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Exploration des effets de l’ALA sur le métabolisme secondaire de l’arginine au niveau de l’endothélium

Chapitre 4 : Discussion générale, conclusions et perspectives

1. Effet de l’ALA sur le métabolisme de l’arginine et du NO

Il ressort clairement des travaux expérimentaux que nous avons menés lors de cette thèse que l’ALA module le métabolisme secondaire de l’arginine. En effet l’apport

alimentaire d’ALA augmente la production du NO « corps-entier » à partir de l’arginine, sans affecter la voie compétitive de synthèse de l’urée. Dans nos conditions expérimentales, l’augmentation de la production de NO à partir de l’arginine systémique était plus marquée avec les forts apports en ALA (42% de l’apport calorique) qu’avec les plus faibles apports (11%). En concordance avec ces résultats, les NOx et en particulier les nitrites plasmatiques, marqueurs de la biodisponibilité du NO, ont été augmentés seulement suite aux forts apports en l’ALA. Il apparait donc que l’augmentation de la production du NO est dépendante de la quantité d’ALA apportée.

Nos résultats sont tout à fait en cohérence avec les données de la littérature (études résumées dans le tableau 21, qui montrent assez clairement une augmentation des marqueurs de la

production du NO suite à une complémentation en AGPI n-3. Néanmoins, l’originalité de nos résultats repose sur les éléments suivants :

1- Nous avons mis en évidence pour la première fois, chez le rongeur sain, que l’ALA a les mêmes effets sur la production de NO que ses dérivés à longue chaine.

2- La méthode de traçage isotopique que nous avons utilisée nous a permis de mesurer précisément l’utilisation de l’arginine dans la voie de synthèse du NO, cette mesure étant plus pertinente que le dosage de NOx isolé utilisé dans la plupart de ces études. 3- Nous avons choisi d’incorporer l’ALA à l’alimentation alors que l’ensemble des

études in vivo ayant traitées des effets des AGPI n-3 sur la production de NO ont apportés les AGPI en complétation alimentaire sous forme d’extrait purifié ou de dose d’huile riche en AGPI, se rapprochant plus d’une démarche pharmacologique.

Cependant, notre démarche in vivo présente plusieurs limites. Nous avons comparé les groupes recevant l’ALA au groupe recevant les AGS (huile de palme ou de coco). On peut donc se demander si les effets qu’on observe sont dûs à la substitution d’AGS par l’ALA ou vraiment à un effet signal de l’ALA. En effet, la diminution de l’apport en AGS pourrait, en soi, atténuer leurs effets délétères notamment sur la fonction endothéliale (Mugabo et al. 2011; Newens et al. 2011). Néanmoins, nous avons observé des effets de l’ALA chez la souris dans le cadre du régime normolipidique apportant des faibles quantités d’acides gras (11% de l’apport énergétique), ce qui laisse plutôt supposer que les effets observés pourraient être attribués à une action spécifique de l’ALA. Cependant, l’introduction d’un groupe supplémentaire recevant des AGMI pour les études in vivo, ainsi que l’utilisation de modèles de cultures cellulaires permettrait de s’affranchir de ce biais. Par ailleurs, les quantités d’ALA que nous avons apportées lors de nos protocoles expérimentaux sont largement au-delà des recommandations nutritionnelles. En effet, cela permet d’apporter des quantités d’effecteurs nutritionels suffisamment importantes pour pouvoir observer des effets métaboliques tout en travaillant sur des protocoles de durée compatible avec les contraintes expérimentales et les modèles animaux. Néanmoins, dans une perspective d’étude chez l’homme, il serait nécessaire de se placer dans des niveaux d’apports plus nutritionnels, mais en allongeant la durée des protocoles.

Par ailleurs, la tendance à l’augmentation de la production de NOx que nous avons observée dans les milieux de culture de cellules BAEC traitées avec de l’ALA est aussi en cohérence avec les données de la littérature démontrant une augmentation de la production de NO sous

l’effet des AGPI n-3 au niveau des tissus vasculaires (Lopez et al. 2001; Lopez et al. 2004; Singh et al. 2010) et des cellules endothéliales en cultures (Okuda et al. 1997; Omura et al. 2001; Zhang et al. 2007; Stebbins et al. 2008). On peut donc supposer que l’augmentation de la production de NO « corps-entier » sous l’action de l’ALA peut avoir des conséquences fonctionnelles au niveau des organes-cibles du NO, et principalement au niveau endothélial.

