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1.1 Cosmologie

1.1.4 Formation des premiers objets de l’Univers

Les mod`eles actuels consid`erent que les grandes structures de mati`ere (galaxies, amas) observ´ees `a diff´erentes ´echelles se sont form´ees par croissance des fluctuations

Fig. 1.3:Comparaison de la distance de Lu- minosit´e (DL), distance propre (Dp), dur´ee de trajet de la lumi`ere (t0− t1) et distance an- gulaire (DA) en fonction du d´ecalage spectral z. La distance de Hubble (DH) associ´ee `a la loi de Hubble de l’´equation (1.1) est une ap- proximation lin´eaire de toutes les distances `a z ≪ 1.

de densit´e de l’Univers primordial. L’origine de ces derni`eres est encore hypoth´etique, les th´eoriciens supposent que l’Univers contenait des fluctuations quantiques `a un ˆage t ∼ 10−35

sec., et qu’il a par la suite subi une phase d’inflation, au cours de laquelle le param`etre d’´echelle a crˆu de mani`ere exponentielle avec le temps, dila- tant ces fluctuations jusqu’`a former des perturbations de densit´e plus importantes. Cette th´eorie imagin´ee par Guth (1981) permet, en outre, d’apporter une solution au probl`eme de la platitude de l’Univers.

Les fluctuations sont d´ecrites `a l’aide du contraste de densit´e δ, d´efini pour une coordonn´ee comobile (~r, t) par :

δ(~r, t) = ρ(~r, t) − ¯ρ(t) ¯

ρ(t) (1.36) o`u ¯ρ(t) ´evalue, `a cet instant t, la densit´e moyenne de l’Univers suppos´e homog`ene et isotrope. On a d’apr`es (1.11) : ¯ρ(t) = ρm (1 + z)3 avec ρm la densit´e de mati`ere `a

l’instant actuel (t = t0).

Les observations du Fond Diffus Cosmologique `a z ∼ 1000 par COBE et WMAP ont r´ev´el´e un corps noir parfaitement isotrope, les fluctuations relatives de temp´erature ´etant de l’ordre de 10−5 environ. Celles-ci sont directement reli´ees au contraste de

densit´e des baryons, qui sont les acteurs de la recombinaison. En extrapolant la croissance de ces fluctuations par une approximation lin´eaire `a t = t0, il s’av`ere

impossible que les galaxies, groupes, amas, superamas ... que nous observons aient pu se former `a l’aide des seuls baryons. L’explication la plus plausible est l’action de la mati`ere noire sous sa forme non-baryonique, qui participe `a la densit´e moyenne de l’Univers mais pas au Fond Diffus.

Les deux mod`eles th´eoriques de mati`ere sombre (CDM ou HDM, cf. section 1.1.3) pr´edisent un comportement diff´erent sur l’´evolution des structures. Les mod`eles de type CDM entraˆınent une croissance de type hi´erarchique ou bottom-up : les pe- tits objets se forment d’abord, puis fusionnent de mani`ere continue jusqu’`a donner naissance `a des objets de plus en plus massifs. Dans le cas de mati`ere noire chaude (mod`ele HDM), les structures se forment par fragmentation successive d’objets `a des

´echelles de plus en plus petite : c’est le mod`ele monolithique, ou top-down. Les observations de la structure `a grande ´echelle de notre Univers proche, ainsi que l’´evolution de la masse typique des objets aux grands d´ecalages spectraux tendent `a l’heure actuelle `a favoriser le mod`ele hi´erarchique. Les mod´elisations num´eriques de formation des structures dans un mod`ele de type Λ-CDM (prenant en compte l’effet d’adjonction de la constante cosmologique Λ), en particulier celles du consor- tium VIRGO (Fig. 1.4) arrivent `a retracer correctement la forme et l’´evolution des cat´egories d’objets observ´es en fonction de z. N´eanmoins, ils souffrent de la “crise des petites ´echelles” : ils pr´edisent en effet beaucoup plus de galaxies satellites au- tour d’une galaxie de la taille de la Voie Lact´ee que ce qui est actuellement observ´e.

