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Fondement du régime international de non-prolifération et de désarmement des

Chapitre 1 — La non-prolifération et le désarmement des armes nucléaires en droit

1.2 Fondement du régime international de non-prolifération et de désarmement des

Nous avons souligné déjà, en introduction, que le régime international actuel de non- prolifération et de désarmement des armes nucléaires est composé d’une complexe constellation d’instruments légaux et mesures diverses visant à détecter le plus rapidement des activités de prolifération et, de manière générale, à les empêcher. S’agissant de la non- prolifération, nous retrouvons inter alia des traités internationaux et régionaux de non- prolifération, les contrôles d’exportation, la protection physique des matières nucléaires, des mesures de sauvegarde visant à contrôler le trafic illicite et la vérification internationale137.

Cependant, le TNP est clairement l’accord international le plus important visant à réglementer la non-prolifération nucléaire. Il convient maintenant de l’aborder plus en détail.

devant-les-stagiaires-de-la-27eme-promotion-de-lecole-de-guerre> (consulté le 7 avril 2020).

134 M. EVANGELISTA, « Nuclear Abolition or Nuclear Umbrella? Choices and Contradictions in US Proposals »,

dans P. FORADORI, G. GIACOMELLO, A. PASCOLINI (éds.), préc., note 9, p. 314.

135R. HULLMAN, préc., note 61, p. 195. 136Id., p. 206.

137Laura ROCKWOOD, « The IAEA Safeguards System », (2010) International School of Nuclear Law Legal

1.2.1 Le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968

L’initiative d’un traité de non-prolifération a pris forme dans les années 1960. Les adhérents de l’idée, dont l’URSS et les États-Unis à ce moment-là, affirmaient que la prolifération des armes nucléaires créerait une instabilité globale et augmenterait le risque d’une guerre nucléaire. Ce n’est néanmoins qu’en 1964, soit après que la Chine ait effectué son premier essai nucléaire, que les superpuissances ont vraiment embrassé l’idée d’un tel accord international, craignant que cet évènement provoque une prolifération à travers l’Asie. Les négociations furent formellement initiées en 1965 à Genève138. Cet engouement n’était

toutefois pas unanime, certains États considérant que la simple interdiction de posséder l’arme nucléaire aux États ne la possédant pas donnerait un fondement légal aux inégalités déjà existantes et, ce faisant, violerait le principe de l’égalité souveraine des États.

Conséquemment, le TNP est né d’un accord entre les États possédant l’arme nucléaire et ceux ne la possédant pas139. Ces derniers se sont engagés à ne pas tenter d’acquérir ce type d’armes.

En échange, les États possédant l’arme nucléaire se sont engagés à négocier en vue du désarmement général. De plus, ils ont accepté que soit inclus dans le traité un droit de retrait en cas d’évènements extraordinaires, que soit mis en place un processus multilatéral de révision de l’implémentation du traité et qu’un accès facilité aux technologies nucléaires à des fins pacifiques pour tous les États soit assuré. Finalement, il fut accepté que le traité aurait une durée initiale de vingt-cinq ans, à la suite de laquelle les parties décideraient collectivement de son avenir140.

Véritable pierre angulaire du régime de non-prolifération nucléaire, le TNP, conclu le 1er

juillet 1968 et entré en vigueur le 5 mars 1970, compte 190 États parties (ou 191 avec la Corée du Nord141).Cela représente le plus grand nombre d’États ayant souscrit à un traité de

138B. T. FELD, préc., note 23, p. 53. 139 K. EGELAND, préc., note 25, p. 33. 140Id.

141 Il existe en effet un flou juridique entourant la position de la Corée du Nord puisqu’elle s’est retirée le 10

janvier 2003 en violation des dispositions du TNP ; voir : Daryl KIMBALL, « The Nuclear Nonproliferation

Treaty (NPT) at a glance », Arms Control Association, mis à jour en août 2019, en ligne: <https://www.armscontrol.org/factsheets/nptfact> (consulté le 9 novembre 2019).

contrôle d’armes142.

1.2.1.1 Objectifs principaux du TNP

La raison d’être du TNP est d’empêcher que s’allonge la liste des États possédant l’arme nucléaire. Celle-ci devait initialement se limiter aux cinq États possédant l’arme nucléaire en date du premier janvier 1967143. Le TNP fait donc une distinction fondamentale au régime

juridique de non-prolifération nucléaire entre les États ne possédant pas l’arme nucléaire et les États la possédant. Un État doté d’armes nucléaires est, tel que défini à l’article IX.3 TNP, un pays qui a fabriqué et fait exploser une arme nucléaire ou autre dispositif nucléaire explosif avant le premier janvier 1967144. Cinq États se qualifient comme tel : la Chine, la

France, la Russie (l’URSS à l’époque), la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique145.

