2. Filtrations de Harder-Narasimhan
2.2. Filtration et polygone de Harder-Narasimhan
Remarque 2.1.11. — 1) Dans [14] theorem 1.1, l’auteur a montr´e que
b
µ
max(E
1⊗ · · · ⊗E
n)≤
nX
i=1b
µ
max(E
i) + log(rgE
i)
.
Si on applique ce r´esultat `a la famille (E
∨i)
1≤i≤n, en s’appuyant sur l’´egalit´e
b
µ
max(E
∨) =−bµ
min(E), on obtient (27).
2) Dans [14], les estimations sont obtenus dans le cadre des fibr´es vectoriels
her-mitiens sur SpecO
K, mais ces estimations reste valables pour le cas g´en´eral des
fibr´es ad´eliques hermitiens avec le mˆeme terme d’erreur. En effet, il s’agit l`a d’un
argument dans la th´eorie classique des invariants et de l’in´egalit´e de pentes, qui
sont tous les deux valables dans le cadre ad´elique.
2.1.6. Comparaison des fibr´es vectoriels ad´eliques aux fibr´es ad´eliques
her-mitiens. — SoitV un espace vectoriel de rang fini et non-nul surC. Soitr= rg(V).
Les normes sur V se comparent aux normes hermitiennes via l’ellipso¨ıde de Johnet
l’ellipso¨ıde de L¨owner(cf. [19] d´efinition-th´eor`eme 2.4, voir aussi [37] Page 84). Plus
pr´ecis´ement, si k · k est une norme surV, alors il existe deux normes hermitiennes
k · k
Johnetk · k
L¨ownertelles que
(28) √1
rkxk
John≤ kxk ≤ kxk
John, et kxk
L¨owner≤ kxk ≤√rkxk
L¨ownerquel que soit x ∈ V. On en d´eduit la comparaison suivante des fibr´es vectoriels
ad´eliques aux fibr´es ad´eliques hermitiens :
Proposition 2.1.12. — SoitE un fibr´e vectoriel ad´elique de rangr >0surSpecK.
Il existe deux fibr´es ad´eliques hermitiensE
JohnetE
L¨ownerdont les espaces vectoriels
sous-jacents s’identifient tous `aE et tels que,
1) la hauteur de l’application d’identit´e E→E
Johnest contenue dans[0,log√
r];
2) la hauteur de l’application d’identit´eE→E
L¨ownerest contenue dans[−log√
r,0].
D´emonstration. — On suppose E = (E,(k · k
v)). Pour tout p ∈Σ
f, soient k · k
′p
=
k·k
′′p
=k·k
p. Sivest une place infinie, on notek·k
′v
=k·k
v,Johnetk·k
′′v
=k·k
v,L¨owner.
Enfin, soientE
John= (E,(k · k
′v)) etE
L¨owner= (E,(k · k
′′v)). La proposition r´esulte
alors des in´egalit´es dans (28).
2.2. Filtration et polygone de Harder-Narasimhan
Dans cette section, on rappelle d’abord la notion de semi-stabilit´e et celle du
dra-peau de Harder-Narasimhan pour un fibr´e ad´elique hermitien, puis introduit la
filtra-tion de Harder-Narasimhan index´ee parR. Un lien explicite avec la notion classique
est ensuite ´etabli.
30 CHAPITRE 2. FILTRATIONS DE HARDER-NARASIMHAN
2.2.1. Semi-stabilit´e et drapeau de Harder-Narasimhan. — On dit qu’un
fibr´e ad´elique hermitien non-nul E est semi-stable si µb
max(E) =µb(E), ou de fa¸cont
´equivalente,µb
min(E) =µb(E).