Fig. 1.4:R´esultats de simulations num´eriques traduisant l’´evolution des grandes structures dans le cadre d’un Univers plat domin´e par une constante cosmologique (Ωm = 0.3, ΩΛ = 0.7). Dans chaque image, les zones les plus lumineuses correspondent aux r´egions de surdensit´es de l’Univers. D’apr`es Jenkins et al. (1998)

Formalisme de Press-Schechter

L’abondance des halos de mati`ere noire et son ´evolution en fonction du d´ecalage spectral peut ˆetre d´ecrite `a l’aide du formalisme de Press & Schechter (1974). On suppose que les fluctuations de densit´e originelles sont gaussiennes dans un Univers globalement homog`ene et que leur spectre de puissance dans l’espace de Fourier est ´equir´eparti sur toutes les ´echelles, sous la forme P (k) ∝ kn avec n ∼ 1 (spectre de Harrison-Zeldovich (Harrison, 1970; Zeldovich, 1972)).

Pour ´etudier le contraste de densit´e `a l’´echelle des premiers halos de mati`ere, on effectue un lissage du spectre par un filtre chapeau W (M) (“top-hat” en anglais, qui prend la valeur 1 `a l’int´erieur d’une la sph`ere de masse M, et 0 ailleurs). Le rayon comobile R(M) ´equivalent est d´efini par la densit´e ρm :

R(M) =  3M 4π ρm 1/3 (1.37) La variance des fluctuations de densit´e (´egalement gaussiennes) entre ces sph`eres de masse M s’´ecrit en fonction du spectre originel P (k) :

σ2(M) = 1 2π2 Z ∞ 0 k2 P (k) Wk2(M) dk (1.38) en notant parWk(M)  la transform´ee de fourier de W (M).

Usuellement, on utilise comme normalisation pour cette variance la valeur σ8,

obtenue dans le cas de sph`eres de rayon R(M) = 8 Mpc. Les observations du Fond Diffus Cosmologique et les lentilles gravitationnelles donnent comme contrainte : σ8 ≃ 0.9 (Bahcall & Bode, 2003) pour ce param`etre cosmologique suppl´ementaire.

Cette valeur sera utilis´ee par la suite dans nos applications num´eriques.

Lorsque le contraste de densit´e atteint une certaine valeur critique (δc) l’effondre-

ment gravitationnel, qui jusqu’alors ´etait en comp´etition avec l’expansion de l’Uni- vers, va l’emporter et entraˆıner la formation d’un halo virialis´e. Une valeur exacte de ce contraste critique peut ˆetre obtenue dans le cas th´eorique simplifi´e d’un effon- drement sph´erique (Peebles, 1980) :

δc0 =

3 20(6π)

2/3

≃ 1.686 (1.39) La probabilit´e que l’effondrement gravitationnel d’une sph`ere de masse M donne naissance `a un halo suit la mˆeme loi de distribution (gaussienne) des fluctuations :

P (> δc) = 1 √ 2π σ Z ∞ δc e−δ2 /2σ2 dδ (1.40) Pour ´etudier la mˆeme probabilit´e `a z quelconque, on utilise la valeur δc(z) obtenue

en extrapolant lin´eairement le contraste qui serait observ´e `a t = t0 si celui-ci avait

exactement la valeur th´eorique δc0 de l’effondrement sph´erique au d´ecalage spectral

z : δc(z) = δc0/G(z).

Le facteur de croissance G(z) d´epend de mani`ere complexe des param`etres cos- mologiques, la relation g´en´erale permettant de le calculer est d´ecrite dans Peebles (1980). Cependant, en se pla¸cant `a des valeurs z ≫ 1 l’approximation cosmologique d’un Univers d’Einstein-de Sitter nous donne G(z) ∝ a(z) soit δc(z) ≃ 1.686 (1 + z).