Le régime juridique introduit par cet accord repose sur trois piliers, qui fonctionnent en symbiose et se renforcent l’un l’autre. Il s’agit du désarmement, de la non-prolifération et de l’usage pacifique de la technologie nucléaire146.

1.2.1.2 Premier pilier : le désarmement

L’obligation de désarmement se retrouve à l’article VI TNP. Celui-ci édicte que les parties s’engagent « à poursuivre de bonne foi des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace147 ». Cela vise les États dotés de l’arme nucléaire.

Les cinq États nucléaires originels ont conséquemment une obligation active sous le TNP de

142Bernard GWERTZMAN, « Scheinman: Iran, North Korea, and the NPT’s Loopholes », Council on Foreign

Relations, 1er février 2005, en ligne: < https://www.cfr.org/interview/scheinman-iran-north-korea-and-npts-

loopholes> (consulté le 9 novembre 2019).

143TNP, art. IX (3). 144TNP, art. IX.3.

145L. ROCKWOOD, préc., note 137, p. 245.

146« NATO and the Non-Proliferation Treaty », Organisation du traité de l’Atlantique Nord, mars 2017, en ligne:

<https://www.nato.int/nato_static_fl2014/assets/pdf/pdf_2017_03/20170323_170323-npt-factsheet.pdf> (consulté le 9 novembre 2019).

s’orienter vers le DGC et donc, éventuellement, d’éliminer leur arsenal nucléaire. Or, les États ne possédant pas l’arme sont de plus en plus sceptiques quant à la sincérité des États nucléaires face à leur engagement sous le TNP148.

1.2.1.3 Deuxième pilier : la non-prolifération nucléaire

Au cœur de la prolifération nucléaire se retrouve la menace de propagation de ce type d’arme de destruction massive aux pays ne le possédant pas encore. Le TNP vise à contrer ce risque. Son préambule affirme que « la prolifération des armes nucléaires augmenterait considérablement le risque de guerre nucléaire » et qu’il y a donc une « nécessité [de] ne ménager aucun effort pour écarter le risque d’une […] guerre [nucléaire] et de prendre des mesures en vue de sauvegarder la sécurité des peuples149 ».

Son premier article interdit aux États nucléaires de transférer une telle arme à qui que ce soit ou à aider un État à l’acquérir150. L’article II, quant à lui, édicte l’obligation de non-

prolifération nucléaire de base à laquelle s’engagent les États non dotés de l’arme nucléaire. La disposition stipule :

Tout État non doté d’armes nucléaires qui est Partie au Traité s’engage à n’accepter de qui que ce soit, ni directement ni indirectement, le transfert d’armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires ou du contrôle de telles armes ou de tels dispositifs explosifs ; à ne fabriquer ni acquérir de quelque autre manière des armes nucléaires ou autres dispositifs nucléaires explosifs ; et à ne rechercher ni recevoir une aide quelconque pour la fabrication d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs nucléaires explosifs.151

Le TNP prévoit à son article II deux situations de prolifération nucléaire : le transfert de l’arme ou le dispositif interdits entre les États, ce qui met nécessairement en scène un État doté de l’arme nucléaire, et la fabrication desdits éléments.

Finalement, l’article III TNP impose aux États ne possédant pas l’arme nucléaire l’obligation

148 M. EVANGELISTA, préc., note 134, p. 316. 149TNP, préambule.

150TNP, art. I. 151TNP, art. II.

d’accepter un accord de garanties négocié avec l’AIEA afin d’assurer que les matériaux et technologies nucléaires ne seront utilisés qu’à des fins pacifiques et ne seront pas détournés de ces utilisations, vers l’acquisition ou la fabrication des armes nucléaires ou autre dispositifs explosifs nucléaires. Cela permet également la vérification de l’exécution des obligations assumées par l’État et telles qu’imposées par le TNP152. Nous nous pencherons

sur le rôle de l’AIEA et le fonctionnement de son système de garanties un peu plus tard. 1.2.1.4 Troisième pilier : l’usage pacifique de la technologie nucléaire

Le troisième pilier du TNP, soit l’usage pacifique de la technologie nucléaire, se retrouve à son article IV, qui reconnaît le droit inaliénable des États parties au TNP d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Néanmoins, cela doit être fait dans le respect des articles I et II TNP. De plus, les États parties s’engagent à faciliter l’échange d’équipement, de technologies, de matières et d’information scientifique concernant l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques153. Le TNP encourage donc la coopération des États à ce

niveau.

Tout État partie au TNP et non doté d’armes nucléaires a l’obligation d’accepter les garanties stipulées dans un accord négocié et conclu avec l’AIEA afin de permettre la vérification de l’exécution des obligations assumées par l’État, telles qu’imposées par le TNP, en vertu de l’article III TNP154. Cela permet d’assurer un usage de l’énergie atomique conforme au

principe de l’utilisation pacifique de la technologie nucléaire et de contrer son détournement à des fins militaires.