D’apr`es [19] Proposition 5.3, il n’y a qu’un nombre fini de sous-espaces non-nulsF
deE tel que bµ(F) =µb
max(E). D’autre part, siF
1etF
2sont deux tels sous-espaces,
alors la suite exacte courte
0 //F
1∩F
2//F
1⊕F
2//F
1+F
2//0
implique que
d
deg
n(F
1+F
2) =degd
n(F
1) +degd
n(F
2)−degd
n(F
1∩F
2)
≥µb
max(E)(rgF
1+ rgF
2−rg(F
1∩F
2)),
et on obtient donc bµ(F
1+F
2) =µb
max(E). Cela montre l’existence d’un plus grand
sous-espace E
desde E tel que µb(E
des) = µb
max(E). Par d´efinition, E
desest
semi-stable, et E
des=E si et seulement si E est semi-stable. Si ce n’est pas le cas, on
dit queE
desest le sous-fibr´e ad´elique hermitien quid´estabiliseE. Par r´ecurrence on
obtient un drapeau deE :
(29) E=E
0)E
1)· · ·)E
d= 0
tel queE
i/E
i+1= (E/E
i+1)
desquel que soiti∈ {0,· · ·, d−1}. Ce drapeau est appel´e
le drapeau de Harder-Narasimhan de E. Par d´efinition, les sous-quotientsE
i/E
i+1sont semi-stables. En outre, si on noteµ
i=µb(E
i/E
i+1), alors on a les (in)´egalit´es :
(30) µb
min(E) =µ
0< µ
1<· · ·< µ
d−1=µb
max(E).
Les nombresµ
isont appel´es les pentes successives deE.
2.2.2. Filtration de Harder-Narasimhan. — La donn´ee du drapeau de
Harder-Narasimhan (29) et des pentes successives (30) d´eterminent une R-filtration not´ee
F
Ede E telle que F
sEE = [
0≤i<d, µi≥s
E
i(cf. §1.2.1 infra), appel´ee la filtration de
Harder-NarasimhandeE. Par d´efinition, on a
(31) λ
min(F
E) =µb
min(E) et λ
max(F
E) =bµ
max(E),
o`uλ
minetλ
maxsont d´efinies dans (3).
SiE= 0, alors par conventionF
0est l’unique filtration de l’espace nul. Les ´egalit´es
dans (31) sont encore valides.
Proposition 2.2.1. — Pour touts∈R,µb
min(F
Es
E)≥s.
D´emonstration. — La proposition est ´evidente siF
Es
E= 0. Dans la suite, on suppose
queF
Es
est non-nul, d’o`u l’espaceEest lui-mˆeme non-nul. Soit le drapeau de
Harder-Narasimhan deE comme dans (29). Soiti∈ {0,· · ·, d} tel queF
E2.2. FILTRATION ET POLYGONE DE HARDER-NARASIMHAN 31
F
Es
est non-nul,i < d. Le drapeauE
i)E
i+1)· · ·)E
dest le drapeau de
Harder-Narasimhan de E
i. Doncµb
min(E
i) =µ
i≥s.
Proposition 2.2.2. — SoientE et F deux fibr´es ad´eliques hermitiens. Siϕ:E→
F est une application K-lin´eaire, alorsϕ(E)est contenue dansF
bµFmin(E)−h(ϕ)F.
D´emonstration. — Le cas o`u ϕ= 0 est trivial. On suppose alors que ϕest non-nul.
Soit F = F
0) F
1) · · · )F
m= 0 le drapeau de Harder-Narasimhan de F. Soit
i le plus grand indice dans {0,· · ·, m} tel que ϕ(E) ⊂ F
i. Comme ϕ est non-nul,
i < m. Soitψl’homomorphisme compos´e E
ϕ//F
i//F
i/F
i+1o`u la derni`ere
fl`eche est la projection canonique. L’homomorphismeψest non-nul car l’image deE
parϕn’est pas contenue dansF
i+1. Par l’in´egalit´e de pentes (proposition 2.1.9 3)),
on obtient
b
µ
min(E)≤µb
max(F
i/F
i+1) +h(ϕ) =µb(F
i/F
i+1) +h(ϕ).
On en d´eduitF
i=F
Fb
µ(Fi/Fi+1)
F⊂ F
Fb
µmin(E)−h(ϕ)
F.
Corollaire 2.2.3. — Pour tout fibr´e ad´elique hermitien non-nulE, on a
(32) F
sEE= X
06=F⊂E
b
µmin(F)≥s
F.
D´emonstration. — D’une part, la proposition 2.2.2 montre que, si F ⊂ E est un
sous-espace non-nul tel queµb
min(F)≥s, alorsF est contenu dansF
Es
E, sachant que
l’application d’inclusion deF dansEest de hauteur negative ou nulle. D’autre part,
la proposition 2.2.1 affirme queµb
min(F
Es
E)≥s. Donc F
Es
E est en fait le plus grand
sous-espaceGdeE tel queµb
min(G)≥s, d’o`u (32).
