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A. Historique

La floculation est un processus physico-chimique au cours duquel des particules vont s’agréger pour former des particules plus grosses que l’on appellera flocs. Comme nous l’avons vu, cette technique est largement utilisée pour la potabilisation de l’eau mais aussi pour le traitement des effluents. Elle souffre de plusieurs limitations, en particulier des temps de décantation relativement longs qui peuvent parfois conduire, de plus, à une mauvaise séparation des flocs de l’effluent et l’utilisation d’agent de floculation qui pourraient être toxiques sur le long terme comme les sels d’aluminium.

L’utilisation d’un agent de floculation à base de particules magnétiques (généralement des oxydes de fer) qui permettent d’éliminer les flocs par séparation magnétique, peut régler ces problèmes. La floculation a été le premier procédé à bénéficier de la séparation magnétique [38].

Dès 1941, Urbain et al. [38] ont montré l’intérêt d’utiliser de la magnétite en plus des agents de floculation traditionnels afin d’éliminer la matière organique en suspension dans les effluents agroalimentaires. Ils ont montré que la séparation magnétique conduit à une diminution considérable des temps de décantation des flocs.

De Latour [39], [40] propose en 1973 l’un des premiers processus de floculation magnétiquement assistée pour capturer les polluants présents dans l’eau et surtout améliorer les temps de décantation pour des quantités non négligeables d’eau. Il utilise des particules de magnétite et un filtre, plus précisément, une laine en acier inoxydable qui permet de capturer ces flocs magnétiques.

Par la suite, les chercheurs n’ont cessé de mettre au point de nouveaux procédés de floculation magnétiquement assistées. Les industriels, quant à eux, ont non seulement développé ces procédés pour des applications en potabilisation ou en traitement des effluents mais sont passés, parfois aujourd’hui à leur commercialisation. C’est sur ces deux derniers points que portera la prochaine partie.

B. Procédé SIROFLOC

Ce processus de floculation magnétiquement assistée pour la potabilisation des eaux est déjà commercialisé dans l’industrie. Il a été développé dans les années 80 par des chercheurs australiens [41], [42]. Le principe de cette technique est le suivant : l’eau à traiter est passée dans 3 bassins pour être mélangée avec des particules de magnétite ayant une taille allant de 1 à 10 µm. Ce mélange est effectué dans un premier bassin à pH acide (pH = 5-6) afin de permettre aux particules d’avoir une charge positive à leur surface et donc de floculer avec les particules colloïdales indésirables.

Il faut savoir que la couleur de l’eau à traiter vient de la décomposition de la matière organique et de la présence de fer dissout. La turbidité quant à elle est généralement due aux particules d’argiles. Dans le deuxième bassin les particules colloïdales indésirables chargées négativement sont floculées par les particules magnétiques qui se retrouvent alors avec une charge négative voire neutre à leur surface.

Au niveau du 3ème bassin, un polymère cationique est également ajouté au mélange, un ajout qui permet notamment de réduire la turbidité de l’eau à traiter et permet de travailler avec des quantités de particules magnétiques moins importantes et à un pH plus élevé. Tous ces éléments sont mélangés pendant 6 à 7 minutes, puis la suspension passe par la suite entre plusieurs tambours (Figure 6) dotés d’aimants permanents qui vont permettre de séparer la magnétite chargée de polluants de l’eau propre. L’eau traitée, incolore et débarrassée du fer, de l’aluminium et de la matière en suspension passe par une étape de filtration au cours de laquelle le pH est augmenté en ajoutant du chlore afin d’éliminer les traces de manganèse et de désinfecter.

La magnétite chargée de polluants passe quant à elle dans un bassin de régénération dans lequel est ajouté de la soude afin d’inverser la charge de surface (pH = 11) des particules de magnétite et ainsi de désorber les polluants. De nouveaux tambours sont alors utilisés pour récupérer les particules magnétiques qui sont par la suite réutilisées.

Figure 6 : Tambours magnétiques utilisés dans le procédés SIROFLOC

Le procédé SIROFLOC a été reconnu comme étant une innovation majeure dans le domaine du traitement de l’eau. L’utilisation de particules magnétiques comme agent de floculation permet un gain considérable sur les temps de floculation et de décantation mais permet aussi des économies du fait de la réutilisation en boucle des particules de magnétite. Cela évite également l’utilisation de certains agents de floculation qui pourraient être toxiques. Le procédé SIROFLOC est, pour l’instant, le seul procédé utilisant la floculation magnétiquement assistée en industrie.

