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Les femmes algériennes dans les espaces publics (Le dehors)

2 - Les approches théoriques du concept genre

IV- Les femmes et le travail

9- Les femmes algériennes dans les espaces publics (Le dehors)

Les femmes ont longtemps essayé d’agir mais l’histoire repose souvent sur des actions masculines dans l’espace public. On ne trouve malheureusement que quelques pages consacrées aux combats de femmes. L’ouverture de l’espace public aux femmes n’a pas été fortuite .Selon G. Blandier, « les rapports institués entre les sexes semblent conformes à des structures fort anciennes et intangibles » (Badinter, 1986, P27). Cette tendance de l’histoire à ignorer l’action des femmes dans l’espace public s’explique en partie par la « dissymétrie sexuelle des sources » (Perrot, 1998, P2001). Celles-ci sont souvent ignorées car elles sont dans la sphère privée, invisibles. Le mouvement des féministes des années 1970 a favorisé la reconsidération du rôle des femmes dans les espaces publics (Neven, 2009, P274).

A partir des années soixante, les femmes ont été sollicitées sur le marché du travail. Leurs sorties au delà de l’espace privé ont permis désormais l’accessibilité aux espaces publics, lieux d’échange. Dès lors, le dehors, espace strictement masculin, espace d’insécurité, espace de danger… prit une autre qualification : les deux sexes se partagent l’espace public. Cependant, l’ouverture s’est faite sur des espaces temps et des espaces de fréquentation selon l’utilisation. La seule différence, c’est que « l’espace fonctionne également pour les hommes et pour les femmes qui appartiennent aux mêmes groupes socio culturels ; la seule différence est que l’une a des tâches domestiques à placer dans sa journée de travail, alors que l’autre n’en a pas » (Coutras, 1996, P19).

Toute fois, dans toutes les sociétés, même les plus favorables aux femmes, les deux sexes se partagent inégalement les trois grandes fonctions sociales. Le poids de la conciliation des vies familiale et professionnelle repose toujours principalement sur la femme. Et les stratégies féminines apparaissent façonnées, à toutes les périodes d’orientation et de choix, par cette asymétrie (Majnoni d’Intignano, 1999). On ne doit pas, de fait, se suffir à quantifier la présence de l’homme et de la femme dans les espaces extérieurs mais aussi voir le sens que porterait leur pratiques dans ces espaces. En d’autres termes, l’investissement de ces espaces se charge de sens et de liens. « Les liens que nous tissons avec notre environnement, et à travers lui, avec les autres – individus et groupes- sont économiques, psychologiques, sociaux, culturels ; ce sont eux qui font la densité de l’appropriation spatiale, qui transforme une étendue en

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territoire et, ainsi, dessinent les contours de l’identité spatiale des personnes et des groupes ». (Coutras, 1996, P18).

En Algérie, depuis l’indépendance, beaucoup de mutations ont touché les différents secteurs de vie du pays. Ces mutations se sont traduite sur les cadre de vie des citoyens tant sur le plan spatial que sur le plan social.

