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Chapitre I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

D. Les effets des contraintes hydrodynamiques en bioréacteurs

B.3. Facteurs modulant la réponse cellulaire aux contraintes hydrodynamiques

B.3.1. Facteurs physiologiques

Plusieurs travaux indiquent que la sensibilité des cellules aux contraintes hydrodynamiques est affectée par la physiologie cellulaire (Van Der Pol and Tramper, 1998). Selon Petersen et al. (1988), les hybridomes sont plus sensibles aux contraintes hydrodynamiques durant la phase de latence et la phase stationnaire que durant la phase exponentielle (Figure I-22). Ceci est lié au fait que, durant ces deux phases, un fort pourcentage de cellules se trouve en phase G1, ce qui est confirmé par l’étude de Lakhotia et el. (1992). Une autre étude de Petersen et al. (1990) montre également que, tant que les cellules sont en phase de croissance exponentielle, leur sensibilité face aux contraintes hydrodynamiques ne dépend ni du taux de croissance ni de l’état métabolique de la cellule.

Figure I-22 : Comparaison des effets de l’agitation en spinner à 400 rpm (a) et des contraintes de cisaillement définies en viscosimètre (b) pour des cellules en phase de latence () en phase exponentielle

B.3.2. Facteurs environnementaux

Il semble également que les cellules cultivées en suspension soient plus résistantes aux contraintes hydrodynamiques que les cellules cultivées en mode statique (Petersen et al., 1988). La sensibilité cellulaire aux contraintes hydrodynamiques n’est pas liée à la densité cellulaire, mais peut être, en partie, reliée à l’accumulation de métabolites toxiques (ammonium, lactate). Cette sensibilité à la concentration en métabolites n’entraîne des effets visibles qu’au bout de plusieurs jours.

Plusieurs auteurs ont étudié l’effet de l’ajout d’agents protecteurs contre les contraintes hydrodynamiques dans les milieux de culture (Figure I-23) : le sérum, le Pluronic F68, l’albumine, le dextran, le polyvinyl alcohol, le polyéthylène glycol, la méthyl-cellulose, et la polyvinyl pyrrolidone (Chattopadhyay et al., 1995b; Michaels et al., 1992; Michaels et al., 1995a; Ozturk and Palsson, 1991; Palomares et al., 2000; Ramirez and Mutharasan, 1992). Même si ces additifs augmentent la viscosité du milieu, la plupart sont peu utilisés dans les milieux commerciaux, et leurs effets paraissent discutables (Zhang et al., 1995). En effet, certains additifs comme le dextran peuvent augmenter la mort cellulaire par d’autres mécanismes (Michaels et al., 1992). De plus, l'utilisation d’agents tensio-actifs peut nécessiter des étapes supplémentaires de purification et doit donc être limitée (Murhammer and Goochee, 1990)

(a) (b)

Figure I-23 : Effets de quelques additifs sur la lyse cellulaire en flacons agités à 100 rpm (a) et à 200 rpm (b) (Zhang et al., 1995).

B.3.3. Cas particulier du pluronic F-68

Le Pluronic F-68 est un additif des plus utilisés dans les milieux de culture sans sérum (Keane et al., 2003; Schröder et al., 2004). Il est surtout employé pour réduire la mort des cellules

dans les bioréacteurs agités et aérés (Murhammer and Goochee, 1990). Son effet protecteur a été démontré pour la culture en suspension de cellules de mammifères (Jordan et al., 1994 ; Ramirez and Mutharasan, 1990 ; Zhang et al., 1992a) et de cellules d'insectes (Goldblum et al., 1990; Murhammer and Goochee, 1990), et il est largement utilisé dans les cultures à grande échelle.

Deux mécanismes ont été proposés pour expliquer son effet protecteur comme l’indique la figure suivante :

Mécanisme de protection physique Mécanisme de protection biologique

Mécanisme de protection physique Mécanisme de protection biologique

Figure I-24 : Mécanismes d’action du pluronic pour protéger les cellules des contraintes

hydrodynamiques.

