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CHAPITRE 6. La formation des enseignants

6.6. La formation vue par les enseignants

Une enquête menée dans le cadre d’un mémoire de Master à l’université d’Athènes,128 démontre une nette différence entre la formation décrite dans les textes officiels et comme elle est vécue par les enseignants dans la pratique de leur profession. Lorsqu’il a été demandé aux enseignants participant à l’enquête d’indiquer s’ils étaient, satisfaits en général, de leurs études universitaires dans la discipline qu’ils avaient choisie, seul 23.3 % s’est dit satisfaits.

Plus précisément, seulement 26,7 % est satisfait de la préparation reçue pour le métier, tandis

128 Papasaika, Ch, La préparation psycho-pédagogique des enseignants de langue étrangère de l’enseignement secondaire, Mémoire du Diplôme supérieur de Spécialisation en Langue et Littérature française, Filière : Didactique du FLE, Université Nationale et Kapodistrienne d’Athènes, directrice de recherches : Mme Proscolli, A., Athènes, septembre 2006

que ce pourcentage des interviewés qui pense avoir appris à utiliser des méthodes de recherche scientifique et seul 16,7 % décale être satisfait du stage pratique de formation. En revanche 73,3 % affirment la compétence scientifique de leurs professeurs.

Ce profond mécontentement des diplômés est sans doute imputable, selon Ch. Papasaika, à l’organisation et aux contenus des programmes des facultés en question s’avérant plutôt attachés au passé au lieu de suivre l’évolution des exigences de la réalité enseignante et par conséquent des enseignants. La langue enseignée et l’université ne semblent pas influer sur le degré de satisfaction des professeurs. De même, du point de vue de l’âge, ceux qui ont fini leurs études entre 1975-85 se montrent aussi mécontents que ceux qui ont obtenu leur diplôme dans les années ’85 - ’95 (12 et 11 enseignants respectivement). Il est évident alors que l’incapacité de répondre aux attentes des étudiants - futurs enseignants est indépendante des « générations » de professeurs, indépendante même des changements effectués dans l’espace de 30 ans dans le cursus universitaire.

L’évaluation de la préparation didactique et pédagogique dont les enseignants ont bénéficié au cours de leurs études universitaires, débouche sur des constatations aussi négatives. La majorité a de nouveau déclaré être mécontente de la manière dont elle a été préparée au métier d’enseignant de langue étrangère. Dans l’enquête de Ch. Papasaika portant sur les enseignants de français et d’anglais, il convient de souligner que le pourcentage de ceux qui se sont déclarés insatisfaits est presque le même, qu’il s’agisse des diplômés en lettres anglaises ou en lettres françaises (72,2 % et 75 %, soit 13 sur 18 enseignants d’anglais et 9 sur 12 enseignants de français).

« Cela peut surprendre si l’on considère qu’au moins facultativement, les facultés des lettres comportent, dans leurs programmes d’études, des cours de pédagogie et de psychologie et du moins en théorie, les diplômés de ces facultés sont, plus que ceux des facultés de sciences par exemple, initiés aux sciences de l’éducation et, par conséquent, mieux préparés à l’enseignement ».129

Interroger les pourcentages des personnes insatisfaites n’a révélé aucun rapport avec l’âge, le grade, le sexe ou encore l’université. Il est surprenant que, malgré le grand nombre de cours offerts portant sur les méthodes de recherche, parmi les diplômés de l’université de

129Ibid., p. 48

Thessalonique, le taux de ceux qui estiment ne pas avoir appris grand-chose en matière de recherche est presque le même que parmi les diplômés d’Athènes. La situation est encore plus grave en ce qui concerne le stage dans le domaine de l’enseignement de la langue qu’ils ont choisie : 83,3 % estiment que cette sorte d’exercice pratique n’était pas satisfaisante. La majorité écrasante des professeurs interrogés, quelle que soit la langue enseignée, leur ancienneté dans le service, leur sexe ou l’université, affirment catégoriquement qu’il était insuffisant. En revanche, pour quelques enseignants (6,7 %) la formation initiale inclut une meilleure préparation en vue d’une réussite au concours de recrutement de personnel au secteur public du pays.

L’enquête de Ch. Papasaika démontre que les souhaits des enseignants se rapportant à la formation initiale ne se bornent pas à l’aspect théorique. Ils y associent aussi une période d’entraînement sur le terrain. D’ailleurs, malgré la complexité de la relation enseignant -apprenant qui perturbe souvent toute tentative d’affronter les problèmes de la réalité scolaire, 86,7 % des enseignants croient qu’une observation concrète et prolongée de toutes sortes de classes pourrait aider les étudiants se préparant au métier d’enseignant à mieux cerner les problèmes et à faire le choix de leur métier plus consciemment. Un autre résultat de cette enquête porte également sur la formation continue, à propos de la quelle « Il faut enfin noter qu’une formation initiale bien structurée serait efficace à long terme uniquement si elle est suivie d’une formation continue. Celle-ci pourrait prendre la forme d’un stage ‘‘ continu ’’

lors duquel une attention particulière serait accordée à la participation active des enseignants en service à des programmes et des expériences didactiques sous la direction du personnel universitaire spécialisé. Les intéressés devraient affronter les problèmes scolaires quotidiens de caractère psychopédagogique et didactique dans des centres spéciaux d’entraînement, s’exercer avec des méthodes et des techniques nouvelles et se faire corriger par des spécialistes en la matière ».130

Conclusion

Il résulte de ce qui précède que la formation des enseignants, même revue au fur des années, n’a pas été vraiment rénovée. Elle est censée représenter « le terrain privilégié où peut s’exercer dans les meilleures conditions la nécessaire rencontre entre la classe et la recherche, entre les professeurs de langue et les didacticiens, entre la théorie et la pratique, elle est le

130Ibid., p. 50

lieu où peuvent s’élaborer des éléments de solution en offrant aux enseignants les moyens de se rendre maîtres de leur propre action ».131 Dans le cas des départements de langue et de littérature françaises, il s’agit plutôt des modules de formation d’ordre didactique et pédagogique qui s’ajoutent aux études philologiques de l’établissement. Les étudiants - futurs enseignants auraient alors du mal à surpasser la simple acquisition de notions théoriques, surtout si la pratique est quasiment absente. En effet, les quelques heures de stage pratique ne correspondent pas aux besoins des étudiants qui pour la plupart d’entre eux sont déjà actifs dans le domaine professionnel. Cette carence a forcément des retombées au niveau de l’insécurité professionnelle, au moment où les enseignants novices entrent en classe.

De plus les connaissances linguistiques que les étudiants acquièrent au long de leur formation initiale, tant par les cours purement linguistiques que par ceux de littérature et de civilisation se prouvent souvent périmés par rapport aux tâches communicatives que les enseignants sont censés pouvoir réaliser et enseigner.

Le rôle bénéfique mais aussi déficitaire de la formation sera démontré à travers les propos des enseignants questionnés dans les pages qui suivent.

131Castellotti, V., De Carlo, M., (1995), La formation des enseignants de langue, coll Didactique des langues étrangères, Clé International, Paris ; 74