Cependant, les chercheurs ont développé d’autres procédés magnétiquement assistés permettant l’amélioration de cette étape-clef de la floculation pour le traitement de l’eau. La plupart de ces processus ont été brevetés. Par ailleurs, des recherches académiques ont été menées et ont permis de mieux comprendre le processus de floculation-décantation magnétiquement assisté. L’ensemble de ces études est présenté dans la partie suivante.

C. Brevets et publications récentes

Dans la littérature, on retrouve des travaux concernant l’amélioration du procédé SIROFLOC. Pavlova et al. [43] propose, en 2004, une solution qui donne de meilleurs résultats que le procédé SIROFLOC classique. Il utilise du sable noir venant de Bulgarie qui contient non seulement de la magnétite mais également de l’hématite et ajoute à ce mélange un polymère cationique pour permettre la floculation. L’avantage, ici, est le travail avec du sable noir naturel riche en magnétite à la place de la magnétite en poudre utilisée dans le procédé classique. De plus, ce nouveau traitement permet de travailler directement à pH neutre, au lieu du pH acide du procédé classique.

Nous pouvons également citer des travaux concernant l’extension du procédé SIROFLOC au traitement des effluents domestiques [44] .

Par ailleurs, plusieurs brevets ont été déposés ces dernières années sur de nouveaux procédés de floculation magnétiquement assistée. Par exemple Cort, [45] développe en 2010 deux systèmes couplés. Dans le premier système, une partie de l’eau à traiter est mélangée dans plusieurs bassins à des agents de floculation traditionnels comme des polymères cationiques et est placée ensuite dans un bassin adjacent où les flocs décantent sous gravité. Les flocs pollués sont récupérés, régénérés et réinjectés dans les premiers bassins.

Dans le second système, l’autre partie de l’eau subit plusieurs traitements chimiques avant d’être mélangée à des particules magnétiques de magnétite dans un premier bassin. Puis, la suspension est placée dans un bassin adjacent où un tambour magnétique est utilisé pour récupérer les flocs magnétiques chargés de polluants.

Mais Cort. ne s’est pas arrêté là. En 2016, il développe un nouveau système de collecte de flocs magnétiques [46]. L’eau à traiter est placée dans un petit bassin qui contient des particules magnétiques de magnétite à laquelle on ajoute un polymère cationique afin de faire floculer le système. Cette suspension passe à travers un premier disque magnétique qui retient une partie des flocs magnétiques et la partie non magnétique de ce floc est grattée et envoyée vers d’autres bassins. La suspension résultant de la première étape de traitement passe ensuite dans un tambour contenant plusieurs aimants à base de terres rares qui permettent de récupérer les derniers flocs magnétiques. Ici encore, la partie non magnétique est séparée mécaniquement et envoyée vers d’autres bassins tandis que la magnétite est récupérée et envoyée en zone de floculation pour être réutilisée.

Dans une revue de la littérature, Karapinar et al. [47] rapportent d’autres exemples de floculation avec séparation magnétique, plus particulièrement l’utilisation des systèmes de filtration magnétique pour la récupération des phosphates précipités. Dans le domaine de la recherche académique, il y a relativement peu de publications récentes sur la floculation-décantation magnétiquement assistée pour le traitement de l’eau. Citons les études théoriques de Yiacoumi et al. [48] sur les mécanismes de la floculation en présence de

microparticules magnétiques. D’autres références sur les études théoriques sont retrouvées dans la revue de la littérature récente de Luo et al. [49].

Il y a peu de travaux sur l’utilisation de NP magnétiques comme agent de floculation ; la majorité des travaux cités précédemment utilisant des particules de taille micrométrique (quand la taille est spécifiée). Cependant, nous pouvons citer les travaux de Lohwacharin et al. [50] concernant l’utilisation de NP magnétiques de l’ordre de 50 nm afin de faire floculer la matière en suspension présente dans les eaux de rivières de forte turbidité.

Une des originalités de notre travail est précisément l’utilisation de NP magnétiques de très petite taille (environ 10 nm) pour la floculation.