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Chapitre I. Revue bibliographique sur l’usinage et sa modélisation numérique

I.2 Introduction, caractérisation et résultats liés à la modélisation numérique de la coupe

I.2.3 Formalismes numériques

De plus de la méthode d’intégration temporelle utilisée, nous distinguons quatre grandes familles de formalismes numériques (voir Figure I-16) :

− Eulérien − Lagrangien

− ALE (Arbitrary Lagrangien Eulerian). − Remaillage

Les caractéristiques, les avantages et les limites de chacun de ces formalismes sont brièvement présentés dans les paragraphes suivants.

Point matériel Nœud de maillage Temps Temps Temps à t0+∆t à t0 Grille de calcul x y x y x y x y x y x y Matière à t0+∆t à t0 à t0 à t0+∆t (a) (b) (c)

Figure I-16 Schématisations simplifiées du mouvement de maillage pour différentes formulations : (a) Eulérienne, (b) Lagrangienne et (c) ALE ( (Asad, 2011) et (Philippe, 2009))

I.2.3.1 Méthode Eulérienne

Pour ce type de formulation, le maillage reste fixe dans l’espace pendant la simulation alors que le flux de matière le traverse (Gadala, et al., 2002), reproduisant parfaitement le principe d’une approche classique de mécanique des fluides. Cette formulation a été généralement utilisée dans la littérature pour l’étude d’un écoulement stationnaire, dans le cas général, et d’un copeau continu stable dans le cas d’usinage (Kim, et al., 1999) (voir Figure I-17). Avec la formulation eulérienne, le maillage reste fixe ce qui permet d’éviter la distorsion des éléments finis. De plus, la formulation eulérienne permet d’avoir des temps de calcul intéressants dans le cas d’un problème stationnaire. Toutefois, cette formulation qui est à la base des premières simulations numériques, ne peut pas être utilisée pour des problèmes non stationnaires comme ceux rencontrés dans le cas de la formation d’un copeau discontinu. Il est alors souvent impossible de modéliser la morphologie réelle de certains copeaux, tels que ceux en alliages de titane caractérisés par la fréquente segmentation du copeau même à des faibles conditions de coupe.

(a) (b)

Figure I-17 Modélisation de la coupe orthogonale correspondante à une formulation eulérienne (Kim,

et al., 1999) : (a) modèle géométrique et maillage, (b) évolution de la vitesse de déformation du

I.2.3.2 Méthode Lagrangienne

La formulation lagrangienne a été largement utilisée dans la littérature ( (Baker, 2003), (Mabrouki, et al., 2008), (Yaich, et al., 2016)) pour l’étude de la coupe. Elle suppose que lesnœuds du maillage ne sont pas fixes dans l’espace, mais qu’ils suivent le mouvement du point matériel auquel ils sont attachés. Dans ce cas, la déformation de la matière conduit à une déformation du maillage (voir Figure I-16b). En effet, cette méthode n’est pas limitée au domaine de petites déformations, mais aussi aux grandes déformations. Le mouvement du maillage, qui suit en tout point et à chaque instant celui de la matière (voir Figure I-18), permet la simulation du processus de coupe dès la pénétration de l’outil dans la matière jusqu’à l’obtention d’une morphologie quelconque et non préalablement définie du copeau (Laheurte, 2004).

Figure I-18 Modélisation lagrangienne des différentes étapes contrôlant la formation d’un copeau segmenté (Mabrouki, et al., 2008)

Cependant, il est à noter que dans le cas de grandes déformations, un problème de dégénération rapide des éléments de maillage est rencontré. La forte distorsion de maillage entraine non seulement des arrêts brusques de calcul, mais aussi une mauvaise prédiction des résultats. Pour éviter ce problème fréquemment rencontré lors de la modélisation de la coupe, il est inévitable d’utiliser un critère de séparation de la matière. Le critère de séparation a pour but de permettre la génération du copeau à partir d’un ‘détachement’ (séparation) de la matière. Deux méthodes sont souvent utilisées :

− La séparation de la matière avec un déboutonnage des nœuds situés tout le long d’une ligne préalablement définie : Dans ce cas, le déboutonnage a lieu lorsqu’un critère géométrique (Lo, 2000) ou physique (Strenkowski & Carroll, 1985) est atteint (Figure I-19a).

− La séparation de la matière avec une suppression des éléments situés au niveau d’une bande fine en contact avec la pointe outil (Figure I-19b) : Cette méthode a été fréquemment utilisée dans la littérature ( (Mabrouki, et al., 2008), (Chen, et al., 2011), (Ijaz, et al., 2016), (Saleem, et al., 2016)).

