sans la présence des médecins et un établissement a inclus un·e représentant·e des patients.

Les rencontres ont duré entre 1 à 2 heures et 82% des rencontres ont inclus une visite du service. Cette visite a été généralement organisée avant la rencontre. Globalement les discussions ont débuté à partir d’évènements indésirables et des résultats des enquêtes de culture sécurité évoqués par les hauts cadres. Toutefois certains cadres ont préféré cibler et identifier des thématiques spécifiques aux secteurs visités et une minorité de cadres ont privilégié la spontanéité des échanges. Les discussions ont porté sur différents problèmes qui ont trait à la sécurité des soins incluant notamment la gestion et le circuit du médicament, ainsi que les difficultés organisationnelles et la gestion du matériel.

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L’élaboration d’un questionnaire a permis d’évaluer la perception, les acquisitions, les comportements durant les rencontres et les premiers effets de la démarche. Le rapport d’expérimentation a souligné un intérêt certain de la démarche tant pour les hauts cadres que pour les personnes de terrain participantes. L’avis des hauts cadres était cependant plus nuancé sur la faisabilité en lien avec la lourdeur de l’organisation du programme. Ainsi, si 18%

souhaitaient réaliser plusieurs rencontres par an, la majorité (54.5%) préférait en réaliser une par an et 18 % en mener une seulement tous les deux ans. L’évaluation a inclus aussi les professionnels des services visités qui n’ont pas participé aux échanges et a objectivé un impact inférieur de 20 % à celui des personnes ayant participé à la rencontre. Ainsi par exemple, la proportion de personnes « tout à fait d’accord » ou « d’accord » sur la capacité des visites à améliorer la sécurité du patient était de 69% vs 88% pour les participants aux échanges, la capacité des visites à améliorer la communication entre professionnels et la gouvernance de l’établissement 63% vs 87%, la capacité des visites à faciliter la déclaration d’un incident 47% vs 68%)

Suite à ce pilote, la HAS a publié une recommandation nationale en décembre 2018 prônant la généralisation de ce type de démarche [25], à l’instar de l’IHI et du NHS, tout en insistant particulièrement sur les prérequis indispensables, comme l’engagement de la gouvernance, l’information/formation des cadres et une communication renforcée sur la démarche et ses objectifs (figure 2).

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Figure 2 : Vue synthétique des rencontres sécurité de l’HAS

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Cette recommandation de l’HAS conseille d’éviter certains écueils selon les phases qui sont repris ci-dessous [25]:

«En phase de préparation :

L’utilisation des termes audit, contrôle, inspection…

La litanie des doléances : ce n’est pas un lieu de revendication de ressources supplémentaires

L’identification des thèmes de discussion ne peut pas être imposée par la gouvernance

La mise à l’écart de l’encadrement de proximité qui se sentirait court-circuité

La délégation par la gouvernance d’autres personnes pour réaliser la rencontre Pendant la rencontre :

Le monopole de la parole par la gouvernance

La rencontre qui tourne à l’inspection ou la leçon

La discussion à bâtons rompus qui tourne en rond et débordement sur le temps planifié

La définition de nombreux objectifs ou d’objectifs trop ambitieux Pendant le suivi :

L’absence de suite donnée par la rencontre de la part de la gouvernance

La mise en œuvre de plan d’action en télescopage avec les démarches existantes»

Afin de soutenir et faciliter le déploiement de ces visites, l’HAS propose différents outils supports avec des exemples annexés à leur guide méthodologique [25] (figure 3).

Figure 3 : Liste des outils supports pour les rencontres sécurité de l’HAS

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En Belgique, le Service Public Fédéral de Santé Publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement a piloté un déploiement de 70 WR appelés « Tours de Sécurité » (TS) dans 13 établissements entre 2015 et 2018 [26]. Le modèle proposé (figure 4) rejoint les recommandations IHI, NHS et HAS. Deux particularités de cette expérience belge sont à souligner : d’une part l’intégration des TS dans la stratégie institutionnelle et d’autre part l’inclusion d’une formation des cadres dirigeants de 6 jours s’étalant sur une année. À titre d’exemples, voici quelques sujets abordés durant ce programme de formation : la différence entre les TS, l’audit et les visites de risques (retour d’expérience d’hôpitaux Français), le leadership dans les TS, la gestion du changement, comment construire la confiance et reconnaître les talents, la place de l’empowerment du patient dans les TS…

Figure 4 : Les clés pour réussir la mise en œuvre et la pérennisation des TS en Belgique

4.2.2 Forme atypique des WR : Le Patient Safety Friday du New-York