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L'enseignement-apprentissage et évaluation de la compréhen- compréhen-sion de l'écrit

2. Les interactions pédagogiques

2.3. L’évaluation de la compréhension d’un texte

2.3.5. Définition de l’évaluation

Pour caractériser la nature de l’activité d’évaluation et les pratiques qui en dé-coulent, dans une perspective développementale de la compétence, il est nécessaire de se munir d’une définition de l’évaluation qui s’inscrit dans cette logique. Cette définition sera établie dans un premier temps à partir de ce qui relève de l’évaluation et de ce qui n’en relève pas (Talbot, 2009) et dans un deuxième temps à partir d’une progression allant de la mesure comme donnée quantitative à l’évaluation en tant que donnée qualitative.

Chapitre 2 : L'enseignement-apprentissage et l'évaluation de la compréhension de l'écrit__ 111 Pour De Ketele (1991), l’évaluation est une opération de collecte d’informations réunies sur la base de critères de pertinence, de fiabilité, et de validi-té, et qui sera mise en relation avec un référentiel préétabli ou construit en cours de route pour une éventuelle prise de décision. Dans ce sens, elle ne peut se confondre avec une simple activité de contrôle puisque le référent lui est consubstantiel (Tal-bot, op.cit.).

Ce qui est évident est que l’évaluation consiste bel et bien en une opération de recueil d’informations dans une perspective interprétative et décisionnelle. Cette décision, qui peut avoir comme finalités soit la certification en termes de réussite et d’échec, soit la régulation des apprentissages, soit le commencement d’un nouvel apprentissage (Roegiers, 2004), s’appuie sur des données répondant à des critères qui devraient assurer son objectivité. Les critères en question concernent dans un premier temps la pertinence des informations réunies, c’est-à-dire que ces informa-tions doivent être en lien avec les objectifs de l’évaluation. Dans un deuxième temps, elles doivent répondre au critère de fiabilité qui doit garantir la reproduction de ces mêmes informations dans un autre contexte et dans d’autres conditions. Dans un troisième temps, les données recueillies obéissent au critère de validité qui de-vrait garantir la compatibilité entre ce qui a été déclaré au départ et ce qui est réel-lement évalué (Roegiers, ibid.).

Ce recueil d’information qui sera comparé à des critères préétablis ou cons-truits, peut parvenir de la mesure comme première étape de l’évaluation. Dans ce sens, Tousignant (1982) précise que :

« nous devons d’abord mesurer les apprentissages pour être capable de les évaluer. Ce que

nous cherchons à faire, c’est d’évaluer la réalité des apprentissages ; le moyen privilégié dont nous disposons, c’est l’observation de toutes les manifestations de ceux-ci. La mesure pré-cède toujours l’évaluation, (…). C’est à cause de la relation étroite qui unit ces deux notions que les tests, les examens, les travaux pratiques, les grilles d’observation sont parfois appelés instruments de mesure, parfois instruments d’évaluation. Ils nous aident à recueillir les don-nées concrètes de nos observations, donc de mesurer. » (p.18-19)

La réalité d’apprentissage dont rend compte la mesure consiste en une appré-ciation des connaissances (Legendre, 1988) et des capacités des évalués en termes d’objectifs atteints et au moyen d’un « dispositif visant l’analyse, de façon quantita-tive, des données recueillies. » (Ardoino et Bergé, cités par Talbot, 2009, p.42). Néanmoins, ces données quantitatives dans le cadre de l’évaluation des compé-tences ne peuvent fournir des indications sur le développement cognitif et métaco-gnitif (Tardif, ibid.) des élèves. Pour renseigner cette dynamique de l’apprentissage qui tend vers l’acquisition de compétences, il y a lieu d’aller au-delà des données quantitatives puisque l’évaluation « exige souvent que l’on ait aussi accès à des in-formations qualitatives » (Jouquan, 2002, en ligne). Pour Gardner, cité par Tardif (1993), ces informations portent sur les connaissances et sur leur développement, qui à leur tour apporteront des éclairages pour l’individu ainsi que pour son envi-ronnement social (l'enseignant, l’institution, la famille, etc.). Ces informations reflè-tent une certaine conception de l’évaluation, qui serait selon lui :

Chapitre 2 : L'enseignement-apprentissage et l'évaluation de la compréhension de l'écrit__ 112

« un processus par lequel des informations sont obtenues au sujet des connaissances (skills) et des capacités (potentials) d’une personne. […]. Ce processus de recueil d’information vise à fournir une rétroaction significative à la personne évaluée et à fournir des données utiles à la communauté dans laquelle elle vit. » (p.27)

Gardner, cité par Tardif (op.cit.), en mettant l’accent sur les capacités du sujet ainsi que sur les métamorphoses de ses connaissances (Tardif, ibid.), ouvre la voie à une évaluation préoccupée par le développement des compétences. Dans cette op-tique, il est fait appel à différentes sources d’informations afin de rendre compte du niveau atteint de la compétence, des connaissances mobilisées et combinées pour sa mise en œuvre ainsi que des possibilités d’exploitation dans d’autres situations. Se-lon cette vision des choses, l’évaluation est définie, seSe-lon Tardif (2006) comme :

« un processus de collecte de données à partir de sources multiples et variées qui, en considé-rant les expériences d’apprentissage, permet de rendre compte :

- du niveau de développement des compétences de l’élève ou de l’étudiant

- de son degré de maitrise des ressources internes et externes qui peuvent être mobilisées et combinées dans leur mise en œuvre ; et

- de l’étendue des situations dans lesquelles il est en mesure de déployer ces niveaux de développement et ces degrés de maitrise. » (p.104)

Afin d’opérationnaliser cette définition, Tardif (ibid.) propose neuf principes œuvrant dans une perspective de concrétisation de la compétence. Il suggère que l’évaluation :

1- porte sur l’évolution de la compétence par rapport à un modèle cognitif d’apprentissage qui lui soit propre. Ainsi, les évaluateurs doivent disposer de ce modèle afin de pouvoir se prononcer sur la progression des élèves.