Ligne de séparation Bande de séparation

(b) (a) Copeau Pièce Outil Copeau Pièce Outil Copeau Pièce Outil Copeau Pièce Outil

Figure I-19 Différentes méthodes de séparation de la matière : (a) par un déboutonnage des nœuds ou (b) par une suppression des éléments (Barge, 2005)

L’utilisation d’un critère de séparation de maillage dans une formulation lagrangienne a pour but de bien maîtriser la distorsion des éléments lors de la modélisation numérique de la formation du copeau. Les résultats obtenus avec cette technique sont très intéressants. Cependant, son problème majeur est la séparation prédéterminée (ou ‘favorisée’) de la matière au niveau de la pointe de l’outil. Les résultats

des simulations sont donc très sensibles au critère de séparation souvent imposé de façon arbitraire. De plus, comme il a été vu dans le chapitre I.1.2.4, une séparation de la matière (fissures) peut aussi avoir lieu au niveau de la bande primaire de cisaillement, ce qui est impossible à prévoir à priori. Il faut donc être très vigilant sur les prédictions obtenues avec ce type de modélisations même si elles permettent de simuler ‘facilement’ la formation d’un copeau de morphologie quelconque.

I.2.3.3 Méthode ALE

Cette troisième approche basée sur le principe d’adaptation de maillage peut être présentée comme étant une voie hybride dont le maillage est ni fixe dans l’espace (cas de l’approche eulérienne) ni lié à la matière (cas de l’approche lagrangienne). La méthode ALE permet de profiter des avantages des deux approches, eulérienne et lagrangienne, dont la prédiction d’une géométrie quelconque du copeau est théoriquement possible.

Avec une approche ALE, le maillage se déplace ‘globalement’ comme la matière, mais les nœuds peuvent ‘glisser’ (être relocalisés) (Figure I-16-c) afin de minimiser la distorsion des éléments tout en conservant la connectivité entre eux. Ce repositionnement des nœuds a pour but de concentrer le maillage dans les zones fortement déformées. En effet, la dissociation entre maillage et matière permet de surmonter significativement les problèmes de distorsion menant à des arrêts rapides des modélisations. Par conséquent, la formulation ALE a l’avantage de reproduire une longueur suffisante de surface usinée sans avoir recours à des critères de séparation des nœuds et/ou à la perte de la connectivité entre les éléments (cas du remaillage) (Arrazola, et al., 2013).

Toutefois, l’inconvénient principal de la méthode ALE est qu’en affinant le maillage dans les zones fortement déformées, les éléments sont plus gros dans les zones moins déformées (à cause du nombre fixe des éléments) ce qui conduit à des défauts, notamment géométriques, importants (voir Figure I-20). De plus, même si elle permet d’éviter les problèmes de distorsion de maillage, sans efficacité reste limitée dans le cas de grandes déformations, fréquemment rencontrées en usinage.

Maillage raffiné Maillage grossier

Figure I-20 Modélisation ALE de la formation du copeau (Germain, et al., 2011)

I.2.3.4 Méthode de remaillage

Il est aussi possible de procéder à une adaptation de maillage par un ‘remaillage’ (création d’un nouveau maillage). Son introduction dans les modélisations de coupe ( (Umbrello, 2008), (Fourment & Delalondre, 2008), (Mohammadpour, et al., 2010), (Calamaz, et al., 2011)) est très récente (par rapport aux méthodes eulérienne et lagrangienne). Cette méthode garantit une adaptation parfaite de la taille des éléments à l’intensité des déformations subites par la matière, nécessaire pour éviter les distorsions de maillage. En effet, il est possible d’obtenir un raffinement de maillage dans les zones de fortes déformations et un déraffinement dans les zones de faibles sollicitations (voir Figure I-21), permettant de mieux prendre compte des changements géométriques subits par le domaine modélisé.

Bien que le remaillage présente une capacité intéressante du point de vue adaptation du maillage à la nouvelle géométrie fortement déformée, il présente certains problèmes. Le problème majeur est celui du transfert des données (champs de température, de déformation et de contrainte) des anciens éléments

de maillage aux nouveaux. Ce transfert est inévitablement réalisé à travers de nombreuses interpolations afin de mettre à jour la valeur des variables correspondantes aux nouveaux nœuds. Avec ce transfert, il est possible de perdre la précision des valeurs calculées (interpolées) et d’entrainer un lissage indésirable des champs mécaniques et thermiques, ce qui crée une ‘diffusion numérique’ alors qu’on souhaite prédire la localisation des contraintes dans les bandes de cisaillement.

∆t

Maillage initial Maillage final

U

Figure I-21 Adaptation de maillage par un remaillage