La proposition suivante compare les filtrations de Harder-Narasimhan de deux
fibr´es ad´eliques hermitiens.
Proposition 2.2.4. — SoientE etF deux fibr´es ad´eliques hermitiens sur SpecK.
Soit ϕ:E→F une application K-lin´eaire. Alors, pour touts∈R, l’image deF
Es
E
par ϕest contenu dansF
Fs−h(ϕ)
F. Autrement dit, λ
FF(ϕ(x))≥λ
FE(x)−h(ϕ)quel
que soit x∈E.
D´emonstration. — D’apr`es la proposition 2.2.1, µb
min(F
Es
E) ≥ s. On obtient donc
ϕ(F
Es
E)⊂ F
Fs−h(ϕ)
F compte tenu de la proposition 2.2.2.
D´efinition 2.2.5. — On d´esigne parν
Ela mesureν
FE, appel´ee lamesure associ´ee
`
aE. SiE est non-nul, alorsν
Eest une mesure de probabilit´e.
Corollaire 2.2.6. — SiE etE
′sont deux fibr´es ad´eliques hermitiens et si ϕ:E→
E
′est un isomorphisme d’espaces vectoriels surK, alorsτ
−h(ϕ)ν
E′≻ν
E.
32 CHAPITRE 2. FILTRATIONS DE HARDER-NARASIMHAN
D´emonstration. — C’est une cons´equence de la proposition 2.2.4 et du lemme 1.2.6.
2.2.3. Polygone de Harder-Narasimhan. — Etant donn´e un fibr´e ad´elique her-´
mitien non-nulE, on d´esigne parP
Ela fonction d´efinie sur [0,1] dont le graphe est
l’enveloppe convexe des pointsrgF
rgE,µb(F)
, o`u F parcourt tous les sous-espaces de
E. La fonctionP
Eest un polygone, appel´e lepolygone de Harder-Narasimhan
(nor-malis´e) de E. Si le drapeau de Harder-Narasimhan de E est (29) et si les pentes
successives deE sont comme dans (30), alors les sommets deP
Esont de coordonn´es
rgEi
rgE
,bµ(E
i)
, et les pentes de P
Eco¨ıncident avec les µ
i. On en d´eduit donc la
proposition suivante :
Proposition 2.2.7. — Le polygone de Harder-Narasimhan normalis´e deEco¨ıncide
avec P(ν
E), le polygone associ´e `a la mesureν
Ed´efini dans §1.2.5.
Remarque 2.2.8. — Classiquement le polygone de Harder-Narasimhan deEest par
d´efinition la fonctionPe
Ed´efinie sur [0,rgE] dont le graphe est l’enveloppe convexe des
points (rgF,ddeg
n(F)), o`uFparcourt tous les sous-espaces vectoriels deE. Autrement
dit, on a la relationP
E(t) =Pe
E(trgE)/rgE. La version normalis´ee du polygone de
Harder-Narasimhan a deux avantages. Premi`erement, les valeurs de P
Erepr´esente
diff´erentes pentes de E, qui sont plus courrament utilis´ees que les degr´es dans la
m´ethode des pentes. Deuxi`emement, les polygones de Harder-Narasimhan normalis´es
sont tous d´efinis sur le mˆeme intervalle [0,1], cela donne la possibilit´e de comparer les
polygones de diff´erents fibr´es ad´eliques hermitiens. La proposition 2.2.7 nous permet
d’utiliser les mesures `a ´etudier les polygones de Harder-Narasimhan.
Corollaire 2.2.9. — SiE etE
′sont deux fibr´es ad´eliques hermitiens et si ϕ:E→
E
′est un isomorphisme d’espaces vectoriels surK, alorsP
E(t)≤ P
E′(t)−h(ϕ)t.
D´emonstration. — On aP(τ
−h(ϕ)ν
E′)≥ P(ν
E) compte tenu de la proposition 1.2.7 et
du corollaire 2.2.6. D’apr`es (6),P(τ
−h(ϕ)ν
E′)(t) =P(ν
E′)(t)−h(ϕ)t=P
E′(t)−h(ϕ)t.
D’autre part,P(ν
E) =P
E. On obtient doncP
E(t)≤ P
E′(t)−h(ϕ)t.
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Convergence des polygones de Harder-Narasimhan
(Page 38-41)