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III. Implication de l’arginine et de la cystéine dans la physiopathologie du SyndMet

1. La cystéine précurseur du glutathion

2.2 Facteurs régulant la synthèse du glutathion

L’homéostasie du glutathion est finement contrôlée par l’activité de la 2GCL, ainsi que par les concentrations et la biodisponibilité de ses substrats, en particulier de la cystéine.

La 2GCL est une enzyme constituée de deux sous-unités, une sous-unité catalytique (GCLc) et une sous-unité régulatrice ou modulatrice (GCLm). La sous-unité catalytique est fonctionnelle, mais son activité est plus faible que celle de l’holoenzyme; la sous-unité régulatrice a pour rôle la modulation de l’affinité de la sous-unité catalytique pour ses substrats et inhibiteurs. La 2GCL est modulée par de nombreux facteurs susceptibles d’agir

simultanément au niveau transcriptionnel ou post-transcriptionnel, ce dernier incluant la stabilité de l’ARN messager et les modulations post-traductionnelles (Huang et al. 1993) (Lu 2009).1L’expression de la 2GCL est régulée par les facteurs associés au stress oxydant ou nitrosant, par certains antioxydants, par les facteurs de croissance (tels que le facteur de croissance hépatique) ou encore par les facteurs de transcription, tels que NF-kB. Ces régulation géniques sont expliquées par la présence d’éléments de réponse aux espèces oxydantes, aux électrophiles ou encore aux facteurs de transcription au niveau du promoteur du gène codant pour la 2GCL (Liu et al. 1998; Dickinson et al. 2004). Au niveau post- traductionnel, l’activité de la 2GCL est régulée par les phosphorylations, mais aussi de façon importante par une inhibition compétitive exercée par le glutathion et la 2–glutamylcystéine (Lu 2009). En effet, les résidus -glutamyl et -cysteinyl de ces peptides viennent occuper respectivement les sites de fixation du glutamate et de la cystéine, réduisant ainsi l’activité enzymatique. La formation de l’holoenzyme est aussi associée à une diminution de l’affinité de l’enzyme pour le glutathion et la 2–glutamylcystéine (Huang et al. 1993). D’autres facteurs peuvent aussi influencer l’activité et/ou l’expression de la 2GCL, tels que les cytokines inflammatoires (Dickinson et al. 2004), ou encore les hormones (Lu et al. 1991).

La synthèse du glutathion est aussi fortement influencée par la disponibilité de ses acides aminés précurseurs et en particulier de la cystéine, dont la concentration intracellulaire hépatique est environ 10 fois moins importante que celle de la glycine et du glutamate. Cet aspect limitant serait la conséquence de l’écart entre les tailles des pools de la cystéine et du glutathion (ce dernier étant 30 fois plus important), et du renouvellement fréquent du pool de glutathion. Il a été montré qu’un apport élevé en cystéine libre, ou en protéines riches en cystéine, stimule la synthèse du glutathion (Mariotti et al. 2004) ce qui laisse supposer qu’une augmentation de la biodisponibilité de la cystéine serait associée à une augmentation de la production du glutathion. La biodisponibilité de la cystéine est influencée par l’apport alimentaire en acides aminés, par le transport de la cystéine, de sa forme oxydée la cystine et de la méthionine, ainsi que par la régulation de sa biosynthèse via la voie de transulfuration (Lu 2009).

Dans une moindre mesure, la synthèse du glutathion est également affectée par la disponibilité en glycine. Chez les sujets recevant une alimentation pauvre en acides aminés soufrés ou dépourvue de glycine, l’excrétion urinaire de 5-oxoproline est augmentée. Or, la 5- oxoproline est un dérivé de la 2-glutamylcystéine qui marque une diminution de la synthèse de glutathion (Metges et al. 2000; Yu et al. 2002).

