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Chapitre I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

C. Les effets des contraintes hydrodynamiques dans des systèmes à petite échelle

D.1.5. Caractérisation hydrodynamique expérimentale et numérique

lk (I-21)

avec ν la viscosité cinématique (m2/s) et ε le taux de dissipation de l’énergie cinétique turbulente (m2/s3 ou W/kg).

En moyenne volumique, on peut relier <ε> à P (W) par :

V P

ρ

ε = (I-22)

avec ρ la masse volumique (kg/m3) et V le volume du liquide (m3). En régime turbulent, on a :

V D N NP 3 5

=

ε (I-23)

avec N la vitesse d’agitation (s-1) et D le diamètre de l’agitateur (m).

D.1.5. Caractérisation hydrodynamique expérimentale et numérique

a) Utilité et description de ces techniques de caractérisation

Les prédictions basées sur les termes globaux de caractérisation hydrodynamique proposées dans la littérature peuvent être utilisées pour des cuves simples. Cependant, elles ne sont pas applicables pour les configurations plus ou moins complexes, comme le fait d’avoir certains accessoires ou éléments rajoutés à la structure de la cuve (sondes, points de prélèvements et d’ajouts…); dans ce cas l’utilisation de corrélations expérimentales est nécessaire (Moreira et al., 1995). Pour cela, l’analyse locale du comportement de la cuve agitée permet la détermination des champs de vitesse en tout point de la cuve dont les zones mortes et les zones à fort gradient de vitesse. La connaissance du champ turbulent permet de quantifier le mélange en estimant les échelles caractéristiques des tourbillons énergétiques, le niveau d’énergie associé et le taux de dissipation d’énergie. L’utilisation des outils de simulation numérique, CFD (Computational Fluid Dynamic) permettant d’accéder aux grandeurs locales, doit être cependant validée par l’analyse expérimentale des écoulements.

gouvernant le mélange. En régime d’écoulement laminaire pour un fluide newtonien, les équations de Navier-Stokes peuvent être directement résolues, et il est possible de calculer la puissance consommée par le système d’agitation, soit, par intégration spatiale de la dissipation visqueuse d’énergie dans tout le domaine, soit, par intégration de la distribution des puissances des contraintes de cisaillement sur le contour de l’agitateur (Tatterson, 1991). En régime turbulent, les équations de Navier-Stokes sont résolues après leur prise de moyenne au sens de Reynolds (RANS : Reynolds Average Navier-Stokes), et il est indispensable de prendre en compte la diffusion de quantité de mouvement, de température et de concentration pour calculer le comportement moyen de l’écoulement. Plusieurs modèles permettent de représenter cette diffusion turbulente, dont les modèles (k, ε) basés sur les deux équations de transport de l’énergie cinétique turbulente k et de son taux de dissipation ε, et qui comptent parmi les plus utilisés. Dans les calculs en régime turbulent en cuve agitée, on peut accéder aux profils de vitesse moyenne et de l’énergie cinétique turbulente, par contre le taux de dissipation de l’énergie cinétique turbulente est exprimé en fonction de l’énergie cinétique turbulente et de la macro échelle de longueur ou échelle de Kolmogorov.

Pour valider les résultats obtenus par CFD, plusieurs techniques permettent de mesurer expérimentalement les vitesses de l’écoulement dans une cuve agitée : l’anémométrie à film chaud (Hot Film Anemometry : HFA), l’anémométrie à fil chaud (Hot Wire Anemometry : HWA) ou l’anémométrie laser à effet Doppler (Laser Doppler Anemometry : LDA, également appelée Laser Doppler Velocimetry: LDV), et la vélocimétrie par image de particules (Particle Image Velocimetry : PIV). L’inconvénient de ces techniques est qu’en écoulement turbulent, un grand nombre de mesures locales est nécessaire et que la présence d’un grand nombre d’inclusions de phase dispersée limite l’utilisation des techniques optiques de vélocimétrie.

b) Exemples d’études

La simulation numérique (Computational Fluid Dynamic, CFD) et les techniques vélocimétriques ont été utilisées pour caractériser les mélanges dans des réacteurs de culture cellulaire. On observe souvent pour les cuves agitées co-centriques, c’est à dire avec un axe d’agitation confondu avec l’axe de la cuve, l’apparition en régime laminaire de régions à ségrégation toroïdale au-dessus et en dessous du mobile d’agitation (Figure I-35) avec un mouvement régulier (Alvarez et al., 2005; Lamberto et al., 1999). Plus le nombre de Reynolds ou le diamètre du mobile sont bas, plus les zones de ségrégation sont grandes. Ceci constitue un problème car il n’y a plus d’échange de matière entre ces différentes zones. Dans un

