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2. LES TRAVAUX DE RECENSION DE LEAMY, BIRD, LE BOUTILLER, WILLIAMS ET SLADE (2011)

2.5 Les forces et limites des travaux de Leamy et al (2011)

Selon Leamy et al. (2011) les résultats en lien avec le modèle CHIME, la catégorie des processus, mettent en valeur les éléments ayant la plus grande pertinence au sens de la recherche et de la pratique clinique lorsqu’il est comparé à leurs autres modèles. Ces éléments pourraient contribuer à soutenir la réflexion clinique des professionnels concernant les interventions à mettre en place pour soutenir le processus dans lequel la personne vivant avec un TSM s’inscrit (Leamy et al., 2011, p.450).

Depuis sa parution, le modèle CHIME est le cadre conceptuel qui est le plus reconnu et le plus utilisé dans les écrits scientifiques. Plusieurs études l’ont utilisé afin d’évaluer l’expérience de rétablissement de différentes populations et de mettre en évidence certaines spécificités propres à celles-ci (p. ex. : Brijnath, 2015; Daley, Newton, Slade, Murray et Banerjee, 2012; Hammond et Debney, 2017; Petros, Solomon, Linz, DeCesaris et Hanrahan, 2015; Piat, Seida et Sabetti, 2017). D’autres l’ont repris afin d’explorer la validité de ses composantes ou de poursuivre la compréhension plus spécifique de certaines des composantes (Bird et al., 2014; Slade et al., 2012; Tew et al., 2012).

2.5.2 Limites du modèle conceptuel CHIME de Leamy et al. (2011)

Si le modèle CHIME présente l’avantage d’offrir une première structure permettant de classer les composantes principales au cœur du processus de rétablissement et de contribuer au développement de futurs outils de mesure de ce processus, il comporte toutefois la limite de

s’appuyer sur des études qui ont ciblé, de façon principale, la population adulte. Cela soulève la question de la possible application du modèle à d’autres populations. Rappelons d’ailleurs qu’un examen approfondi d’un échantillon des études recensées par Leamy et al. (2011), portant sur des résultats concernant des groupes ethniques minoritaires, a révélé quelques nuances à apporter au modèle conceptuel préliminaire. Enfin, bien que la recension de Leamy et al. (2011) offre un premier portrait exhaustif de la littérature concernant le rétablissement personnel, celle-ci date de bientôt dix ans. Le concept de rétablissement étant en croissance continue, il est possible de penser que certains aspects du concept ont évolué et ont pu être mieux cernés par des études récentes. Notamment, une étude publiée quelques années plus tard par Bird et al. (2014) permet une plus grande compréhension et interprétation de certaines composantes du modèle CHIME. De ce fait, une mise à jour des écrits scientifiques à ce sujet laisserait place à une meilleure interprétation du modèle conceptuel CHIME et du concept de rétablissement dans la recherche et la pratique actuellement.

Par ailleurs, les résultats de l’étude de Daley et al. (2012) font ressortir des éléments du modèle CHIME qui diffèrent lorsque ce dernier est appliqué à une population vieillissante. Leur étude tentait de répondre à deux questions : 1) est-ce que les composantes du rétablissement chez les adultes identifiées par le modèle conceptuel CHIME de Leamy et al. (2011) sont similaires à celles chez les personnes âgées ? 2) y a-t-il des composantes supplémentaires qui seraient spécifiques à la clientèle vivant avec de la démence ? Afin de répondre à ces questions de recherche, les auteurs ont mené des entrevues individuelles avec 28 usagers de services en santé mentale âgés de 65 ans et plus. Ils ont ensuite retranscrit les réponses des usagers pour les analyser de manière inductive et en utilisant la technique de comparaison constante afin de faire émerger

les thèmes permettant de cerner le concept à l’étude. Les résultats de leurs analyses ont ensuite été présentés selon leur classification émergente. Par la suite, les auteurs ont comparé leurs thèmes émergents à ceux du modèle CHIME en mettant en évidence les différences et les similitudes entre ceux-ci. En ce qui concerne les différences observées chez les personnes âgées, l’étude de Daley et al. (2012) met en évidence que les composantes de l’identité et des relations sociales prennent un sens différent pour cette population (Daley et al., 2012). En effet, cette population ne poursuivrait pas une redéfinition de son identité dans son processus de rétablissement, mais désirerait plutôt conserver l’identité qu’elle a construite tout au long de sa vie (Daley et al., 2012). De plus, elle aurait peu d’intérêt quant à la recherche de soutien dans de nouveaux réseaux, préférant trouver le soutien dont elle a besoin auprès de ses relations de longue date (Daley et al., 2012). La coexistence de maladies physiques et des TSM chez les personnes âgées seraient une distinction importante puisqu’elle est davantage présente et les exposerait à devoir développer davantage de stratégies d’adaptation afin de bien fonctionner (Daley et al., 2012). Par ailleurs, l’autonomie de la personne âgée vivant avec de la démence et la contribution de son réseau évoluerait différemment avec le temps. En effet, puisqu’en raison de la dégénérescence du trouble, la contribution des donneurs de soins et des proches quant au développement de stratégies d’adaptation augmenterait progressivement, tandis que celle de la personne âgée diminuerait (Daley et al., 2012).

Par conséquent, il s’avère pertinent de se questionner quant à la possible transposition du modèle CHIME auprès d’une population plus jeune et au défi que cela pourrait présenter pour les intervenants. En outre, des différences pourraient être présentes notamment en ce qui concerne la composante des relations sociales puisque cette population vit une relation de dépendance

beaucoup plus grande avec ses parents au quotidien, ce qui n’est plus le cas à l’âge adulte (Ward, 2014). De plus, les groupes de pairs à l’adolescence aurait un plus grand impact sur leur relation avec leurs parents, sur le développement de leur identité et sur le sens qu’ils donnent à leur vie, et ce plus qu’à tout autre stade de développement (Tew, Ramon et Slade, 2012). D’ailleurs, en comparant l’adolescent étant en plein développement de son identité avec l’adulte pour qui celle- ci est déjà bien établie, la présence d’un TSM chez l’adolescent pourrait avoir des impacts particulièrement importants sur son processus complet (Ward, 2014). De ce fait, tout comme la population vieillissante qui vit une dégénérescence plutôt qu’une croissance ou un développement, il est possible de penser que le modèle CHIME s’applique avec quelques distinctions à la population en bas de 18 ans.

Somme toute, le modèle CHIME découlant de l’étude de Leamy et al. (2011) semble être un bon premier outil encadrant la compréhension du concept de rétablissement chez la population adulte. Toutefois, cette compréhension, bien qu’intéressante et pertinente, sous-estime l’importance du contexte social et environnemental dans lequel le concept se déploie (Leamy et al., 2011, p. 450). Les travaux de certains auteurs ont d’ailleurs mis en évidence l’importance de considérer le concept de rétablissement sous une perspective écologique qui permet d’inclure dans sa compréhension, en plus de la perspective individuelle, les facteurs environnementaux et les interactions qui s’y déroulent (Friesen, 2007; Onkel, Craig, Ridgway, Ralph et Cook, 2007). Cette perspective pourrait ainsi permettre d’avoir une compréhension holistique du concept de rétablissement et de comprendre l’interaction entre les différentes composantes du modèle CHIME, ce qui n’était pas mis en évidence dans les travaux de Leamy et al. (2011).