2- accorde de l’importance aux compétences et non aux ressources puisque ces dernières leur sont consubstantielles. Au regard de la définition de la compé-tence comme savoir-agir qui mobilise et combine des ressources, l’évaluation doit porter sur l’efficacité des opérations qui sont révélatrices du déploiement effectif de compétences.

3- détermine les ressources effectivement mobilisées et combinées ainsi que celles qui auraient dû être mobilisées et combinées. L’identification de ces dernières permettra de planifier les apprentissages nécessaires pour leur acquisition. Pour rendre compte des connaissances mobilisées et combinées, il est fait appel à « des schémas et à des cartes conceptuels » (Tardif, ibid., p.109).

4- identifie les ressources que possèdent les élèves, mais qui n’ont pas été dé-ployées dans la situation à laquelle ils étaient confrontés. En ayant une idée sur les ressources réellement exploitées et celles qui n’ont pas été mises en œuvre, les enseignants disposeront d’une base d’information.

5- circonscrit le déploiement de compétences à l’intérieur de familles de situations. Chaque situation doit rendre compte d’un niveau de développement des compé-tences.

Chapitre 2 : L'enseignement-apprentissage et l'évaluation de la compréhension de l'écrit__ 113 6- documente l’évolution des compétences à partir de preuves tangibles. Ces

preuves sont à chercher dans les situations et les tâches complexes où les ré-ponses sont construites au lieu d’être sélectionnées parmi des propositions faites aux élèves. Ainsi, les évaluateurs sont amenés à adopter « une démarche d’inférences » (Tardif, 2006, p.113) afin d’identifier le niveau atteint de la compétence et « le degré de maîtrise des ressources mobilisées et combinées. » (ibid.)

7- rende compte de l’autonomie des individus dans l’emploi des compétences. Cette autonomisation est perceptible selon Glaser, Linn et Bohrnsedt (1997, ci-tés par Tardif, ibid.) à travers « l’organisation des connaissances, la représenta-tion de problèmes, l’usage de stratégies, l’autorégulareprésenta-tion et les contribureprésenta-tions in-dividuelles à la résolution coopérative de problèmes. » (p. 114). L’autonomie, selon ces auteurs, est tangible beaucoup plus à partir des trois deniers éléments en lien avec l’utilisation des stratégies (cognitives et métacognitives), avec la capacité à s’autoréguler et avec la résolution collective de la tâche ou du pro-blème qui aide l’élève à construire ses productions.

8- recoure à des critères « multiréférenciés » (Tardif, ibid., p.117) pour rendre compte en concomitance du développement de la compétence, des multiples ressources (cognitives, sociales, etc.) mobilisées et combinées, de l’autonomisation dans l’utilisation de la compétence. Ces critères qui concer-nent la même production incitent à ce que l’évaluation use de situations et de tâches complexes pour révéler l’évolution des compétences par rapport à des modèles cognitifs d’apprentissage de ces compétences.

9- prenne en considération les différences individuelles dans les évaluations afin d’éviter aux élèves d’être évalués de la même façon. C’est pourquoi, lors de l’établissement des évaluations, les évaluateurs sont tenus d’élaborer des cri-tères qui, tout en renseignant sur le développement des compétences au terme de sessions de formation, accordent de l’importance aux divergences indivi-duelles dans ces progressions des compétences.

La définition de la compétence en terme de savoir-agir a révélé son caractère dynamique qui se traduit dans les opérations intervenant dans sa mise en œuvre. La mobilisation, la combinaison et le transfert sont autant d’opérations montrant l’autonomie de l’individu et du lecteur de manière particulière. Cette autonomisa-tion s’accroîtra davantage grâce à la capacité de s’autoréguler tout au long du pro-cessus de résolution du problème ou de l’accomplissement de la tâche. Dans le do-maine de la compréhension, ces opérations concernent la mobilisation de stratégies cognitives, métacognitives et autorégulatrices qui s’avèrent au cœur de l’activité de compréhension. Néanmoins, ces opérations en tant que manifestation de la compé-tence, ne sont pas accessibles directement et nécessitent une démarche d’inférence. Celle-ci est nécessaire pour renseigner sur l’acquisition des apprentissages en termes de compétences.

L’évaluation en tant que processus de recueil d’information a pour rôle juste-ment de rendre compte de l’état des acquisitions dans une perspective développe-mentale de la compétence.

Chapitre 2 : L'enseignement-apprentissage et l'évaluation de la compréhension de l'écrit_ _ 114 Pour cela, elle usera de moyens et d’outils qui vont l’aider à réunir des données si-gnificatives susceptibles d’apporter des clarifications pour l’élève ainsi que pour l’évaluateur.