L’abondance de halos de mati`ere noire ayant une masse comprise dans l’intervalle [M ; M + dM] est alors ´egale au produit de la densit´e num´erique d’objets (ρm/M),

dans le cas fictif o`u toute la mati`ere se trouverait dans des sph`eres de masse M, par la probabilit´e qu’un halo soit form´e en ayant cette masse :

dn dM = ρm M dP dσ dσ dM (1.41) dn dM = r 2 π ρm M2 d ln(σ) d lnM δc σ e −δ2 c/2σ 2 (1.42) En d´efinissant comme ω(z) ≡ δc(z)/σ(M) le nombre de d´eviations standard

Fig. 1.5:Fonction de masse de Press-Schechter, donnant la densit´e num´erique de halos par d´ecade de masse M , pour un d´ecalage spectral z = 0 (trait plein), z = 5 (pointill´es), z = 10 (tirets), z = 20 (tirets-pointill´es) et z = 30 (tirets-triple pointill´es). On remarque l’´evolution de cette distribution vers les grandes masses au cours du temps cosmique, traduisant les ph´enom`enes de fusion des halos dans le mod`ele de formation hi´erarchique des structures.

dn dM  z=r 2 π ρm M d ω dM ω e−ω2/2 (1.43) Cette fonction de masse prend ainsi une forme auto-similaire, d´ependant unique- ment de la variable ω(z) adimensionn´ee. Son allure g´en´erale est repr´esent´ee dans la Figure 1.5 pour diff´erentes valeurs de z.

Un facteur 2 a ´et´e introduit a posteriori par Press & Schechter (1974) dans les formules 1.42 et 1.43. Bond et al. (1991) ont montr´e par la suite qu’il peut correspondre, sous certaines hypoth`eses, au probl`eme du “nuage dans le nuage” : si une masse M a un contraste δ < δc(z) mais est incluse dans une r´egion de masse

sup´erieure M′

avec δ′

> δc(z) elle appartiendra elle aussi `a un halo virialis´e et doit

ˆetre prise en compte dans la fonction de masse2.

Le formalisme de Press-Schechter est une tr`es bonne approximation aux r´esultats des simulations num´eriques, mˆeme si d’autres am´eliorations (Press-Schechter ´etendu) ont ´et´e apport´ees par la suite par Bond et al. (1991), Lacey & Cole (1993) et Sheth et al. (2001), parmi d’autres.

2Dans certains cas simplifi´es, cette prise en compte se traduit exactement par un facteur 2 dans les ´equations.

Premi`eres sources

Le rayonnement de corps noir, ´emis au cours de la phase de recombinaison, va par la suite se diluer dans l’espace en subissant l’expansion des ´echelles. En l’absence d’autres sources lumineuses, l’Univers, alors essentiellement compos´e d’hydrog`ene neutre, entre dans la p´eriode des ˆAges sombres 3. Les observations d’objets `a grand

d´ecalage spectral indiquent par ailleurs que le milieu intergalactique se trouve dans un ´etat d’ionisation compl`ete `a z ∼ 6. L’origine de ce changement physique, op´er´e en moins de 900 millions d’ann´ees, vient du flux ´energ´etique rayonn´e par les ´etoiles et noyaux actifs de galaxies (AGN) qui accompagnent la formation des premiers ha- los. Cette phase importante dans l’histoire de l’Univers est appel´ee l’´epoque de r´eionisation ou de renaissance cosmique.

Les observations du fond diffus par WMAP ont apport´e une contrainte suppl´emen- taire sur les limites de cette p´eriode. En effet, les nombreux ´electrons libres produits par la r´eionisation vont interagir avec les photons du Fond Diffus Cosmologique, par effet de diffusion Thomson. Celui-ci aura pour cons´equence d’influencer les ani- sotropies de temp´erature et la polarisation du rayonnement mesur´ees (Haiman & Knox, 1999). Les r´ecentes estimations de la profondeur optique de diffusion (τe) in-

diquent z<

∼30 (Figure 1.6, `a gauche) pour le d´ebut de la phase r´eionisation (Kogut

et al., 2003; Spergel et al., 2003). Par ailleurs, l’observation du spectre des quasars les plus lointains (cf section 1.2.1) sugg`ere que la r´eionisation se trouve en phase terminale (Figure 1.6, `a droite) `a z ≃ 6 (Djorgovski et al., 2001a). A l’int´erieur de ce domaine de d´ecalage spectral, le rayonnement des premi`eres g´en´erations d’´etoiles form´ees dans les “mini-galaxies” les plus denses et l’accr´etion des trous noirs dans les “mini-quasars” ont cr´e´e des r´egions ionis´ees autour des halos de mati`ere noire, jusqu’`a leur recouvrement complet (Figure 1.7).

