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2.2 Réponses à des sollicitations intra-plis

2.2.4 Cisaillement plan

Le cisaillement plan est le mode de déformation prépondérant lors de la mise en forme d’un renfort de type tissu sec sur une forme non développable ; de nombreux travaux se sont donc attachés à le caractériser. Lorsqu’un renfort tissé est sollicité en cisaillement plan, les mèches commencent par tourner au niveau des points de contacts, puis elles rentrent en contact et les efforts augmentent fortement. Ce comportement est fortement non-linéaire, par conséquent on ne peut pas déduire un module de cisaille- ment équivalent à partir du module des fibres. Caractériser ce comportement consiste alors à identifier la relation entre la force et l’angle de cisaillement, défini par l’angle complémentaire de celui formé par la chaîne et la trame (i.e. leur somme vaut π{2).

Deux méthodes communes de caractérisation existent : le bias-extension test et le picture-frame test (ou trellis-frame test). Elles sont illustrées sur la figure 2.10. Elles nécessitent une machine de traction standard et ont pour donnée de sortie la force en fonction du déplacement. Le déplacement est ensuite géométriquement relié à l’angle de cisaillement. Dans le picture-frame test, le renfort est placé dans un cadre articulé initialement carré sollicité dans la direction d’une diagonale, les directions des fibres étant parallèles aux côtés du carré. Ce test vise à solliciter le renfort en cisaillement pur ; pour cela, le cadre est déformé en losange au cours de l’essai. Dans le bias-extension

test, un échantillon rectangulaire, dont la longueur dans la direction de sollicitation est au moins deux fois supérieure à la largeur, est testé en traction, les fibres étant orien- tées à ˘45°. Ces deux méthodes présentent l’avantage d’être assez simples à mettre en place, et sont très utilisées pour caractériser différents tissus, pré-imprégnés ou non, possiblement dans une enceinte thermique. Les principales limites du picture-frame test sont (i) sa sensibilité à un défaut d’alignement car si les fibres travaillent en ten- sion, le test est perturbé puisque la rigidité en tension est bien supérieure à celle de cisaillement, et (ii) l’encastrement. En effet, pour solliciter l’échantillon en cisaillement pur, la rotation devrait être autorisée au niveau de la zone de maintien de l’échantillon dans le cadre (encastrement), or cela n’étant généralement pas le cas une forme de S apparaît et la déformation n’est plus homogène. Pour pallier cela, des variantes ont été proposées avec un système autorisant la rotation au niveau de l’encastrement [44], mais cela semble limité à des renforts ayant une tenue dans le sens transverse. La zone proche de l’encastrement ne se cisaillant pas, le bias-extension test n’est pas sujet à ce dernier problème, cependant l’exploitation des résultats est plus difficile. D’autres tests de cisaillement plan ont également été proposés, tel que celui du Kawabata Eva- luation System KES-FB1 [45].

(a) (b)

Figure 2.10 – Schémas des deux méthodes les plus communes de caractérisation du cisaille- ment plan : picture-frame test (a) et bias-extension test (b) d’après [46] – la direction de sollicitation est indiquée en rouge.

Dans le cas des renforts unidirectionnels, le cisaillement plan correspond au glis- sement relatif des fibres. La définition précédente de l’angle de cisaillement n’est plus valide ; il peut être redéfini comme l’angle entre la direction actuelle des fibres et la di- rection initialement perpendiculaire aux fibres. Pour le quantifier, une grille peut être dessinée sur le renfort non déformé. Un angle limite de cisaillement peut également être défini comme l’angle à partir duquel des plissements apparaissent.

Tout comme pour la traction transverse plane, la tenue en cisaillement plan d’un renfort unidirectionnel pré-imprégné est principalement liée aux caractéristiques de la matrice, avec un effet de la température et de la vitesse de déformation. Des essais

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sur un fil AFP (pré-imprégnés UD carbone/époxy) tout comme sur des plis unitaires d’AFP (fils pré-imprégnés déposés côte à côte en contact) ne sont pas exploitables [33], d’une part à cause de la torsion des fils due à l’encastrement et d’autre part à cause de la faible tenue du matériau dans le sens transverse plan. Seuls des empilements de 4 plis de même orientation ont pu être caractérisés car il y a davantage de cohésion entre les fils, ce qui permet la transmission des contraintes de cisaillement – l’essai est illustré sur la figure 2.11a. Dans cette configuration, un angle de cisaillement limite a été visuellement évalué entre 2 et 4° ; au-delà il y a non seulement apparition de plissements mais aussi perte d’intégrité du matériau, une décohésion transverse plane due à la faible tenue du renfort en cisaillement plan.

Cependant, le maintien de la cohésion du renfort UD testé est nécessaire pour in- terpréter les résultats dans le cadre de la mécanique des milieux continus. Plusieurs solutions ont donc été envisagées pour améliorer l’intégrité du renfort testé. En ce qui concerne le picture-frame test, le renfort a été placé entre deux membranes maintenues par le cadre, et l’ensemble constitué par le renfort et les membranes a été caracté- risé [47]. Cependant, la contribution des membranes n’a pas pu être isolée de celle du renfort. Des empilements croisés (cross-plies) ont également été testés, mais tout comme pour les empilements UD, la déformation n’est pas homogène : une bande cen- trale illustrée sur la figure 2.11b apparaît.

(a) (b)

Figure 2.11 – Exemples d’échantillons unidirectionnels testés en cisaillement plan avec le picture-frame test sur un empilement de 4 plis UD carbone/époxy de même orientation [33] (a) dans la configuration initiale (à gauche), et avec un angle de cisaillement d’environ 2° (au milieu) et 40° (à droite), et avec le bias-extension test sur un empilement croisé UD carbone/époxy [48] (b) – la direction de sollicitation est indiquée en rouge.