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d’évaluation de la compréhension de l’écrit

2.3.2. Les fondements de l’évaluation

En adoptant le curriculum comme cadre intégrateur, l’institution opte pour un mode d’organisation qui prend en charge :

« Toutes les expériences d’apprentissage organisées, l’ensemble des influences auxquelles pourrait être exposé l’élève sous la responsabilité de l’école pendant une période de forma-tion. Ce concept englobe les activités d’apprentissage auxquelles l’élève participe, des mé-thodes et des moyens utilisés et des procédures d’évaluation retenues. » (MEN, 2009a, p.11)

D’après cette structuration, l’évaluation fait partie désormais du processus de l’enseignement-apprentissage suite aux nouveaux « objectifs stratégiques du sys-tème éducatif » (ibid., p.15) qui sont confrontés « au défi de la qualité » (ibid.). Ce-lui-ci ne peut être atteint que si une résorption des « distorsions induite par le déve-loppement du système » (ibid.) est atteinte. Ces distorsions concernent la déperdi-tion scolaire que la nouvelle refonte tend à diminuer. C’est pourquoi l’évaluadéperdi-tion est introduite avec toutes ses fonctions dans les programmes afin de déterminer « des standards pour la reconnaissance des compétences, des normes de passage et de cer-tification » (ibid.).

Pour ce faire, une organisation en cycle est adoptée et à laquelle correspondent des programmes comprenant des objectifs à atteindre, des compétences à installer, et des critères d’évaluation (ibid.). Ainsi, il s’agit d’une organisation du cycle et du « système d’évaluation » (ibid., p.21) en compétences identifiées pour chaque cycle. Cette structuration doit se faire en complémentarité avec le cycle suivant de façon à veiller au principe de « la cohérence verticale » (ibid., p.5) du curriculum qui doit assurer le passage d’un cycle à un autre.

Cette transition entre les cycles peut être assurée par la réussite d’un maximum d’élèves. Dans le cadre de la réforme du système éducatif, il est possible de prévoir le succès d’un nombre important d’élèves par le biais de l’évaluation formative et de la pédagogie de la remédiation qui :

« devrait permettre à l’enseignement obligatoire d’atteindre les objectifs visés à un maxi-mum d’élève et à chaque élève, de surmonter des défaillances, combler des lacunes, rattraper des retards dans le cadre d’une pédagogie de soutien et de remédiation faite à temps. Cette pédagogie de la remédiation et du soutien, institutionnalisée tout au long de l’enseignement obligatoire constitue la clé de voûte de la lutte contre la déperdition scolaire. » (ibid., p.21)

Chapitre 4 : Les pratiques prescrites de la compréhension de l'écrit _ _ _ 185 À la lumière de ces fondements des programmes, en l’occurrence le pro-gramme de l’enseignement du français, faire face au défi de la déperdition par une évaluation balisée constitue un principe non négligeable dans le cadre de l’enseignement, d’une manière générale, et de l’enseignement du français de ma-nière particulière. Cette évaluation qui insiste sur sa fonction formative ainsi que sur sa fonction certificative, mise sur la complémentarité de ces deux types d’évaluation plutôt que sur leur rupture. Ce processus de complémentarité est indispensable dans la mesure où l’évaluation formative, en tant qu’outil permettant « de mesurer les progrès réalisés et d’apporter les remédiations nécessaires au fur à mesure afin d’assurer leur consolidation » (MEN, 2009b, p.4), prépare les élèves à l’évaluation certificative (épreuve de français de l’examen de fin de cycle primaire) qui revient sur leurs acquis en termes de bilan de l’année. C’est sur la base de l’évaluation for-mative qui revient sur les développements des élèves, qu’il est possible de détermi-ner les critères à partir desquels sera établie l’évaluation certificative en tant qu’autre boucle du système de régulation. En effet, l’évaluation formative est la seule à permettre « d’aborder tous les objectifs éducatifs. » (Cardinet, cité par Bon-niol et Vial, 2009, p.123), c’est-à-dire à atteindre tous les niveaux d’objectifs, qu’ils soient en rapport avec un niveau de maîtrise (observation de performances isolées) ou en rapport avec un niveau supérieur d’objectifs (observation de transferts de si-tuation de la classe à des sisi-tuations réelles) (ibid.).

