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Au même titre que les caloducs conventionnels et les boucles fluides à pompage capillaire, un phénomène physique essentiel est au coeur du fonctionnement du caloduc oscillant, la ca- pillarité. L’origine physique de ce phénomène provient du fait que dans un liquide, chaque molécule subit des forces d’attraction de la part des molécules voisines. La force résultante est alors nulle car les différentes composantes s’exercent dans toutes les directions et ont des am- plitudes égales. Dans le cas d’une molécule se trouvant proche ou à la surface du liquide, les effets des différentes forces ne s’équilibrent plus et une force résultante non nulle s’exerce sur cette molécule. Le liquide tend donc sous l’effet de ce phénomène à prendre une forme permet- tant de minimiser sa surface. L’augmentation de cette surface ne peut se faire que sous l’action d’un travail. L’énergie associée à ce travail est appelée «énergie libre de surface». La tension superficielle, notée σ, désigne cette énergie libre de surface rapportée à une unité de surface. Elle peut également être considérée comme une force par unité de longueur et s’exprimer donc en Nm−1[12].

Lorsqu’un liquide se trouve en contact avec un solide, les molécules de surface adjacentes à ce solide subissent des forces d’interaction à la fois des molécules voisines liquides et solides. En fonction de la nature de ces interactions la courbure de la surface du liquide peut être définie convexe ou concave. On dit que le liquide mouille le solide lorsque l’angle de contact θ formé entre la surface liquide et le solide conformément aux notations de la figure 2.1 est compris entre 0 et π

000000000000000000

111111111111111111 Substrat Goutte de fluide

θ

FIG. 2.1 – Angle de contact : cas d’un fluide mouillant

Un des effets de cette tension de surface est que la pression exercée sur le coté concave de la surface est inférieure à la pression du côté convexe. Cette différence de pression ∆Pc est reliée à l’énergie de surface, à travers σ, et au rayon de courbure de cette surface [12]. En général, l’équation fondamentale de la pression capillaire, appelée aussi équation de Young-Laplace, s’exprime de la manière suivante [14] :

∆Pc = σ  1 R1 + 1 R2  (2.1) R1et R2sont les rayons de courbure de la surface dans deux directions orthogonales. C’est cette pression capillaire qui est responsable de la mise en mouvement du fluide ca- loporteur au sein d’un caloduc classique muni d’une structure capillaire [12]. En effet, le fonc- tionnement de ce dernier nécessite la vérification de la condition mécanique suivante :

∆Pc≥ ∆Pliq+ ∆Pvap± ∆Pg (2.2)

Cette relation signifie que le saut de pression ∆Pc développé au niveau de la structure ca- pillaire, doit vaincre les pertes de charge présentes au sein du caloduc.

A l’effet de la pression capillaire s’opposent les pertes de charge qui sont dues, d’une part, à l’inclinaison du caloduc et, d’autre part, aux forces de frottement. Trois principaux termes composent ces pertes de charge [12] :

– ∆Pliqcorrespond à la perte de charge dans la phase liquide due aux forces de frottement. Ce terme s’exprime en fonction du flux de chaleur mis en jeu ainsi que de paramètres permettant de prendre en compte la nature de la structure capillaire utilisée, le régime d’écoulement du liquide et les propriétés thermophysiques du fluide ;

– ∆Pvapest la chute de pression dans la phase vapeur. Le calcul de cette différence de pres- sion vapeur est assez complexe car elle représente la somme de trois pertes de charge, à l’évaporateur, au condenseur et dans la zone adiabatique. Le problème du calcul de ∆Pvapse pose au niveau de l’évaporateur et du condenseur en raison de la présence d’un écoulement radial résultant de l’évaporation et de la condensation. Il existe toutefois dans la littérature des expressions simplifiées permettant de calculer approximativement ce terme ;

– ∆Pgreprésente la différence de pression hydrostatique liée à la position relative de l’éva- porateur par rapport au condenseur.

Le non respect de la condition exprimée par l’équation (2.2) entraîne alors l’assèchement de la structure capillaire dans la zone évaporateur et conduit ainsi à l’arrêt du fonctionnement du caloduc [12]. En d’autres termes, la relation précédente exprime la limite capillaire qui est une des principales limites du fonctionnement des caloducs à pompage capillaire. Elle permet également de définir un critère de dimensionnement du caloduc conventionnel à travers l’ex- pression des différents termes.

