• Aucun résultat trouvé

3. Chapitre 3

3.2. Synthèse et évaluation de l’activité antiproliférative d’analogues nucléosidiques de

3.2.1. Famille I Modification des groupements protecteurs

Nous avions initialement envisagé de ne pas protéger les hydroxyles portés par le noyau ribosyle, en raison de leur influence sur l’hydro-solubilité du produit. Cependant, la déprotection des hydroxyles 2’, 3’, et 5’ de 4 et 5 a été corrélée à une baisse drastique de l’activité antinéoplasique. Dans l’objectif d’obtenir des produits plus actifs, nous avons donc décidé d’insérer différents types de groupements au niveau de ces hydroxyles saccharidiques. Les résultats obtenus sont présentés dans ce qui suit à travers deux parties distinctes : a) le chemin réactionnel suivi pour la synthèse des analogues (subdivisé en préparation des synthons azotures et réaction tandem cycloaddition-couplage oxydatif). b) l’évaluation des activités antiprolifératives de ces composés.

3.2.1.1. Préparation des synthons azotures de la famille I

La synthèse des azotures de la famille I s’appuie sur un intermédiaire clé (8, Figure 38) dont les trois hydroxyles sont libres et peuvent être facilement fonctionnalisés. Ce dernier est

68 obtenu en deux étapes à partir du substrat commercial β-D-tétra-O-acétylribofuranose (6, Figure 38). La première étape consiste à substituer l’acétyle en position anomère par un azoture selon le mode opératoire de Logue 88. Elle est catalysée par un acide de Lewis (trifluroborate) qui, en se liant à l’acétyle en position 1’, génère un oxonium (A, Figure 38). Ce dernier réagit avec le groupement participant en position 2 bloquant ainsi la face endo du ribosyle. Par conséquent, l’attaque nucléophile de l’azoture se produit exclusivement sur la face exo. Cette contrainte mécanistique est appelée assistance anchimérique. La deuxième étape permet d’éliminer les groupements acétyles via l’action de l’ammoniaque (Figure 38).

Figure 38 : Formation de l'intermédiaire clé de la famille I

Nous avons constaté que l’hydrolyse des trois acétyles en positions 2, 3 et 5 se faisait de façon non simultanée. Ainsi, le composé 7 ne conduit pas directement au produit 8 mais passe par un intermédiaire dont l’acétyle en position 5 est toujours présent (9, Figure 39). Cette régioséléctivité a également été décrite dans la littérature par l’utilisation d’ions fluorures 89.

Figure 39 : L'hydrolyse des trois acétyles n'est pas simultannée

Fonctionnalisation du cis-diol-2’,3’ : L’intermédiaire commun 8 a été fonctionnalisé au

69 obtenu par utilisation de la heptan-4-one, en présence d’une quantité catalytique d’acide de Brønted, avec un rendement de 63%. Les composés 11, 12 et 13 ont été formés en utilisant, respectivement, le 2,2-diméthoxy-propane, le 1,1-diméthoxycyclohexane et 1,1- dimethoxyethylbenzene, en présence d’une quantité catalytique d’acide de Lewis, avec des rendements allant de 68 à 85%. Il est à noter que le temps de réaction pour le composé 10 est nettement plus long pour les trois autres composés (24h vs. 1h).

Figure 40 : Protections du diol vicinal

Notons par ailleurs que le composé 13 possède un nouveau centre chiral et que nous n’avons observé qu’un seul de ses diastéréo-isomères. La stéréochimie de ce dernier a été analysée par la technique spectroscopique NOESY. L’observation d’un couplage entre les protons du méthyle et les H2 et H3 (Figure 41) nous a permis de déduire que ces noyaux se trouvent tous

du même côté du cyclique dioxolane et donc que la configuration du nouveau centre asymétrique est (R). O O O N3 HO Ph H H H H3 H 2 (R) *

Figure 41 : Configuration du composé 13

En contrôlant les cinétiques d’hydrolyse des acétyles en positions 2 et 3 du ribose par rapport au 5, nous avons pu isoler l’intermédiaire 9 (Figure 39). Afin d’agrémenter l’étude structure- activité, nous avons fonctionnalisé son 2’,3’-cis-diol en utilisant 2,2-diméthoxypropane

70 (Figure 42). Ceci a conduit à l’azoture saccharidique 14 dont les trois hydroxyles sont distinctement protégés.

Figure 42 : Préparation de l'azoture 14

Formation des azotures O-méthylés 15 et 16 : Afin d’aboutir à une relation structure- activité assez complète, nous avons souhaité une plus grande diversification au niveau des groupements portés par les hydroxyles. Dans cet objectif, nous avons décidé de fonctionnaliser les hydroxyles libres des composés 8 et 11 par des groupements méthyles, en raison de leur encombrement stérique minimal et leur bonne stabilité chimique. Les composés

15 et 16 ont ainsi été obtenus par l’action de l’iodure de méthyle sur 8 et 11, en présence de

d’hydrure de sodium (Figure 43).