Se tenir à ce rapport entre évaluation formative et évaluation certificative, « le principe de cohérence » (MEN, 2009a, p.33) entre les composantes du dispositif d’enseignement et d’évaluation, est concrétisé à travers ce lien instauré entre l’enseignement et l’évaluation. Par le biais de l’évaluation formative, il est possible de porter un regard rétrospectif sur les apprentissages et, par ricochet, sur les ensei-gnements dispensés. Cela suppose, dans le cadre d’une approche « d’individualisation de l’enseignement » (Allal, 1979, p. 154) qui est en étroite re-lation avec « la différenciation pédagogique » (MEN, ibid., p. 24), qu’il est question d’une adaptation des procédures de l’enseignant en fonction des difficultés relevées et des progrès observés chez les élèves lors des apprentissages. Considérée comme telle, l’évaluation intéresse à la fois l’apprentissage et l’enseignement dans le sens où elle concerne « les changements apportés chez les élèves en regard des divers aspects de leur formation. » (Scallon, 1988, p.9). Contribuant ainsi à une « articula-tion entre les caractéristiques des personnes en formaarticula-tion […] et les propriétés du système de formation […] » (Allal, ibid.). Dans la même lignée, le Référentiel gé-néral des programmes stipule que l’évaluation doit être conduite « à une fonction formative de régulation opérée au niveau de l’élève, lui facilitant l’ajustement de ses stratégies d’apprentissage et au niveau de l’enseignant, le soutenant dans l’adaptation de son enseignement. » (MEN, ibid., p.69)

Ainsi ce croisement entre les formés et le système a pour principale fonction

la régulation qui est présente au début, pendant et à la fin de la formation. Ces

dif-férents points de la régulation englobent l’évaluation formative (en plus de l’évaluation pronostique et de l’évaluation sommative) qui, dans le cadre de

Chapitre 4 : Les pratiques prescrites de la compréhension de l'écrit __ _ _ 186 l’épistémê de la gestion et de l’évolution de ses paradigmes18, portera son intérêt sur les processus beaucoup plus que sur les produits (Bonniol et Vial, 2009, p.299). Ces développements, sous l’influence des paradigmes relatifs au cognitivisme, au cons-tructivisme ainsi qu’au sociocognitivisme (MEN, 2009a), constituent les références théoriques des dispositifs d’évaluation et de régulation des nouveaux programmes, en l’occurrence, le programme de français. Le dispositif en question prône une nou-velle évaluation en rapport avec l’esprit de l’approche par compétences qui dessine de nouveaux rapports au savoir et une nouvelle « manière de le construire et de l’évaluer » (ibid., p.68).

Ainsi, l’évaluation dans le cadre de cette approche concerne des compétences et dont les savoirs ne sont que des constituants. Selon cette vision de l’objet, la pré-occupation majeure ne consiste pas à « mesurer l’acquisition des connaissances en-seignées » (ibid., p.69), débouchant sur une classification « en bons ou mauvais élèves. » (ibid.), mais consiste plutôt à mesurer le niveaux de maîtrise des compé-tences (ibid.). C’est pourquoi, le programme de l’enseignement du français insiste sur la fonction formative de l’évaluation, qui à travers ces trois types (proactive, rétroactive et interactive) (ibid.), met au jour les démarches ou les processus ayant conduit à la régulation. Dans ce sens, le Référentiel général des programmes met en garde contre :

« une réduction de l’évaluation à la fonction certificative (engendrant des comportements chez les élèves relevant du « parcœurisme » et du bachotage), et à ses aspects techniques au détriment de la réflexion sur les présupposés qui sont à la base des ses pratiques. » (ibid.)

Les présupposés dont il est question dans ce passage renvoient aux démarches des apprenants- élèves qui sont censés leur « donner un rôle actif (…) dans l’évaluation de ces processus et de ces stratégies d’apprentissage développant ainsi son autonomie et ses capacités métacognitives. » (ibid.)

