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Déterminer les fonctions de n’importe quel titre n’est pas une mince affaire, du fait que la relation entre ce dernier et le texte est ambiguë. En effet l’étude des fonctions du titre a suscité l’intérêt et la curiosité de plusieurs chercheurs comme par exemple Claude Duchet, Léo H. Hoek, Roland Barthes et Umberto Eco .plusieurs théoriciens se sont donc entendus sur au moins sur quatre fonctions : appellative, référentielle, conative et métalinguistique.

- La fonction appellative : Le titre sert à identifier le livre, à désigner l’ensemble du texte qui le suit. En ce sens, il nomme l’œuvre et peut désigner le contenu et/ou dénoter la forme.

- La fonction référentielle : Le titre signifie quelque chose en soi. Ce quelque chose peut être considéré en soi (en tant que locution) ou à travers sa relation au titre. Cette fonction est souvent confondue avec la fonction appellative.

- La fonction conative : L’appareil titulaire tend à agir sur le lecteur, c’est là son emploi proprement rhétorique. Cette fonction a le mérite de caractériser plus nettement la composante incitative de l’intitulé. c’est sur le titre que repose le succès immédiat de l’œuvre. L’ambiguïté, l’incomplétude, l’énigme, les figures de style, sont autant de procédés mis en œuvre afin de séduire le lecteur et le convaincre de lire. Enfin, elle peut s’avérer positive, négative ou nulle selon les récepteurs. Il s’agit donc d’une fonction subjective.

- La fonction métalinguistique : étant donné qu’il lie l’auteur au lecteur, la présence du titre ne pourrait être due à un hasard. le titre est le médiateur entre le lecteur, le texte et son auteur, il oriente la lecture lorsqu’il est introduit anaphoriquement au texte. Cette fonction sert à montrer à quel point le titre partage un rapport de réciprocité avec le texte

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Alors pour répondre aux exigences du marché littéraire, le titre est considéré comme l’élément le plus travaillé par l'auteur mais aussi par l'éditeur, indépendamment de sa fonctionpremière qui est d'être la porte d'entrée dans l'univers romanesque, il participe alorsde la médiation entre l'auteur et le lecteur.

Les titres avant tout nous dictent des interprétations des contenus des œuvres sauf pour certains tels que ceux qui portent des noms propres par exemple. Il est connu comme un déclencheur du processus sémiotique vu que ce processus génère des significations qui sont l’effet d’un ensemble de lectures. De cela plusieurs fonctions du titre dépendent et sont liées aux objectifs tracés ou fixés par l’auteur, le premier objectif du titre que l’auteur fixe est celui d’attirer l’attention du lecteur sur le roman et susciter sa curiosité ; un objectif purement attractif et provoque par la suite cet acte d’imagination sur ce que pourrait cacher le roman entre ses feuilles. Certains auteurs choisissent le titre pour son aspect esthétique et qui n’a rien à voir avec son contenu, le lecteur est désorienté et trompé, et devient ainsi polysémique. Sans oublier de citer que d’autres éléments paratextuels du titre contribuent à donner une interprétation première pour le roman tels que les photographies, les couplets, synopsis, le nombre des syllabes…et parfois le choix des mots et leurs sonorités ajoutent au titre une signification symbolique.

Pour Christiane Achour et Simone Rezzoug, le titre se présente comme « incipit

romanesque »1. Il estemballage dans le sens où il "promet savoir et plaisir" ce qui fait de lui unacte de parole performatif ; mémoire, dans la mesure où il rappelle au lecteurquelque chose de déjà connu et donc a une fonction mnésique ; et incipitromanesque, vu qu'il permet l'entrée anticipée au texte. Le titre, comme toutecommunication verbale, remplit plusieurs fonctions notamment cellesdéterminées par Jackobson .R :- la fonction référentielle (il doit informer), - la fonction conative (il doit impliquer),- la fonction poétique (il doit susciter l'admiration ou l'intérêt).

Pour Genette, le titre a quatre fonctions principales : -la désignation ou l’identification du livre, sa description – qui peut être métaphorique –, l’expression d’une valeur connotative et une fonction dite « séductive ».

Dans son étude titrologique sur roman « Le Rouge et le Noir », de Stendhal, Serge Bokobza lui prête plutôt une fonction de projecteur, « chargé d’attirer les regards [et] de

1 ACHOUR. C. et REZZOUG. S., Convergences critiques, Office de Publications Universitaires, Alger, 1985, P : 30

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créer le relief »1. Il ajoute aussi : […] changer l’éclairage ce sera aussitôt changer la profondeur et la forme du relief. De ce point de vue, le titre qui accompagne un énoncé littéraire devra être analysé non seulement en fonction des relations qu’il entretient avec le contenu même de l’œuvre (auteur), mais aussi face à sa position vis-à-vis du public (lecteur) »2.