Le premier mécanisme ou processus, lié à une protection physique, suggère que le PF-68 affecte les caractéristiques du milieu de culture. Dans des bioréacteurs aérés, les cellules animales sont endommagées par des interactions cellules-bulles conduisant à la mort des cellules, quand les bulles éclatent à l'interface gaz-liquide (Handa-Corrigan et al., 1989). Le PF-68 permet de stabiliser la couche de mousse à la surface du liquide, de diminuer la vitesse des bulles ascendantes (Handa-Corrigan et al., 1989 ; Jordan et al., 1994 ; Michaels et al., 1991), de limiter les forces hydrodynamiques accompagnant l’éclatement des bulles (Dey et al., 1997), et de réduire les interactions bulles-cellules (Chattopadhyay et al., 1995a ; Meier et

al., 1999 ; Michaels et al., 1995). Le deuxième processus, lié à une protection biologique, suggère une action lente affectant le métabolisme, ou une action rapide liée à l’adsorption (Smith and Greenfield, 1992). Ramirez et Mutharasan (1990) ont montré que le PF-68 diminue la fluidité de la membrane plasmique des hybridomes. Grâce à des mesures de tension de membrane et de module de compressibilité, Zhang et al. (1992b) ont observé que la résistance des hybridomes TB/C3 augmente en présence de 0.05% (w/v) PF-68 (Figure I-25).

Figure I-25 : Viabilité cellulaire après exposition à des contraintes hydrodynamiques : (A) effet de la concentration de pluronic ajoutée, et (B) maintien de la viabilité pour une concentration de 0,05% de pluronic.

Palomares et al. (2000) ont montré que l'action protectrice du PF-68 se prolonge après son élimination du milieu de culture, suggérant que le PF-68 confère une résistance persistante au cisaillement (Figure I-26). Le PF-68 semble également avoir un effet sur de cellules en culture statique. En effet, la présence de PF-68 stimule la croissance des fibroblastes et de cellules de mélanome cultivées dans des boîtes de Pétri (Bentley et al., 1989), et augmente l'attachement de fibroblastes sur les surfaces plastiques (Hokett et al., 2000). Il est probable que le PF-68, grâce à ses propriétés d'agent tensio-actif, interagisse avec la membrane plasmique des cellules (Firestone et Seifert, 2005).

Figure I-26 : Viabilité cellulaire après exposition à des contraintes hydrodynamiques : (A) dans un milieu

de culture avec ( ) et sans() pluronic F-68, (B) et durant 15 minutes après élimination du pluronic

(Palomares et al., 2000).

Dans une étude très récente (Gigout et al., 2008), un dérivé fluorescent du PF-68 a été utilisé pour détecter et localiser le pluronic internalisé dans les cellules durant la culture (Figure I-27). L’absorption du PF-68 par les cellules a été mesurée et caractérisée, et les résultats montrent que le PF-68 entre dans les cellules par endocytose. Cette absorption semble identique pour des conditions de culture statiques et agitées, mais variable selon la lignée cellulaire. Une absorption moyenne de 11,7±6,7 µg PF-68/106 cellules est observée pour les cellules CHO, indépendamment de la concentration initiale en cellules et en PF-68 (entre 0,01 et 0,2 w/v). Cette étude mentionne également que les cellules CHO, contrairement aux chondrocytes, ont la capacité d’éliminer le PF-68 fluorescent intracellulaire. Ceci prouve que l’absorption du PF-68 par les cellules peut affecter fortement la concentration en PF-68 dans le milieu de culture et donc son effet protecteur.

Figure I-27 : Localisation du PF-68 fluorescent dans des cellules CHO et des chondrocytes : PF-68 en vert,

C. Les effets des contraintes hydrodynamiques dans des systèmes à