De la même manière que dans le cas précédent, la mise en mouvement du fluide caloporteur dans un caloduc oscillant peut être exprimée par l’équation :

∆Pmotrice≥ ∆Ppertes−de−charges (2.3)

Le calcul de chacun des deux termes de l’équation précédente est difficile, entre autres compte tenu du caractère aléatoire de la répartition du fluide de travail lors du remplissage du caloduc oscillant, ainsi que des variations spatiales et temporelles de pression résultant de l’application d’un flux thermique. En effet, l’identification précise de l’origine du mouvement du fluide au sein du caloduc oscillant est indispensable afin d’exprimer le terme «moteur». En outre, la connaissance détaillée du régime d’écoulement du mélange liquide-vapeur et de ses caractéristiques est incontournable pour le calcul des pertes de charge.

Comme cela a été évoqué précédemment, et contrairement à un thermosiphon et à un ca- loduc équipé d’une structure capillaire dans lesquels le retour du liquide vers l’évaporateur est respectivement assuré par la gravité et par les forces capillaires, l’alimentation de l’éva- porateur en liquide dans un caloduc oscillant en fonctionnement doit son origine à un autre phénomène. En effet, à l’équilibre et sans apport de flux de chaleur les deux phases liquide et vapeur sont simultanément présentes à l’évaporateur et au condenseur. Un écart de tem- pérature entre ces deux zones engendré par l’application d’une puissance thermique induit des fluctuations de pression dans la phase vapeur ∆P . Ces différences de pression provoquent et entretiennent l’écoulement du fluide caloporteur. C’est pourquoi, dans son brevet de 1990, Akachi recommande l’utilisation de fluides caloporteurs dont la courbe de saturation présente une importante pentedPsat

dT associée à une faible viscosité dynamique [10].

De la même façon que dans le cas d’un caloduc conventionnel, deux sources principales engendrent des chutes de pression au sein du caloduc oscillant : le frottement et la gravité. La détermination de la nature de l’écoulement diphasique qui s’y produit est indispensable à la caractérisation de ces chutes de pression.

La propriété la plus importante d’un écoulement diphasique est sa configuration. Cette dernière correspond aux caractéristiques géométriques des interfaces séparant les deux phases liquide et gazeuse. On peut distinguer trois configurations élémentaires [22] :

– Configuration dispersée : lorsqu’une phase est largement distribuée sous forme de gout- telettes ou de bulles dans la phase continue le régime est qualifié de dispersé ;

– Configuration séparée : dans ce cas, les deux phases n’ont qu’une seule interface com- mune. Dans une conduite, deux cas de figure sont possibles, soit les deux phases sont en contact avec la paroi ce qui correspond au régime stratifié, soit l’une seulement c’est le régime annulaire ;

– Configuration intermittente : dans ce cas, les phases se succèdent alternativement. Quelques études expérimentales ont utilisé des techniques de visualisation afin d’identifier les différents régimes d’écoulement pouvant avoir lieu dans les caloducs oscillants [16, 23]. Il n’existe pas, pour le moment, une carte répertoriant tous les écoulements diphasiques présents dans ce type de systèmes ni les critères de transition entre ces différents régimes. Néanmoins, deux types d’écoulements diphasiques, présentés sur les figures 2.2 et 2.3, ont été visualisés, un régime intermittent appelé «slug flow» (fig.2.2) et un régime annulaire (fig.2.3).

FIG. 2.2 – Régime d’écoulement intermittent [23]

La structure d’un régime intermittent de type «slug flow» est composée de poches de va- peur, appelées aussi bulles de Taylor, dont la section est très proche de la section de la conduite. Ces bulles sont séparées par des bouchons de liquide et enveloppées par un film liquide tapis- sant l’intérieur de la conduite [24]. Un écoulement de type «slug flow» reste toujours instation- naire, même si les conditions d’entrée sont stationnaires. Les deux phases liquide et vapeur s’écoulent de manière aléatoire en induisant des fluctuations de pression et de vitesse. La com- plexité de ce type d’écoulement relève de sa structure particulière qui n’est périodique ni dans l’espace ni dans le temps. La modélisation théorique de cet écoulement ne doit donc pas igno- rer sa nature chaotique [25].

Le régime annulaire est caractérisé par l’écoulement de la vapeur au centre de la conduite tandis que le liquide se trouve sous la forme d’un film recouvrant toute la paroi de la conduite. L’interface entre les deux phases liquide et vapeur peut être plus ou moins ondulée [24].