Il apparaît donc à l’issue de ce travail que l’effet bénéfique des AGPI n-3 sur la fonction endothéliale et la prévention du risque cardiovasculaire rapporté par la littérature, pourrait du moins en partie être attribué à l’augmentation de la production et à une meilleure biodisponibilité du NO. Cependant une objectivation des conséquences

fonctionnelles de l’augmentation de la production de NO suite à l’apport alimentaire en ALA permettrait de consolider cette conclusion. A titre d’exemple, il serait intéressant d’explorer l’effet de l’apport d’ALA chez des modèles animaux de dysfonction endothéliale, tels que celui développé dans notre laboratoire (Magne et al. 2009; Magne et al. 2010).

Au-delà de la mise en évidence d’une modulation de la production du NO par l’ALA, nous avons voulu, lors de ce travail de thèse, comprendre les mécanismes par lesquels l’ALA exercerait ces effets. Notre hypothèse était basée sur une éventuelle régulation génique par l’ALA, via le PPAR1, des enzymes affectant la synthèse du NO à partir de l’arginine, particulièrement les NOS et les arginases. Nos résultats ont clairement montré que l’apport en ALA n’a aucun effet significatif sur l’expression hépatique des gènes des NOS et de l’arginase 2. Même si l’absence d’effet sur ces taux d’ARNm dans le foie n’exclut pas un effet dans d’autres tissus, il semble néanmoins, à l’issue de ce travail, que les mécanismes de

modulation de la production du NO par l’ALA soient plus complexes qu’une régulation génique directe de l’expression des enzymes en compétition pour l’utilisation de l’arginine. En effet, l’absence d’effet sur l’expression du gène hépatique de la NOS et de

l’ARG 2 oriente la réflexion vers les modulations post-transcriptionnelles que pourrait exercer l’ALA, en affectant par exemple l’activité de la eNOS, sa phosphorylation ou sa translocation, ce qui aurait des conséquences directes sur la production du NO. L’estimation de l’état de phosphorylation de la NOS et de son taux protéique serait donc l’étude la plus pertinente à mener dans un premier temps, afin de compléter ce travail.

Lors de ce travail, nous avons aussi mis en évidence que l’apport en ALA, dans le cadre du régime hyperlipidique, augmente l’expression de la DDAH 1 enzyme responsable de la dégradation de l’ADMA, un inhibiteur compétitif de la eNOS. Cette observation constitue une

piste intéressante à explorer, car elle pourrait contribuer à expliquer l’augmentation de la production du NO observée avec les régimes apportant l’ALA. La mesure de l’expression de cette enzyme chez les souris ayant reçu les régimes normolipidiques, ainsi qu’un dosage d’ADMA, seraient intéressants à réaliser pour affiner cette hypothèse.

Il est intéressant de souligner qu’en parallèle, nos résultats montrent une diminution de la production du NO après invalidation du PPAR1 (artcicle 1). On peut donc cuposer que l’effet

de l’ALA sur la production du NO observé avec de fort apport en ALA serait, du moins en partie, PPAR1 dépendant. Le promoteur de la NOS ne présente pas de séquence de

liaison PPRE, néanmoins, le PPAR1 pourrait indirectement affecter la production du NO par l’intermédiaire d’autres facteurs de transcription pouvant relayer son action au niveau du gène de la NOS. Cependant, l’absence d’effet de l’invalidation du PPAR1 sur le gène de la NOS, du moins au niveau hépatique, laisse penser que le PPAR1 affecterait la biodisponibilité du NO en modulant d’autres processus. Parmi les hypothèses possibles, une meilleure biodisponibilité du NO, liée à l’augmentation des capacités antioxydantes (Tabernero et al. 2002; Deplanque et al. 2003) ou à l’inhibition de la voie de la NADPH oxydase après activation du PPAR1 (Newaz et al. 2005).