De son côté Claude Duchet, lui attribuait déjà une fonction conative, c’est-à-dire centrée sur le destinataire, on reconnaît au titre une valeur pleinement significative pour le lecteur :

« il décrit l’œuvre, attire les regards sur elle et séduit éventuellement »3. Mais il y a plus. Bokobza soutient que : « En lisant le titre, le lecteur sera, en somme, conditionné dans

l’optique de l’événement à venir (…..) La lecture d’un roman passerait-elle alors d’abord par la compréhension de son titre ? »4.

De l’avis d’Umberto Eco, « un titre est déjà – malheureusement – une clef interprétative.

On ne peut échapper aux suggestions générées par Le Rouge et le Noir ou par Guerre et Paix »5.

Aussi parmi les fonctions du titre est celle de l’invitation à la coopération au processus textuel de signification. Le lecteur se trouve parfois manipulé puisque les titres sont généralement persuasifs.

Dans les romans formant notre corpus, le narrateur (parfois c’est le personnage principal) du récit s’adresse continuellement, à travers l’usage de différentes instances énonciatives dont il use en alternance, au lecteur pour l’engager et l’emmener à se positionner avec lui dans sa lecture. C’est toujours la même situation initiale qui commence par l’instance énonciative « narrateur » qui débute ses romans par une présentation soit du personnage central, une description morale et non pas physique, cette dernière sera élaborée ultérieurement ; « Menrad, modeste instituteur du bled kabyle, vit au milieu des aveugles.

Mais il ne veut pas se considérer comme roi. D’abord il est pour la démocratie ; ensuite, il

1Genette, G. : Palimpsestes, Ed. Seuil, coll. « Poétique », Paris, 1982, P 97

2 Bokobza, S. : Contribution à la titrologie romanesque : variations sur le titre Le Rouge et le Noir, Genève,1986, Droz, coll. « Stendhalienne ».P 37

3 C.Duchet. « La fille abandonnée et la bête humaine : éléments de titrologie romanesque ».Op.cit. P.51

4 Bokobza, S.: Contribution à la titrologie romanesque ,op.cit. P 20.

5 Eco, U, Lector in fabula. Le rôle du lecteur ou la coopération interprétative dans les textes narratifs, Paris, Grasset. P 7

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a la ferme conviction qu’il n’est pas un génie »1 ou par une description minutieuse des lieux, une vue globale et panoramique « l’histoire qui va suivre a été réellement vécue

dans un coin de Kabylie desservi par une route, ayant une école minuscule, unemosquéeblanche, visible de loin, et plusieurs maisons surmontées d’un étage (…) le village est assez laid (…..) on doit l’imaginer plaqué au haut d’une colline, telle une grosse calotte blanchâtre et frangée d’un monceau de verdure (…).on s’engage , selon le temps , dans la poussière ou la boue, on monte, on monte, on zigzague follement au-dessus des précipices. On s’arrête pour souffler, on cale les roues, on remplit le réservoir .puis on monte, on monte encore. Ordinairement, après avoir passé les virages dangereux et les ponts étroits, on arrive enfin, on fait une entrée bruyante et triomphale au village d’Ighil-Nezman »2. En lisant ce passage nous avons le sentiment que c’est la « fin d’un combat » très rude avec la nature afin d’accéder au village.

En abordant une analyse des titres et leurs dérivées nous pouvons remarquer une certaine complicité entre l’instance réceptrice « le lecteur » et les différentes instances énonciatives telles que les personnages des romans et surtout une grande complicité avec les héros des différentes œuvres.

Qui pourrait ne pas s’identifier au principal héros Fourouloudans le passage suivant : «Sa

mère l’avait embrassé tendrement et souriait avec un orgueil naïf »3. La tendresse que porta chaque mère pour un fils unique et qui va s’éloigner d’elle-même s’il s’agissait de faire des études et pour un avenir meilleur. Ou le sentiment de retrouver son bercail après une longue absence forcée «lorsque le Kabyle revient dans sa montagne après une longue

absence, le temps qu’il a passé ailleurs ne lui apparait plus que comme un rêve. Ce rêve peut être bon ou mauvais, mais la réalité, il ne la retrouve que chez lui, dans sa maison, dans son village »4.

1Mouloud Feraoun, le fils du pauvre, Ed. Seuil, Paris, 1995, P9

2 Mouloud Feraoun, la terre et le sang,Ed.TALANTIKIT, Bejaia, 2014, P : 5 3 Mouloud Feraoun, le fils du pauvre,Ed. Seuil, Paris, 1954, P145

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II- Titres,sous-titres et éléments paratextuels

Le sous-titre, comme le titre d'ailleurs, font partie du territoire du texte. Ils constituent un élément de la fiction romanesque qui a ses ramifications dans le réel. Ils constituent aussi des parties du "seuil" du roman qui participe de l'inscription de l'auteur, de l'éditeur mais aussi du lecteur. Comme ils ont un rapport étroit avec la création d'un horizon d'attente.