Depuis 1950 les efforts combinés des équipes de chercheurs et d’industriels ont permis de développer une base de données expérimentales et un ensemble d’outils analytiques et de cor- rélations. Ces derniers sont destinés à caractériser les écoulements diphasiques et les échanges thermiques se produisant dans des conduites dont le diamètre hydraulique est assez grand. Ces outils comprennent des cartes de régimes d’écoulement, des corrélations de pertes de charge et de transfert de chaleur ainsi que des limites en flux critique [26]. Dans les situations où le diamètre hydraulique est faible (l’effet de la tension de surface devient important), les outils développés ne sont plus valables en raison de différences importantes entre les phénomènes de transport et également les processus de changement de phase [26]. La définition d’un critère de transition (seuil) entre ces deux cas de figure s’avère incontournable afin de délimiter l’éten- due d’applicabilité des outils de caractérisation des écoulements diphasiques et des processus de changement d’état. Malheureusement, il n’existe pas de seuil de transition bien défini entre les deux domaines précédents et aucune investigation expérimentale n’a été entreprise à cet effet [27]. Dans la littérature, il existe plusieurs classifications : celles de Mehendal et al. [26] et de Kandlikar [28] ont été établies dans le cadre des études concernant les échangeurs de cha- leur compacts permettant de déterminer le domaine de validité de ces outils en fonction du diamètre hydraulique (Tableau 2.1).

Classification

Dh >6 mm : conduites conventionnels Mehendal et al. [26] Dh= 1 mm - 6 mm : échangeurs compacts

Dh= 100 µm - 1 mm : méso-échangeurs Dh= 1 µm - 100 µm : micro-échangeurs Dh >3 mm : conduites classiques Kandlikar [28] 3 mm ≥ Dh >200 µm : minicanaux

200 µm ≥ Dh >10 µm : microcanaux

TAB. 2.1 – Classifications des conduites selon leur diamètre hydraulique

Les valeurs retenues pour définir les seuils de transition dans les deux classifications précé- dentes ne reflètent en aucun cas l’influence des dimensions de la conduite sur les mécanismes physiques des différents phénomènes diphasiques. Il existe un autre critère de transition non

constantproposé par Kew et Cornwell qui est basé sur l’analyse de la croissance d’une bulle en milieu confiné [27].

Dseuil= s

4σ g (ρliq− ρvap)

(2.4) En dépit des trois propositions précédentes concernant le choix d’un seuil de transition, le problème demeure entier en raison de l’absence d’un critère unique. En effet, une comparai- son réalisée par Ribatski et al. [29] entre des valeurs de diamètres hydrauliques expérimentaux utilisés dans diverses études consacrées à l’évaluation des chutes de pression et les deux dia- mètres seuils proposés d’une part, par Kew et Cornwell (Dth) et d’autre part, par Kandlikar (Dseuil = 3 mm) illustre le dilemme engendré par le manque de précision et la discorde entre les différents choix. Le résultat de cette comparaison est présenté sur la figure 2.4. Sur ce gra- phique, on constate que selon le critère de Kandlikar la plupart des diamètres hydrauliques considérés ne relève pas du domaine des conduites classiques car ces valeurs sont inférieures à 3 mm (mini-channels). Dans ce même ensemble de points, environ 50 % de ces diamètres hydrauliques sont des conduites conventionnelles (macro-scale) d’après le critère de de Kew et Cornwell car Dh

Dth >1.

FIG. 2.4 – Comparaison de diamètres hydrauliques expérimentaux et des diamètres seuils de Kew et Cornwell et de Kandlikar [29]

Malgré l’absence d’une définition unique du seuil de transition, de nombreuses études ont été menées afin d’explorer les pertes de charge au sein de conduites dont le diamètre hydraulique est assez réduit (mini et micro canaux) [30]. Ces études s’inspirent considérable- ment des corrélations et modèles associés aux écoulements diphasiques se produisant dans des conduites larges. Deux approches principales sont utilisées afin d’évaluer les pertes de pression par frottement lors d’un écoulement diphasique à la fois dans un canal large ou de faible dia- mètre hydraulique à savoir le modèle dit «homogène» et le modèle d’écoulement «séparé» [29]. Le modèle homogène est fondé sur une hypothèse stipulant que le mélange diphasique se comporte comme une pseudo-monophase dont les propriétés thermophysiques sont évaluées grâce à une pondération des propriétés des deux phases liquide et vapeur. Diverses méthodes permettant d’évaluer ces propriétés caractéristiques du mélange liquide gaz sont disponibles dans la littérature. Le modèle séparé considère que les deux phases liquide et gaz sont artificiel-

lement divisées en deux écoulements monophasiques. L’objectif principal de ce second modèle est le développement de corrélations empiriques [29].