La femme algérienne, grâce aux mutations socio économique, socio politique et socio psychologique à la suite de l’indépendance nationale, n’a eu qu’à emprunter le chemin de l’évolution. L’intervention politique, grâce aux luttes et aux revendications des femmes, a favorisé une forme d’expression au sein des partis sociaux-démocrates. La participation des femmes à l’activité économique est l’un des puissants facteurs d’amélioration des performances économiques du pays. Par ailleurs, la division du travail qui demeure à l’intérieur de la famille n’est pas affectée par les avancées de la participation des femmes dans l’économie marchande ou dans l’administration. Même dehors, « la totalité urbaine est considérée comme domaine d’investigation et d’expression masculines » (Coutras, 1996). De ce fait, la ville est répartie selon un critère sexué. Les femmes à la maison assurant les travaux domestiques, la progéniture, au service de l’homme, des enfants et de la famille ; l’extérieur étant celui de l’homme. L’évolution de la femme, et, par ce biais, la mutation structurelle et fonctionnelle de la famille traditionnelle sont en train de se réaliser. Actuellement, la femme atteint un niveau d’études secondaires ou supérieures. Elle occupe un emploi salarié. Elle participe au budget de la famille et elle va même jusqu'à garder en partie ou entièrement pour elle-même le salaire réalisé. Enfin, elle arrache un nouveau droit social : celui de pouvoir s’associer au choix de son futur époux, dans beaucoup de cas, chose absolument impensable en milieu familial traditionnel. « Le changement social dans les sociétés maghrébines induit la généralisation progressive de la famille conjugale » (Khodja, 2002, P 82). Elle est en pleine maturation. En revanche, l’accès à la scolarisation et les possibilités d’aboutir aux études supérieures, travailler ont permis à la femme d’entrer dans la vie publique et affirmer sa personnalité et prendre une attitude moins effacée. La marge de pouvoir économique, fruit du travail rémunéré donne à la femme une marge de pouvoir économique. Le travail domestique devient moins contraignant avec un faible taux de naissance dû à la politique de l’espacement des naissances et par conséquent pouvoir s’occuper des besoins des enfants. Quoi que

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« L’exploitation du travail domestique féminin semble devoir perdurer pendant longtemps encore » (Khodja, 2002, P144). L’amélioration des conditions économiques favorise l’apport technique de l’appareillage électroménager. « Cette culture est aujourd’hui contrariée par la présence de femmes prenant part aux activités économiques et administratives, notamment dans les villes » (Addi, 1999, P127).

La femme sans arriver à concurrencer l’homme dans ses secteurs d’activité, atteint un niveau d’intégration à la société globale de plus en plus positif et de plus en plus utile au fonctionnement des différents secteurs et de différents domaines sociaux de la vie. En tout état de cause, elle se place comme un complément perfectible à l’effort de l’homme algérien pour le développement de la société globale. Aussi, ce n’est pas un hasard, si, l’émancipation de la femme est placée parmi les motifs essentiels de l’évolution que connaît actuellement la famille algérienne. La situation de la femme contemporaine est enrichie par à la fois une ouverture plus grande vers le milieu extérieur, de par son accession au travail rémunéré ou de par sa responsabilité d’approvisionner le foyer en effectuant des achats au marché de manière permanente et une rationalisation plus poussée dans la maîtrise de sa famille et de sa maison. Quoi que « le travail de ces femmes est soumis à l’acceptation de toute la famille et parfois, même du quartier, n’est toléré que parce qu’il sert de complément aux dépenses familiales » (Khodja, 2002, P145/146). En revanche, malgré le revenu salarial de la femme, c’est le pouvoir économique de l’homme qui est prépondérant pour le foyer.

L’acquisition d’une certaine liberté économique n’a pas empêché la sauvegarde des valeurs traditionnelles et culturelles au sein de la maison. Celles ci restent prédominantes : Elle assume toujours le rôle féminin au foyer dans la gestion domestique et dans l’éducation des enfants et les soins de toute la famille. Elle préserve toujours son statut de mère, de belle mère étant donné que ces statuts gardent toujours leurs valeurs au sein de la famille contemporaine. L’espace maison reste encore considéré comme espace féminin. Or, il importe de souligner qu’actuellement les espaces de la maison sont moins sexués et sélectifs qu’auparavant : le travail de la femme à l’extérieur a poussé l’homme à pénétrer dans la cuisine, espace exclusivement féminin, et d’aider sa femme dans certains travaux domestiques (surtout en ce qui concerne les familles conjugales). Ce geste ne peut être effectué en présence des membres de sa famille de peur de le considérer comme on le faisait autrefois

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dire comme « un homme efféminé ». Autrement dit, le changement du rôle de la femme a induit le changement du rôle traditionnel de l’homme et du partage des espaces domestiques.