Selon ces déclarations du Référentiel général des programmes, il est évident que l’intérêt est accordé aux stratégies cognitives ainsi qu’aux stratégies métacogni-tives, nécessaires pour le contrôle et pour l’évaluation du processus d’apprentissage, pour l’accomplissement d’une tâche ainsi que pour la résolution d’un problème. Ces dimensions des stratégies sont rendues accessibles suite à leur partage par les pairs et par l’enseignant dans le cadre de « l’évaluation par les pairs et l’autoévaluation » (ibid., p.73). Cette nouvelle vision de l’évaluation devrait permettre « l’installation de mécanismes qui génèrent chez l’apprenant des comportements de critique et d’autocritique et développe ses compétences métacognitives et relationnelles. » (ibid., p.72)

À l’issue de ces principes théoriques émanant du cognitivisme, du constructi-visme et du socio-cogniticonstructi-visme, il est évident qu’il est fait appel à un nouveau type d’évaluation qui, sans pour autant exclure la fonction certificative, insiste sur la

18 Il y a lieu de préciser que ce modèle inclut sur un même continuum plusieurs paradigmes en relation avec la maitrise par objectif, la cybernétique, le structuralisme et le systémisme (Bonniol et Vial, 2009)

Chapitre 4 : Les pratiques prescrites de la compréhension de l'écrit __ _ _ 187 fonction formative dans un processus de complémentarité que nous avons explicitée précédemment. Cette nouvelle conception de la mesure des acquis des apprenants introduit « l’évaluation des processus » (MEN, 2009a, p.73) en plus des connais-sances. En reliant l’évaluation des connaissances avec l’évaluation des processus, l’objectif est d’évaluer les compétences avec toutes leurs composantes, en d’autres termes, évaluer les processus et les stratégies ainsi que les connaissances qui leur sont consubstantielles.

Vouloir évaluer toutes les dimensions de la compétence, cela suppose qu’elles ont fait préalablement l’objet d’un enseignement ayant permis de les rendre acces-sibles. Néanmoins, il a été constaté dans les fondements de l’enseignement de la compréhension de l’écrit, que l’accès à ces démarches, qui se fait par le biais de la découverte (principe fondamental du cognitivisme), est implicite. La même re-marque s’applique à la régulation de ces mêmes démarches qui se fait par le biais des interactions élèves/élèves et enseignant/élèves. Selon cette optique, il est misé sur l’essai et sur l’erreur comme moyen permettant l’accès aux démarches par le biais de formulation d’hypothèses et par leur remise en question. Ainsi, l’erreur se présente « comme un signal révélateur des stratégies individuelles dans le processus de maitrise des compétences. Elle doit donner lieu à une réflexion qui permet de tirer le maximum d’informations pour une exploitation didactique en vue d’une re-médiation s’attaquant aux causes profondes qui l’ont produite. » (ibid., p.24).

Selon ce passage, le traitement de l’erreur permet certes d’identifier les straté-gies cognitives et métacognitives, non pour des fins d’enseignement explicite mais pour des implications didactiques en lien avec la remédiation. Cette remédiation peut servir sur un double plan à rendre ces stratégies transparentes et à expliciter les critères à partir desquels s’opère l’évaluation. Ce qui devrait aider les élèves à s’auto-évaluer et, par la suite, à s’autoréguler (ibid., p.71). Ainsi, il est possible d’étendre les fonctions de l’évaluation vers sa fonction formatrice qui se préoccupe de faire acquérir les outils d’évaluation aux élèves. Cette idée converge avec l’instruction émise par le Référentiel général des programmes (2009a) et qui con-cerne l’utilisation des portfolios comme un lien entre l’élève, les enseignants et les parents, et comme un moyen informant sur « le cheminement de l’élève vers la maîtrise de ses compétences, sur ses capacités à se prendre en charge et à s’autonomiser sur le plan de l’évaluation et de la gestion personnelle de ses appren-tissages. » (ibid., p.72).

Cette autonomie en évaluation ne sera possible qu’en privilégiant un appren-tissage à l’évaluation (Bonniol etVial, 2009) qui dotera les élèves de critères suscep-tibles de les conduire à s’auto-évaluer et à s’autoréguler. Cet outillage des appre-nants consiste à les munir de moyens en développant leur capacité d’apprentissage métacognitif par le biais de la verbalisation des critères, de la manipulation de tâches afin d’obtenir les produits espérés (ibid.).