Figure 43 : Formation des composés O-méthylés 15 et 16

3.2.1.2. Réaction Tandem Cycloaddition-Couplage oxydatif appliquée à la famille I

Une fois préparés, les azotures 7 et 10-16 ont été engagés dans le processus tandem cyclo- addition/couplage oxydant (Figure 44) dont l’optimisation a été décrite au Chapitre 2 (Cf. Paragraphe 2.3.2.2). Les triazolonucléosides 4, 5 et 17-22 constituant la famille I ont été obtenus avec des rendements allant de 40 à 64% (Figure 44) et des puretés HPLC satisfaisantes pour une évaluation in cellulo (>95%).

71 O R2O OR1 N3 R3O 7 et 10-16 CuCN-DIPEA H2O2 THF, 0°C à t.a. OEt O O R2O OR1 N R3O N N CO2Et EtO2C 4-5 et 17-22 O O O AcO O O O HO O O O HO N N N CO2Et CO2Et O O O HO Ph N N N CO2Et CO2Et O O O HO N N N CO2Et CO2Et N N N CO2Et CO2Et O O O O N N N CO2Et CO2Et O O O O N N N CO2Et CO2Et O AcO OAc AcO N N N CO2Et CO2Et 5, 64 % 17, 47 % 18, 48 % 19, 42 % 20, 49 % 21, 40 % 4, 63 % 22, 63 % N N N CO2Et CO2Et

Figure 44 : Formation des produits de la famille I

3.2.1.3. Evaluation biologique des produits finaux de la famille I

L’évaluation de l’activité antiproliférative de l’ensemble de nos produits a été réalisée sur la lignée de LMC K562 en mesurant la viabilité cellulaire par la technique XTT. Avant de présenter les résultats de ces tests pour la famille I, nous allons introduire brièvement la lignée cellulaire K562 ainsi que la technique mentionnée ci-dessus et le protocole général utilisé pour nos tests.

i. Lignée cellulaire K562

Les cellules K562 sont des cellules hématopoïétiques hautement indifférenciées, pouvant s’orienter vers l’une des trois lignées myéloïdes : érythroïde, granulocytaire, monocytaire (Figure 2). A l’origine, elles ont été prélevées de l’épanchement pleural d’une patiente atteinte de leucémie myéloïde chronique en phase aigue 90. Leur caryotype est caractérisé par la présence du chromosome Philadelphie responsable de l’expression de la protéine chimérique BCR-ABL (Cf. Chapitre 1, Paragraphe 1.5.1). L’ensemble de nos molécules a été testé sur cette lignée de LMC afin d’élaborer une étude structure-activité et de sélectionner le meilleur candidat pour des études approfondies de bio-activité.

72 ii. XTT- Technique de mesure de métabolisme cellulaire

Largement utilisé en biologie cellulaire, le test XTT 91 est un dosage colorimétrique qui repose sur une réaction chimique transformant le sel de tétrazolium (couleur jaune) en formazan (couleur orange) (Figure 45). Comme cette réaction se produit par l’action de la déshydrogénase NADH mitochondriale, le changement de coloration ne peut être observé que pour les cellules dotées d’un métabolisme fonctionnel, c’est-à-dire viables. Ainsi, une incubation cellulaire avec le composé d’intérêt suivie d’une injection du réactif XTT et d’une lecture de densité optique permet d’évaluer le taux de cellules viables et par conséquent l’activité antiproliférative dudit composé. Dans le cadre de nos tests, les composés ont été dissous dans une solution de DMSO avant d’être injectés au milieu de culture cellulaire et incubés pendant 48h à 37 °C.

Figure 45 : Réaction colorimétrique du XTT

iii. Résultats des tests de viabilité cellulaire

Les activités antiprolifératives des différents composés de la famille I sont présentées sous forme de CI50 (Tableau 11). Il s’agit de la concentration requise pour atteindre 50% de

l’inhibition maximale pouvant être exercée par un composé actif donné. Les expériences ont été réalisées en triplicata en utilisant 6 à 10 concentrations.

Nous remarquons que les CI50 de la famille I s’échelonnent de 0,2 à 0,8 µM. Ces valeurs étant

du même ordre de grandeur, nous en déduisons que l’influence des groupements protecteurs sur l’activité antiproliférative n’est pas prépondérante. Néanmoins, on peut constater que la présence d’un groupement hydrophobe encombré au niveau du cétal est légèrement plus favorable à une bonne activité. Ainsi, 18 et 19 présentent des CI50 légèrement plus efficaces

73 que les autres composés (en dehors de 5). Remarquons qu’en comparaison avec l’activité de ces nouveaux produits, les activités antiprolifératives des composés lead initiaux 4 et 5, restent intéressantes et que l’ensemble des produits de la famille I présente une activité 1500 à 5000 fois supérieure à celle de l’ACA.

Tableau 11 : Activités antiprolifératives des composés de la famille I

Produit final 4 5 17 18 19 20 21 22 ACA

CI50 (µM) 0,7 0,4 0,5 0,2 0,4 0,6 0,8 0,5 1000