2.3 . Le pool de glutathion

Dans la cellule, le glutathion existe sous 3 formes, réduite, disulfure oxydée, ou complexée aux protéines. Le glutathion est présent dans différents compartiments intracellulaires (cytosol, noyau, mitochondries et réticulum endoplasmique); néanmoins, le compartiment mitochondrial semble être le plus riche en glutathion (Pastore et al. 2003). Le glutathion est présent à des concentrations différentes dans les organes. Le foie étant le producteur majoritaire, il en contient des concentrations 3 fois plus importantes que celles retrouvés dans le rein, le poumon ou le cerveau, autres organes impliqués dans le métabolisme du glutathion. Dans le plasma, le glutathion est présent à des concentrations très faibles, de l’ordre du micromolaire. Les niveaux de glutathion sont stables dans les organes extra-hépatiques, mais peuvent varier dans le foie en réponse aux modulations nutritionnelles et au statut antioxydant de l’organisme (Malmezat et al. 2000; Stipanuk et al. 2002). Les variations du pool hépatique du glutathion et de son turnover sont principalement la conséquence de l'équilibre entre une exportation de glutathion vers les organes extra-hépatiques, et une synthèse suffisante pour maintenir les niveaux hépatiques intracellulaires de glutathion (Pastore et al. 2003).

2.4 . Rôles du glutathion

2.4.1. Maintien du potentiel redox cellulaire

Par la forte réactivité de son groupement thiol et au regard des concentrations intracellulaires importantes en glutathion par rapport au autres couples réducteurs intracellulaires (par exemple la nicotinamide adénine dinucléotide phosphate ou la thioredoxine), le couple glutathion réduit/glutathion oxydé (noté GSH/GSSG) est considéré comme le principal contributeur au maintien du statut redox au niveau intracellulaire (Schafer & Buettner 2001). Le couple GSH/GSSG agit comme un tampon redox, fournissant le pool le plus important d’espèces réduites dans la cellule, participant ainsi au maintien de l’environnement cellulaire dans un état optimal réduit, critique pour la survie de la cellule. La forme réduite du glutathion peut être facilement régénérée à partir de la forme oxydée, sous l’action de la glutathion réductase (GR). Le glutathion oxydé peut aussi se lier aux groupements sulfhydriles des protéines; cette réaction consomme du glutathion oxydé et produit du glutathion réduit limitant ainsi l’accumulation de glutathion oxydé dans les conditions pro- oxydantes. Le glutathion exerce aussi son rôle de tampon redox en participant à la régénération de la forme réduite d’autres antioxydants, tels que les tocophérols ou l’acide ascorbique (vitamines E et C) (figure 15) (Forman et al. 2009).

2.4.2. Participation aux défenses anti-oxydantes

Les radicaux libres sont une forme d’espèces chimiques possédant un électron célibataire. Cette propriété les rend aptes à réagir avec différentes molécules, notamment lors des réactions en chaîne dont l’exemple le plus connu est celui de la peroxydation des lipides. D’autres espèces dites « espèces actives de l’oxygène » comme le peroxyde d’hydrogène (H2O2) ne sont pas des radicaux libres, mais sont elles aussi réactives et peuvent être des

précurseurs de radicaux. L’ensemble des radicaux libres et de leurs précurseurs est souvent appelé « espèces réactives de l’oxygène ou ROS ». Ces molécules peuvent être à l’origine de dommages cellulaires se traduisant par l’oxydation de l’ADN, des protéines et des lipides dans les conditions de stress (oxydant, inflammatoire ou infectieux) caractérisées par une surproduction de ROS (figure 16). Afin d’éliminer ces espèces réactives, des systèmes dits antioxydants sont mis en place par la cellule. Le glutathion est le principal antioxydant non enzymatique endogène de l’organisme, en raison de sa capacité à capter directement et spontanément différentes espèces radicalaires. Il agit aussi en tant que cofacteur de réactions enzymatiques antioxydantes catalysées par les différents isoformes de la glutathion peroxydase (GPx), enzyme impliquée dans l’élimination des hydroperoxides et peroxides lipidiques (figure 17 a). Les GPx agissent de concert avec la superoxyde dismutase (SOD) et la catalase (CAT) pour neutraliser et éliminer les ROS, ces trois enzymes constituant le système enzymatique antioxydant. La SOD est capable de transformer, par une réaction de dismutation, l’anion superoxyde (O2•-) en peroxyde d’hydrogène (H2O2) ce dernier pouvant

ensuite être catabolisé par la CAT pour former des molécules d’eau (figure 17 b) (Forman et al. 2009; Lu 2009).

