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2.2 Réponses à des sollicitations intra-plis

2.2.6 Flexion

D’après la théorie des poutres d’Euler-Bernoulli, la rigidité de flexion B par unité de largeur d’un solide élancé continu homogène est liée au module de traction EL dans

la direction du solide de telle façon que :

B “ EL

hs3

12 (2.6)

pour un solide de section rectangulaire d’épaisseur hs. Cependant, cette relation sup-

pose une structure parfaitement continue, or, comme pour les autres sollicitations, le comportement de flexion est influencé par le réarrangement de la structure fibreuse au cours de l’essai. Il a d’ailleurs été montré que la relation (2.6) donne une rigidité de flexion très surestimée [49]. Par conséquent, une rigidité de flexion équivalente re- présentative ne peut pas être extraite de la rigidité de traction du milieu équivalent. Peirce [50] a été le premier à introduire un modèle à l’échelle du pli pour la rigidité de flexion des textiles fléchissant sous leur poids propre, basé sur l’hypothèse d’un com- portement linéaire élastique. Pour cela, il introduit la notion de « longueur de flexion »

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(bending length) c comme caractéristique intrinsèque des renforts en flexion, telle que deux textiles ayant la même longueur de flexion ont la même déformée. Peirce montre alors que rajouter le facteur correctif cospθ{2q dans la solution dans le cadre des petites perturbations donne une bonne approximation de la solution dans le cas des petites déformations et grandes déflexions :

c3 “ B

A g “

L3 cospθ{2q

8 tanpθq (2.7)

où θ [rad] est l’angle formé par la corde et l’axe horizontal, L [m] la longueur de la bande fléchie, et g [m ¨ s´2] l’accélération de la pesanteur comme représenté sur la figure 2.13a.

Dans le cas d’un comportement de flexion non-linéaire, la rigidité de flexion tan- gente par unité de largeur d’un renfort est plus généralement définie par [51] :

Bpκq “ dMpκq

dκ (2.8)

où M [N ¨ m ¨ m´1] est le moment de flexion par unité de largeur, B [N ¨ m2 ¨ m´1]

la rigidité de flexion par unité de largeur, et κ [m´1] la courbure. Plusieurs modèles

ont été introduits pour prendre en compte la non-linéarité de la relation moment vs. courbure. On peut citer par exemple des relations bi-linéaires [52], des relations non-linéaires pour les petites courbures puis linéaires [51, 53], ou encore le modèle de Grosberg [54], pour lequel aucune déflexion n’apparaît avant une valeur seuil de mo- ment (dite « moment coercitif ») à partir de laquelle la relation moment vs. courbure est linéaire. D’autres modèles encore visent à décrire le caractère irréversible (i.e. non élastique) du comportement de flexion, dû à la dissipation d’énergie par frottement inter-fibres, ce qui se traduit par un phénomène d’hystérésis – c’est le cas par exemple du modèle de Dahl [55], obtenu en généralisant le modèle de frottement de Coulomb. A cause de la faible rigidité en flexion des renforts, les méthodes usuelles de ca- ractérisation du comportement en flexion telles que la flexion trois ou quatre points ne peuvent pas être utilisées, et plusieurs méthodes standardisées ont été développées spécifiquement pour l’industrie textile. Dans la méthode du flexomètre à angle fixe, un échantillon de renfort est encastré d’un côté et laissé libre de l’autre, et fléchit sous son propre poids. La longueur de la bande fléchie est augmentée jusqu’à ce que le bout libre de l’échantillon touche un plan incliné à 41,5°, valeur de θ pour laquelle le quotient cospθ{2q{ tanpθq est environ égal à 1. La longueur de flexion c peut alors être calculée avec l’équation 2.7. Cette méthode est décrite dans les normes ASTM3

D1388 pour les tissus et ASTM D5732 pour les non-tissés. Un exemple de flexomètre à angle fixe vendu dans le commerce est donné sur la figure 2.13b. Cette méthode pré- sente l’avantage d’être simple, économique et rapide, cependant elle présente plusieurs limites :

- 1 - le comportement en flexion doit être élastique ;

- 2 - le comportement en flexion doit être linéaire ;

- 3 - le facteur correctif cospθ{2q ajouté par Peirce dans l’équation 2.7 est empirique : il a été déterminé dans le cas des textiles non techniques et sa validité n’a pas été prouvée pour les renforts techniques depuis ;

- 4 - les renforts doivent être relativement souples car il faut que la bande fléchie atteigne le plan incliné (qui est de longueur finie) ;

- 5 - les essais sont réalisés à température ambiante.

(a) (b)

Figure 2.13 – Grandeurs associées au modèle de Peirce (équation 2.7) (a) et illustration d’un flexomètre à angle fixe commercialisé par Taber Industries (b).

