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CHAPITRE II : REVUE DE LA LITTERATURE

2.2. Les facteurs de risque cardiométabolique

2.2.2 Les facteurs de risque non modifiables

2.2.2.1. Le sexe

Le taux de prévalence de MCV n’est pas identique chez les hommes et les femmes [277]. Les facteurs de RCM sont plus fortement prévalents chez les femmes ménopausées que chez les hommes de même âge [277-279]. Dans les pays d'Afrique, la prévalence de l'obésité chez les femmes est environ le double de celle chez les hommes, à l’inverse des pays développés où la prévalence est généralement similaire dans les deux sexes [39]. En milieu urbain de Tanzanie, Njelekela et al. [135] ont rapporté que les hommes avaient 50% plus de risque d’être hypertendus par rapport aux ruraux. Sodjinou et al. [280] et Ntandou et al. [32] au Bénin, Kamadjeu et al. [92] au Cameroun et Baldé et al. [61] en Guinée Conakry ont rapporté des disparités hommes-femmes dans la prévalence de facteurs de RCM. Plusieurs études ont évoqué le rôle des hormones stéroïdiennes sexuelles et du profil génétique dans l’apparition plus marquée des facteurs de RCM chez la femme [277]. Pendant la ménopause, le profil lipidique des femmes devient plus athérogène et s’accompagne d’un gain de poids [279]. En Afrique subsaharienne, il existe une grande différence dans le mode de vie entre la femme et l’homme en matière d’activité physique. Les femmes sont généralement plus sédentaires en milieu urbain que les hommes [280], ce qui peut exacerber l’évolution du RCM déjà défavorable pour la femme.

La perception positive de l’obésité féminine en Afrique pourrait aussi expliquer pour partie cette propension des femmes à l’obésité. Dans une étude conduite auprès de 249 femmes au Maroc, Rguibi et al. [281] ont rapporté qu’il y avait un désir de prise de poids chez 90,4% des femmes. Les moyens pour parvenir à cette fin étaient l’utilisation de corticostéroïdes et de préparations médicamenteuses pour stimuler l’appétit, le gavage sur une période minimale de jours. Amoah [282] rapporte qu’au Ghana, l’obésité est associée à la beauté chez la femme et à un signe de réussite sociale dans le ménage. Ces perceptions étaient confirmées par Holdsworth et al. [283] qui avaient relevé que l’embonpoint était positivement perçu par les femmes au Sénégal.

2.2.2.2. L’âge

L’âge est un facteur indépendant de RCM [152]. Des études ont montré l’association entre l’âge et le dysfonctionnement de l’endothélium vasculaire, lequel joue un rôle important dans l’initiation et le développement des MCV [284]. Cette association s’expliquerait par le stress oxydatif au niveau de l’endothélium vasculaire [285]. Des tissus vasculaires d’animaux âgés montrent une augmentation des dérivés réactifs de l’oxygène qui altèrent la fonction mitochondriale des cellules et amènent à des remodelages de la paroi vasculaire avec des cellules spumeuses [286]. Par ailleurs, dans une étude cas- témoins, des analyses au cytomètre de flux révélaient une diminution des cellules souches endothéliales associée à l’âge et à l’HTA [284].

La diminution de la mortalité liée aux maladies infectieuses, qui affectait de manière disproportionnée les enfants, conduit à une meilleure espérance de vie et donc à un vieillissement relatif de la population. Cette évolution du profil démographique de la population de l'Afrique subsaharienne est un facteur qui influence l'incidence des maladies chroniques sur le continent. Actuellement, la pyramide des âges de la plupart des pays africains est de forme conique, avec une large base composée de jeunes et un âge médian de moins de 20 ans, comparativement aux pays développés où la pyramide des âges est généralement sous la forme d'un cylindre avec un âge médian de 40 ans. La dynamique des populations suggère que la population à risque pour les maladies non transmissibles est susceptible d'augmenter à un rythme significatif en Afrique subsaharienne en comparaison aux pays développés [287]. L'âge en lui-même étant un facteur de risque des MCV, la longévité favorise l’accumulation de facteurs de risque [288]. Par conséquent, du seul fait du vieillissement de la population, les PED devront donc s’attendre à une augmentation des MCV. La mortalité standardisée par âge liée aux maladies chroniques en Afrique subsaharienne augmentera de façon spectaculaire dans les années à venir [27].