En effet, l’instruction des femmes et leur contribution économique suite aux différentes mutations qu’à vu l’Algérie, leur ont permis d’investir les espaces publics et ont favorisé le changement de leur rôle et statut. Le franchissement de la limite intérieur/extérieur a influé sur l’opposition homme/femme et a réduit le phénomène de ségrégation sexuelle. En revanche, les femmes maintiennent les activités traditionnelles malgré leur émancipation et malgré le développement de la technologie : La femme, même au travail salarié, continue le plus souvent à s’occuper directement ou indirectement des activités domestiques et de l’éducation des enfants : ce qui constitue une charge supplémentaire. Aussi la question posée, « évolution - simple changement - ou libération- épanouissement- reste ouverte de par les multiples implications de la nouvelle condition féminine en Algérie » (Boutefnouchet, 1982, P250-251). On observe également que dehors, le rapport de la femme à l’espace public reflète une certaine correspondance avec l’espace privé. « Certains espaces publics sont si fortement intégrés à l’espace quotidien qu’ils peuvent être considérés comme relevant du privé… Les lieux ne sont pas alors de simples supports d’activités ; ils sont par eux même créateurs de liens psychologiques, moraux, oniriques » (Coutras, 1993, P 200/201).

Conclusion

Le statut et rôle de la femme ont subi des changements suite aux mutations socio économiques, culturelles et politiques qu’a connu l’Algérie dès son indépendance. L’instruction, le travail salarial ont poussé la femme à quitter partiellement l’espace privé contre l’espace public. La scolarisation et d’autres éléments socioéconomiques donnent à la femme « le moyen d’affronter concrètement et correctement la vie publique » (Khodja, 200, P 190). La femme a dû par conséquent, investir les espaces publics autrefois réservés à l’homme. Cela ne va sans dire que celles-ci maintiennent les activités traditionnelles malgré leur émancipation et malgré le développement de la technologie.

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Les sorties des femmes à l’extérieur ont effectivement favorisé l’émancipation de la femme, l’acquisition d’une certaine liberté et la participation à la vie sociale autant que l’homme. En effet, le franchissement de la limite intérieur/extérieur a influé sur l’opposition homme/femme et a réduit le phénomène de ségrégation sexuelle. En revanche, les femmes instruites ou qui travaillent ne sont pas plus libres que celles qui ne le sont pas. Leur sorties ne sont tolérées que pour des raisons utilitaires, rarement par souci d’épanouissement. « Cloîtrée, jeune fille ou mariée, la femme n’accédait jusqu’à recemment à l’espace public qu’à de rares occasions ; après l’autorisation accordée par un homme qui peut être un jeune frère à peine pubère » (Khodja, 2002, P 174). Les femmes étant assignées à l’espace privé tandis que l’espace publique serait le propre de l’homme.

L’intrusion vulgaire de l’islamisme et le mutisme de la politique face aux revendications des droits des femmes visaient l’enfermement de la femme sous le voile pour qu’elle n’échappe pas au contrôle de l’homme. Malheureusement pour eux, cette intention se trouve contrarié : En portant le voile, la femme a gagné plus de possibilités de sorties. « Cette casuistique de l’imaginaire musulman, qui joue à frénésie avec les signes sexuels, est pourtant à l’origine d’une grave crise politique qui ne semble pas pouvoir se résoudre sitôt » (Khodja, 2002, P 174). En effet, parler d’une liberté totale de la femme serait un leurre : Les femmes fréquentent les espaces publics, pour l’achat de produits indispensables quotidiens ou de produits spécifiques, règlent certains problèmes administratifs ou certains besoins de leurs enfants. Toutefois, si l’homme a pu intégrer, en partie, les espaces intérieurs autrefois exclusivement féminins, le périmètre extérieur est relativement réduit pour les femmes et ne peut être légitimé que par des sorties justifiées soit aller étudier, aller travailler ou bien faire des courses en étant parfois accompagnées par un membre de sa famille. Ce qui sous entend la pertinence du contrôle des traditions. Qu’elle se trouve dans l’espace privé ou bien dans l’espace public, elle reste malgré tout, sous l’emprise des codes qui lui sont dictés par la société. Transgresser ces codes entravera sa sociabilité.

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