Les m´ecanismes mis en jeu pour la formation des ´etoiles sont tr`es complexes. Pour que la gravit´e prenne le pas sur la pression `a l’int´erieur d’un halo, celui-ci doit poss´eder une masse virielle sup´erieure `a la masse de Jeans MJ, qui d´epend

du d´ecalage spectral comme MJ ≃ 104M⊙

1 + z 11

3/2

. De plus, la temp´erature dans ces objets est telle qu’un m´ecanisme de refroidissement est n´ecessaire pour poursuivre l’effondrement et la fragmentation du gaz jusqu’`a des ´echelles stellaires. Les simulations num´eriques et les mod`eles th´eoriques les plus r´ecents (Abel et al., 2000; Bromm et al., 1999) permettent d’envisager le sc´enario suivant :

1. A z ∼ 25, des halos de masse virielle Mvir>∼105 M⊙

1 + z 11

−3/2

, correspon- dant `a une temp´erature virielle Tvir>∼100 K, se refroidissent grˆace `a l’excitation

des transitions rotationnelles-vibrationnelles des mol´ecules de H2. Ce sc´enario

3Le terme d’ ˆ

Ages sombres provient de l’expression anglaise Dark Ages, qui qualifie les neuf si`ecles d’histoire europ´eenne s’´etendant entre la chute de l’Empire Romain et la Renaissance, et qui correspond `a une p´eriode d’obscurantisme sur le plan culturel et scientifique. Sa connotation cosmologique fut introduite en tout premier par Sir Martin Rees.

Fig. 1.6:A gauche : contraintes sur la profondeur optique de diffusion (τe), combin´ee entre les mesures de WMAP et d’autres observations (d’apr`es Spergel et al. (2003)), d´erivant une valeur τe∼ 0.17 ± 0.06. A droite : exemple de spectre d’un quasar lointain `a z ∼ 6, indiquant un Univers en fin de r´eionisation (d’apr`es Djorgovski et al. (2001a)).

Fig. 1.7: Repr´esentation sch´ematique des grandes phases d’´evolution de l’Univers, en fonction de son ˆage (de droite `a gauche). La p´eriode des Ages Sombres s’instaure apr`es la fin de la recombinaison et jusqu’`a l’illumination des premi`eres sources dans les halos. Celles-ci vont commencer `a r´eioniser des r´egions du milieu intergalactique autour d’elles, jusqu’`a un recouvrement complet. Inspir´e de Barkana & Loeb (2001).

suppose une certaine abondance de mol´ecules dans le halo.

2. Les premi`eres sources de rayonnement ultraviolet vont avoir un impact n´egatif sur ce m´ecanisme, `a cause de la dissociation des mol´ecules de H2, et la forma-

tion stellaire va se stabiliser (Haiman et al., 2000).

3. Vers z ∼ 15, lorsque la masse des halos d´epasse Mvir>∼108 M⊙

1 + z 11

−3/2

, soit une temp´erature virielle Tvir>∼104 K, le m´ecanisme de refroidissement met-

tant en œuvre la raie de transition Lyman-α de l’atome d’hydrog`ene devient beaucoup plus efficace pour la formation d’´etoiles (Haiman, 2003). De plus, il est beaucoup moins sensible aux sources de photoionisation que l’hydrog`ene mol´eculaire.

Les AGNs ont un spectre plus ´energ´etique et sont donc plus efficaces pour r´eioniser le milieu intergalactique que les ´etoiles. Cependant, les contraintes sur la fonction de luminosit´e de ces objets `a z ∼ 6 (Fan et al., 2001) indiquent que leur abondance n’est pas suffisante pour y contribuer de mani`ere significative, sauf dans le cas d’une ´evolution importante `a plus grand z.

Selon les contributions respectives de chaque type de source, ainsi que la fonc- tion de masse initiale (IMF) des ´etoiles form´ees (cf section 1.2.1), il est possible de r´eioniser compl`etement l’Univers `a des d´ecalages spectraux 9<

∼z<∼15 s’il est relati-

vement homog`ene, plus tard (z ∼ 6) dans le cas contraire (Miralda-Escud´e, 2003).