2.2.2.3. L’histoire familiale de maladie cardiovasculaire et de diabète

Le RCM augmente si un parent géniteur de premier degré a présenté une insuffisance coronarienne ou un accident vasculaire cérébral avant l'âge de 55 ans pour le père ou 65 ans pour la mère [70]. Des études ont confirmé l’utilité de l’exploration de l’histoire familiale de MCV et de diabète dans l’évaluation du RCM [289, 290]. En particulier, les résultats de « The Framingham Offspring Study » ont montré, après correction pour des facteurs de risque connus, que l’existence de MCV chez les parents de premier degré était associée à l’augmentation de 1,7 à 2 fois plus du RCM respectivement chez les femmes et les hommes [291]. Soulignons que ces informations sont difficiles à vérifier dans les PED, car faute d’accès aux soins et d’équipement biomédical adéquat, les affections telles que l’insuffisance coronarienne ou les accidents ischémiques transitoires dont souffrent les individus ne sont que rarement authentifiés.

2.2.2.4. L’ethnie et la race

Des études comparatives entre Noirs et Caucasiens ont révélé que le profil lipidique des premiers était protecteur par rapport aux seconds (section 2.3.1.1.4). Toutefois, les Noirs ont des taux plus élevés de morbidité et de mortalité liés aux MCV et au diabète que les Caucasiens [292, 293]. Les Noirs ont, en effet, des concentrations sanguines en triglycérides et en LDL-C plus basses alors que le HDL-C est plus élevé [249, 294-298]. Il en est de même pour la composition corporelle pour laquelle les Noirs ont une masse grasse proportionnellement moins importante que les Caucasiens et, a fortiori, que les Asiatiques [299]. Plusieurs études ont rapporté que les Africains avaient moins de graisse abdominale que les Caucasiens indépendamment du sexe, de l’âge, du gras total et de l’IMC [151, 300]. Dans une étude conduite à Montréal dans laquelle des Noirs haïtiens ont été appariés à des Caucasiens de même âge, de même sexe et de même IMC, [295], les Noirs avaient moins de gras abdominal que les caucasiens pour un même TT. Desprès et al. [124] dans leur étude « HERTAGE » ont rapporté les mêmes conclusions. Ces résultats confirment qu’il existe des

spécificités raciales et ethniques par rapport aux facteurs de RCM et amènent à se poser des questions sur les seuils dérivés des Caucasiens utilisés pour définir l’obésité abdominale chez les Noirs africains. En Afrique du Sud et aux États Unis d’Amérique, des études ont rapporté que l’obésité abdominale était plus étroitement associée au diabète chez les noirs et aux dyslipidémies chez les Caucasiens [301, 302]. D’autres études ont observé que les Africains ou leurs descendants avaient une TA plus élevée que les Caucasiens [29, 295, 296, 303, 304]. Ceci s’expliquerait en partie par un phénotype sensible au sel retrouvé chez les Noirs [65].

L'étude de Bogalusa a rapporté que parmi des sujets avec une histoire familiale de diabète, les Afro-américains étaient plus IR et intolérants au glucose que les Caucasiens, qui eux présentaient plutôt un profil lipidique plus athérogène [305]. Karim et al. [306] ont observé des spécificités génétiques chez les Noirs qui expliqueraient leur susceptibilité plus grande à l’IR que les Caucasiens. Plusieurs études ont rapporté que l’IR était associée au ratio triglycérides/HDL-cholestérol, au moins chez les Caucasiens [307, 308] (section 2.3.1.1.2.). Cependant, ce ratio ne semble pas être un marqueur d’IR chez les Afro- américains [142]. Reiman et al. [298] ont observé que la susceptibilité à l’IR chez les Caucasiens et chez les Noirs ne relevait pas de la même physiopathologie selon que les sujets sont de poids normal ou obèse.