Il faut noter que l’effet induit par les dimensions de la conduite sur les pertes de charge as- sociées à un écoulement diphasique donné n’est pas clairement établi. Bien que les équipes de recherche fournissent des corrélations concordantes avec leurs données expérimentales, ils ne donnent pas d’indication précise concernant le rapport entre les pertes de charge et les faibles dimensions de la conduite. De plus, l’effet que peut avoir l’état de surface du canal sur les pertes de charge n’est également pas pris en considération pour le moment [30]. En dépit de ces nombreuses investigations expérimentale et théorique, il n’existe pas de modèle général permettant de prédire de manière fiable les pertes de charges induites dans un écoulement diphasique. En effet, ce dernier englobe à la fois toutes les complexités d’un écoulement mo- nophasique comme la transition vers la turbulence, les instabilités, ... et les spécificités d’un écoulement diphasique comme la déformation des interfaces, les interactions entre les phases, ...

Malgré les avancées technologiques réalisées en terme de techniques de mesure et de vi- sualisation, l’analyse des pertes de charges diphasiques ayant lieu dans des conduites de petits diamètres hydrauliques constitue un véritable défi. Compte tenu des dimensions (capillaires) recommandées dans le cas du caloduc oscillant, le choix des outils d’exploration du fonction- nement de ce système se trouve confronté d’une part, au problème de définition du domaine de fiabilité des méthodes existantes et d’autre part, au fait que les développements spécifiques aux petits diamètres hydrauliques sont à un stade préliminaire. C’est pourquoi, l’établissement de critères de dimensionnement du caloduc oscillant nécessite au préalable de s’intéresser à ce type d’analyse, d’une part, dans la cas d’un tube et, d’autre part, dans le cas de plusieurs tubes parallèles communicants.

2.2.1 Fluides caloporteurs

Le choix d’un fluide caloporteur adapté à une application donnée dans le cadre du contrôle thermique repose essentiellement sur les propriétés thermophysiques de ce fluide. En outre, la compatibilité du fluide avec le métal utilisé dans la réalisation d’un dispositif de transfert de chaleur diphasique ainsi qu’un caractère non nocif (manipulable par un opérateur et non agressif vis-à-vis de l’environnement) sont également des critères de sélection de ces fluides.

Dans le cas d’un caloduc conventionnel muni d’une structure capillaire ou d’une boucle fluide à pompage capillaire, le choix du fluide caloporteur, adapté à la plage de température de fonctionnement souhaitée, se fait par le biais d’un critère appelé nombre de mérite (nombre di- mensionnel) qui prend en compte différentes propriétés thermophysiques du fluide permettant d’optimiser l’échange thermique. Les nombres de mérite associés à une boucle fluide fonction- nant en microgravité et à un caloduc conventionnel à pompage capillaire sont respectivement Mbf [31] et Mcc[12] : Mbf = σ(hlv)1,75ρvap (µvap)0,25 (2.5) Mcc= σhlvρliq µliq (2.6)

Les deux expressions précédentes résultent de l’écriture des équations de fonctionnement relatives aux deux systèmes considérés qui traduisent l’équilibre entre les forces motrices et les forces s’opposant à l’écoulement (∆Pc ≥ ∆Ppertes-de-charges). L’établissement d’un nombre de mérite dans le cas du caloduc oscillant se trouve alors confronté au défi que représente la détermination de son équation de fonctionnement.

Il existe toutefois dans la littérature quelques indications concernant les caractéristiques d’un fluide caloporteur pouvant fournir des performances intéressantes du caloduc oscillant. Une forte variation de la pression en fonction de la température (dP

dT) semble être favorable pour amorcer et entretenir l’écoulement du fluide caloporteur entre l’évaporateur et le condenseur et vice-versa. Il est également préférable de choisir un fluide dont la viscosité dynamique est assez faible afin de réduire les pertes de charge par frottement. En ce qui concerne les échanges thermiques se produisant à l’évaporateur et au condenseur, compte tenu de la distribution par- ticulière du fluide au sein du caloduc oscillant, la chaleur peut être absorbée ou cédée à la fois sous forme latente et sensible. Il est extrêmement difficile de quantifier la part de chacun de ces deux modes de transfert de chaleur et ainsi déterminer l’importance de leurs rôles respectifs dans l’échange thermique global. Néanmoins, Khandekar et al. suggèrent qu’un fluide dont la chaleur latente est faible intensifie les oscillations dans un caloduc oscillant. Cette idée est jus- tifiée par le fait qu’une faible chaleur latente de vaporisation favorise les variations de volume des bulles. Ces variations de volume induisent à leur tour des fluctuations de pression et entre- tiennent ainsi l’écoulement du fluide de travail. En revanche, une forte chaleur latente ralentit l’apparition de ces fluctuations de pression et affecte les performances du caloduc oscillant. Cette hypothèse peut être remise en question lorsque l’écoulement du fluide de travail n’est plus de type «slug flow» [32].