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Chapitre 1 — La non-prolifération et le désarmement des armes nucléaires en droit

2.1 Droit de retrait en droit international de la non-prolifération et du désarmement des

2.1.1 Clause de retrait du TNP

2.1.1.2 Article X (1) TNP

Le droit de retrait du TNP se retrouve à l’article X (1)212. Celui-ci se lit comme suit :

Chaque Partie, dans l’exercice de sa souveraineté nationale, aura le droit de se retirer du Traité si elle décide que des évènements extraordinaires, en rapport avec l’objet du présent Traité, ont compromis les intérêts suprêmes de son pays. Elle devra notifier ce retrait à toutes les autres Parties au Traité ainsi qu’au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies avec un préavis de trois mois. Ladite notification devra contenir un exposé des évènements extraordinaires que l’État en question considère comme ayant compromis ses intérêts suprêmes.

La formulation de l’article confère expressément aux parties le droit de se retirer quand elles le décident. Il y a donc un élément d’appréciation subjective accordée à l’État. Trois éléments doivent néanmoins être nommés dans la notification communiquée, soit les « évènements extraordinaires », qui sont « en rapport avec l’objet du […] traité » et, finalement, qu’ils compromettent les « intérêts suprêmes » de l’État. Le retrait de celui-ci deviendra effectif trois mois après que la notification aura été acheminée au Conseil de sécurité. Ajoutons que le droit général coutumier impose une obligation de bonne foi,213 mais qui, dans le présent

209 G. DEN DEKKER, T. COPPEN, préc., note 201, p. 34. 210 K. EGELAND, préc., note 25, p. 33.

211 G. DEN DEKKER, T. COPPEN, préc., note 201, p. 36 – 37. 212 TNP, art. X (1).

contexte, serait très difficile à prouver214. Il fut souligné dès les négociations entourant le

TNP qu’il n’est pas simple de déterminer ce que constitue un motif légitime pour se retirer de l’accord. En effet, la formulation « évènements extraordinaires que l’État en question considère comme ayant compromis ses intérêts suprêmes », subjective par nature, n’a jamais été officiellement interprétée par une autorité215. L’expression étant vague, il est impossible

de dresser une liste précise de ce que constituent de tels cas. Nous pouvons cependant supposer que, dans le contexte de contrôle d’armes de destruction massive, il est question d’éléments relevant de la sécurité nationale d’un État216.

Conséquemment, il est difficile pour d’autres États de contester la légalité des raisons invoquées par la partie qui se retire. L’expression « si l’État décide », retrouvée à l’article X (1) TNP, signifie que la partie en question est la seule qui possède l’autorité pour interpréter ce que constitue un évènement extraordinaire. Un tel élément est donc réputé exister dès que l’État concerné le déclare. La seule vraie limitation au droit de retrait est conséquemment la matérialisation des « évènements extraordinaires » invoqués par l’État. Les évènements futurs qui pourraient possiblement survenir ne sont pas suffisants pour justifier le retrait217.

Les conséquences doivent donc être réelles et non hypothétiques. Le droit de retrait du TNP serait d’ailleurs une cause autonome d’extinction, à savoir le changement fondamental de circonstances218. Celui-ci, relevant des principes généraux de droit international, sera abordé

plus loin.

À première vue, le manque de réelles conditions pour qu’un État puisse se prévaloir du droit de retrait peut sembler surprenant, surtout dans le cadre d’un régime juridique portant sur une problématique aussi importante que la prolifération de l’arme nucléaire. Cela s’expliquerait par le fait que le Conseil de sécurité est techniquement impliqué dans le processus de retrait.

214 G. BOUTHERIN, préc., note 202, p. 794.

215 G. DEN DEKKER, T. COPPEN, préc., note 201, p. 37.

216 Tom COPPEN, « Good faith and withdrawal from the Non-Proliferation Treaty », (2014) Question of

International Law 1, en ligne: <http://www.qil-qdi.org/good-faith-and-withdrawal-from-the-non-proliferation-

treaty/> (consulté le 13 février 2020).

217 G. DEN DEKKER, T. COPPEN, préc., note 201, p. 38. 218 G. BOUTHERIN, préc., note 202, p. 793.

En effet, lors des négociations tenues dans les années 1960, certains participants, tel le Brésil, ont considéré qu’il ne serait pas avantageux pour les États individuels de rendre la procédure de retrait trop difficile par l’ajout de conditions spécifiques. Ainsi, une fois de plus, il était question d’États tentant de conserver jalousement leur souveraineté. Cette idée fut acceptée par les autres parties, notamment l’URSS et les États-Unis. Elles considérèrent que cela ne représentait pas un grand risque puisque le respect et l’effectivité du TNP sont liés aux pouvoirs du Conseil de sécurité et à sa responsabilité principale du maintien de la paix et de la sécurité internationales219. Le plan initial était donc d’assurer la plus grande adhésion

possible au traité, quitte à se prévaloir d’un droit de retrait subjectif et, à première vue, peu exigeant. Il fut considéré que le Conseil de sécurité se chargerait de tout retrait susceptible d’être perçu comme une menace par la communauté internationale. Le texte du TNP vise clairement à permettre à celui-ci de se pencher sur un tel retrait et de prendre des mesures adéquates, incluant l’utilisation de la force si nécessaire220.

L’historique de l’ONU nous a malheureusement démontré que le Conseil de sécurité, organe pourtant voué à agir rapidement et efficacement au nom de la communauté des États, est trop souvent bâillonné par le droit de veto et les différences politiques par moment irrémédiables entre ses membres. Pourtant, nombreux sont ceux qui s’entendent pour dire qu’il devrait assumer ce rôle et se pencher sur le retrait du TNP par un État. L’AIEA, actrice clé du régime, est la première à l’affirmer221.

219 George BUNN, John B. RHINELANDER, « NPT Withdrawal: Time for the Security Council to Step In », Arms

Control Association, 1er mai 2005, en ligne: <https://www.armscontrol.org/act/2005-05/features/npt-

withdrawal-time-security-council-step> (consulté le 27 novembre 2019).

220 Id.

221 Le groupe d’experts mené par El Baradei, maintenant ex-directeur de l’AIEA, en sont un exemple. Il a

affirmé en 2005 que « [t]he UN Security Council, as the international organ bearing the main responsibility for the maintenance of international peace and security, should be prepared to respond to such action, insofar as withdrawal from the NPT could be seen as a threat to international peace and security » (Expert Group Report to the Director General of the IAEA, Multilateral Approaches to the Nuclear Fuel Cycle AIEA INFCIRC/640, 22 février 2005, p. 131).