Une deuxième méthode standardisée est celle du Kawabata Evaluation System KES-FB2 [45]. Elle permet de décrire la relation moment vs. courbure à la fois lors de la charge et de la décharge, et donc de caractériser le phénomène d’hystérésis. Les modèles de Grosberg [54] ou de Dahl [55] peuvent ensuite être utilisés pour repré- senter le comportement obtenu. Elle a été utilisée sur des multi-plis NCF [56] et sur un tissu [57] par exemple. Enfin, la méthode standardisée de Schlenker DIN4 53864

peut également être citée : un échantillon de renfort fléchit sous son propre poids et une force ponctuelle est appliquée au bout de l’échantillon, ce qui permet de tester différents angles de flexion, et donne un résultat de rigidité de flexion en fonction de l’angle de flexion. Cependant, ces deux dernières méthodes permettent uniquement une caractérisation à température ambiante, du fait de la complexité des équipements. Dans le but de contourner les limites des méthodes standardisées, des variantes ont été proposées, principalement du test du flexomètre à angle fixe car il reste le plus simple à mettre en place. Afin de caractériser la non-linéarité du comportement de flexion (limite - 2 -), Bilbao et al. ont réalisé le test avec différentes longueurs de bandes fléchies sur des renforts secs NCF et interlocks [58]. Pour ne plus être limité par la taille de l’équipement (limite - 4 -), Liang et al. ont placé des masselottes au bout de l’échantillon pour faire varier sa courbure [59]. Enfin, pour s’affranchir du modèle empirique de Peirce (limite - 3 -), le profil complet de l’échantillon déformé peut également être exploité afin de caractériser en chaque point la relation moment vs. courbure, et donc connaître avec un seul essai la relation moment vs. courbure sur une gamme de courbures. La démarche générale est alors la suivante [51,58,60,61] :

(1) photographier la déformée de l’échantillon en flexion ;

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(2) obtenir les coordonnées cartésiennes px, zq de la déformée dans la base orthonor- mée pE1, E3q par traitement d’image ;

(3) définir une relation z “ fpxq à l’aide d’une régression avec un polynôme [51,60], une série de fonctions exponentielles, ou des B-splines [61] par exemple ;

(4) calculer la courbure κpxq avec la relation z “ fpxq telle que :

κpxq “ f

2

pxq

p1 ` f1pxq2q3{2 ; (2.9)

(5) calculer l’abscisse curviligne spxq telle que :

spxq “ żs

u“0

a

1 ` f1pxq2du ; (2.10)

(6) calculer le moment de flexion Mpsq par unité de largeur pour chaque point Apsq tel que : Mpsq “ › › › › żL ξ“s ABpξq ^ ´A g E3dξ › › › ›« żL ξ“s A g pξ ´ sq cospαpξqq dξ (2.11) où s [m] est l’abscisse curviligne au point A telle que s “ 0 à l’encastrement O et s “ L au bout libre C, et l’abscisse curviligne ξ [m] et l’angle α [rad] sont les coordonnées du point Bpξq courant de Apsq à C dans le repère de Frénet associé, comme représenté sur la figure 2.14 ;

(7) définir une relation entre le moment de flexion et la courbure M “ Mpκq.

Figure 2.14 – Notations employées lors du calcul du moment de flexion avec l’équation 2.11.

Par ailleurs, des variantes en température (limite - 5 -) ont également été mises

en place pour les renforts pré-imprégnés (UD carbone/PEEK et UD carbone/PPS5

par exemple [59]). Un premier point délicat est alors la montée en température de l’échantillon. Ainsi, un test de flexion vertical (vertical cantilever) à chaud [62, 63] a été proposé : il permet de n’appliquer le chargement qu’à partir du moment où la température souhaitée est atteinte. Cependant une déformation de l’échantillon est

déjà observée avant application du chargement due à la montée en température [64]. Une seconde difficulté concerne l’homogénéité de la température dans l’étuve malgré le pré-chauffage du montage. Pour pallier cela, des essais sont mis en place dans des volumes plus faibles : dans une machine de DMA en flexion 3-points [65], ou bien avec un rhéomètre [66]. Enfin la gestion de l’encastrement est également sensible, et peut influencer les résultats de manière significative [64].

A titre d’exemple, la caractérisation de la flexion hors-plan d’un matériau AFP de type UD carbone/époxy avec un flexomètre à angle fixe a donné une rigidité de flexion d’environ 10 N ¨ mm2 dans la direction des fibres, et 0,005 N ¨ mm2 dans la direction

transverse plane [33] dans laquelle la cohésion est uniquement assurée par la matrice. Dans cette partie 2.2, une description détaillée des réponses du milieu intra-pli des renforts fibreux sous diverses sollicitations, et de leurs méthodes de caractérisation a été proposée : les tractions longitudinale et transverse plane, la compaction, les cisaillements plan et transverses hors-plan et la flexion ont ainsi retenus l’attention dans le cas de divers travaux. Afin d’étudier la mise en forme d’un empilement de renforts fibreux, les modes inter-plis doivent de plus être caractérisés : il s’agit du glissement et de la décohésion inter-plis, présentés dans la partie 2.3 suivante.