En plus de ces rôles majeurs dans les défenses antioxydantes et le maintien du statut redox intracellulaire, le glutathion participe à d’autres mécanismes physiologiques importants dans la lutte contre le stress oxydant, tels que la glutathionylation. Cette réaction permet de former des ponts disulfures entre le glutathion et les groupements sulphydryles des protéines, les protégeant ainsi contre certaines réactions irréversibles pouvant avoir lieu dans des conditions de stress oxydant, comme la carbonylation, la glycation ou la nitration, ces réactions étant souvent associées à la perte de la fonction des protéines (Mieyal et al. 2008).

2.5 . Implication du glutathion dans la physiopathologie du SyndMet

Les propriétés du glutathion lui confèrent un rôle majeur dans de nombreux processus biologiques incluant la différenciation, la prolifération et l’apoptose cellulaire, mais aussi la réponse immune et la détoxification. Il n’est donc pas surprenant que les perturbations affectant les taux cellulaires du glutathion, son turnover ou son niveau d’oxydation soient impliquées dans l’étiologie et la progression de nombreuses maladies telles que les cancers, les maladies inflammatoires et métaboliques, les maladies cardiovasculaires et neurodégénératives (Ballatori et al. 2009).

L’importance physiopathologique du glutathion est mise en évidence par l’exploration de son métabolisme chez les patients, par l’étude des effets de l’administration du glutathion ou de ses précurseurs sur la progression des maladies, ou par l’observation des dérèglements métaboliques et fonctionnels chez les individus portants des altérations acquises ou de naissance au niveau du métabolisme du glutathion (Townsend et al. 2003; Ballatori et al. 2009). Ainsi, un statut en glutathion altéré est observé chez les patients atteints de SyndMet. En effet, des études récentes ont relevé des concentrations plasmatiques en glutathion environ 20 % inférieures chez les patients atteints de SyndMet, par rapport aux individus sains. En parallèle, une augmentation du stress oxydant a été mise en évidence chez ces patients (partie I/6 page 22) (Giral et al. 2008; Di Renzo et al. 2010). Le statut en glutathion est aussi altéré chez les patients atteints de diabète. En effet, les concentrations érythrocytaires et plasmatiques en glutathion sont diminuées chez les patients diabétiques (Yoshida et al. 1995; Sharma et al. 2000). De même, chez l’animal, les concentrations rénales en glutathion sont diminuées chez les rats Zucker diabétiques, obèses et présentant un SyndMet (figure 18) (Chander et al. 2004). De même, dans un modèle murin de SyndMet (des rats sous régime hypersaccharosé pendant 6 semaines), il a été observé une altération du statut redox du glutathion, marquée par un potentiel redox du couple GSH/GSSG devenant plus positif (c’est- à-dire plus oxydé) au niveau hépatique et systémique (Blouet et al. 2007). Ces observations sont en accord avec les études d’intervention qui décrivent l’effet bénéfique d’un apport en glutathion ou en cystéine. En effet, la complémentation en cystéine stimule la synthèse du glutathion et améliore la résistance à l'insuline et le statut oxydant dans les modèles animaux de SyndMet (Blouet et al. 2007) (Jain et al. 2009).

Outre l’altération du pool et de l’état d’oxydoréduction, un dérèglement des enzymes impliquées dans le métabolisme du glutathion est aussi observé en présence de SyndMet ou des dysfonctions associées, même si les résultats restent divergents. A titre d’exemple, il a été

décrit une augmentation des activités plasmatiques de la SOD et de la GPx chez les obèses (Silver et al. 2007). Chez les patients hypertendus, l’activité de la SOD semble diminuée alors que celle de la GPx est augmentée (Russo et al. 1998). Les défenses enzymatiques anti- oxydantes semblent aussi être diminuées en présence de diabète (West 2000).

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En conclusion, le métabolisme du glutathion semble bel et bien être affecté en présence de SyndMet, d’obésité ou de diabète. En parallèle, le dérèglement du métabolisme du glutathion participe à la progression de ces dysfonctions.

Les voies limitantes qui affectent la synthèse du glutathion ainsi que ses voies d’utilisation notamment via les enzymes antioxydantes nous semblent être les plus judicieuses à explorer, afin de rendre compte des variations de son métabolisme en réponse au AGPI n-3.