Cette vision de l’évaluation qu’à l’institution s’inscrit dans les nouvelles ap-proches théoriques qui misent sur la fonction formative pour l’autonomisation des élèves par la mise en avant de leurs stratégies. Il est même prévu par les injonctions officielles, que ces stratégies soient incluses dans l’évaluation. Seulement, la lecture

Chapitre 4 : Les pratiques prescrites de la compréhension de l'écrit __ _ _ 188 du Programme de français de 5e année (2009b) et du Document d’accompagnement au niveau programme (2009c), tout en mentionnant les types d’évaluation auxquels il fait appel pour rendre compte de l’état des apprentissages et des acquisitions, ne laisse guère apparaître d’indications quant aux critères à partir desquels il est pos-sible d’évaluer les progrès des élèves et de valider leur acquis en compréhension de l’écrit. Cela s’explique par le fait que l’objectif principal de la 5e année est de prépa-rer les élèves à l’examen final de la 5e année primaire qui s’articule quasiment au-tour de la production écrite. La validation des acquis quant à cette activité se fait à partir d’une grille proposée dans les deux documents officiels. Pour l’évaluation certificative de la compréhension de l’écrit, les principes qui la sous-tendent sont tout à fait en harmonie avec les choix théoriques retenus, en l’occurrence l’évaluation à partir de situation-problème. Dans ce sens, le Programme de français de 5e année déclare :

« Evaluer la compétence de lecteur autonome doit se réaliser dans une situation qui permette le véritable exercice de celui-ci et non dans une situation où il est demandé de prendre la pa-role, par exemple. La satisfaction au nombre requis de critères permet de considérer la com-pétence comme acquise. » (MEN, 2009b, p.28)

À l’égard de ce passage, il y a lieu de faire remarquer qu’il n’est guère fait mention de manière explicite de critères en lien avec la compétence à évaluer en compréhension de l’écrit. Les exemples d’épreuves figurant dans le Document d’accompagnement au nouveau programme (2009c) attribuent plutôt à cette activité un barème chiffré. En stipulant que « le critère est une dimension de l’objectif » (Bonniol et Vial, 2009, p.254) et que les compétences visées par l’enseignement de la compréhension se déploient en sous-compétences renvoyant à des objectifs, il est possible de considérer ces sous - composantes comme des critères d’évaluation ainsi que comme des critères permettant la formation. Cet objectif est réalisable dans la mesure où le critère « est en soi un outil pour construire des connaissances procédu-rales, instrumentales, sans lesquelles le fonctionnement cognitif n’est pas perfor-mant. » (ibid., p.265). Dans ce sens, le critère de réalisation répond parfaitement à cette fonction puisqu’il permet de désigner « les outils et les opérations pouvant faire objet d’une appropriation (ibid.). Dans le cadre de la compréhension de l’écrit et dans le cadre de l’enseignement explicite des stratégies, il est possible de faire appel également aux stratégies ainsi qu’aux processus comme des critères qui per-mettent de rendre compte de la mobilisation de la compétence.

De plus, l’explicitation des critères à des fins d’acquisition et, plus tard, à des fins de régulation, est le reflet d’un modèle didactique bien déterminé. En effet, l’évaluation formatrice, en introduisant l’erreur dans la démarche didactique habi-tuelle qui consiste à revenir sur les représentations des savoirs chez les apprenants ainsi que chez enseignants, s’inscrit elle aussi dans « le domaine de la didactique » (ibid., p.263). De ce fait, « expliciter les critères, c’est donc expliciter (le) modèle didactique de référence. » (ibid.). Ceci devrait aider à déceler les modèles sous-tendant l’évaluation de la compréhension de l’écrit ainsi que les modèles de son enseignement.

Chapitre 4 : Les pratiques prescrites de la compréhension de l'écrit __ _ _ 189 Au terme de cette analyse, il est clair que l’évaluation s’articule autour de compétences dont la vérification de l'acquisition ainsi que du développement par le biais de critères de réussite et de critères de réalisation est possible. Dans cette pers-pective, il est nécessaire de saisir les principes de leur organisation dans le cadre du dispositif d’enseignement et d’évaluation de la compréhension de l’écrit.

2.4. Les principes organisateurs du dispositif d’enseignement de la