système laminaire, le chaos est le seul mécanisme de mélange (Arratia et al., 2004). Alvarez et al. (2002) ont démontré que, dans le cas co-centrique, le mélange est déclenché par le passage des pales du mobile d’agitation. Ceci crée une perturbation périodique, qui est en fait un système parfaitement régulier (Alvarez-Hernández et al., 2002). Une nouvelle configuration d’un réacteur agité pour la culture de cellules mammaliennes, avec un mobile excentré, a été caractérisée par Sanchez Cervantes et al. (2006) à l’aide de la CFD combinée à une visualisation par UV et une vélocimétrie LIF (Laser Induced Fluorescent techniques). Les meilleures conditions de mélange (Temps de mélange < 1 min à 30 rpm) étaient obtenues pour de très faibles nombres de Reynolds avec un mobile à disque sans pales complètement excentré. Dans le cas d’un mobile excentré, le système devient chaotique même avec un mobile sans pale (Sanchez Cervantes et al., 2006).

Figure I-35 : Exemple d’apparition de zones toroïdales dans un réacteur co-centrique avec un mobile de

type disque sans pale (Sanchez Cervantes et al., 2006).

La combinaison des techniques numériques et expérimentales a également permis de caractériser le taux d’énergie dissipée dans différents systèmes de petite échelle et dans un réacteur de type cuve agitée avec une turbine Rushton à 6 pales (Mollet et al., 2004). L’une des principales observations retenues par cette étude est qu’il faut atteindre des conditions extrêmes pour avoir un taux de dissipation d'énergie pouvant causer la mort des cellules animales en suspension, qui serait de l’ordre de 1.107 W/m3 selon Ma et al. (2002).

Cependant, il est plus facile d'atteindre une valeur d’énergie dissipée de 1.104 W/m3, qui est dommageable pour les cellules sur microporteurs (Gregoriades et al., 2000; Venkat et al., 1996). Cette différence de seuil critique entre les cellules en suspension et les cellules adhérentes peut expliquer la controverse concernant la grande fragilité des cellules animales.

Figure I-36 : Simulation numériques de la distribution du taux d’énergie dissipée dans des réacteurs de

différentes tailles (a) 20 L, (b) 200 L, (c) 2000 L et (d) 20 000 L (Heath and Kiss, 2007).

La détermination de l’énergie dissipée par CFD est également présentée comme un atout majeur pour l’extrapolation (scale-up) par Heath et Kiss (2007). Cette étude recommande plutôt l’utilisation de la valeur d’énergie dissipée locale au lieu de la valeur moyenne (Figure I-36). Une approche intermédiaire serait de moyenner la puissance dissipée par l’agitateur dans le volume d’influence de l’agitateur et non sur le volume complet de liquide. Heath et Kiss (2007) ont obtenu une estimation du nombre de puissance du mobile d’agitation, ce qui est difficile à obtenir expérimentalement, ainsi qu’une détermination des temps de mélange variant de 35 s pour 20 L jusqu'à 164 s pour 20 000 L. De plus, l’utilisation de la CFD a permis, non seulement, d’obtenir la distribution de l’énergie dissipée, mais également, la distribution du temps d’exposition des cellules (en % de temps) aux taux d’énergie dissipée et

aux contraintes de cisaillement. De telles distributions fournissent une approche utile pour comprendre les différences potentielles dans les forces physiques subies par des cellules en raison de l’extrapolation.

La caractérisation de l’hydrodynamique, par CFD (modèle k-ε) couplée à la PIV, d’un réacteur de type spinner à agitation axiale pour la production de cartilage a également été effectuée. Pour ce type de culture, les contraintes mécaniques sur ces cellules sont nécessaires pour stimuler la croissance cellulaire et réguler l’expression de la matrice extracellulaire in vivo (Sucosky et al., 2004). De même, les écoulements et les transferts de matière dans une structure tridimensionnelle de culture tissulaire (scaffold), dans un bioréacteur à rotation uni-axiale et bi-uni-axiale, ont été caractérisés à l’aide de la CFD (Porter et al., 2005; Singh et al., 2005). La turbulence d’un spinner classique a également été déterminée avec la LDA seule dans une étude de l’effet des contraintes de cisaillement turbulentes sur les cellules mammaliennes avec et sans SVF (Elias et al., 1995). Cette étude indique que les contraintes maximales initialement entre 0,15 et 0,8 N/m2 à 150 rpm, deviennent de l’ordre de 0,4 N/m2 pour 300 rpm, et que l’intensité de turbulence est réduite en présence de sérum. De même, l’hydrodynamique d’un spinner de culture sur microporteurs a été caractérisée par vélocimétrie pour une gamme de vitesse entre 90 et 210 rpm (Venkat et al., 1996). L’énergie dissipée maximale au niveau du mobile d’agitation a été ainsi déterminée, pour conclure à un niveau critique de 1 104 W/m3 pour les cellules sur microporteurs (Figure I-37).

Ces techniques expérimentales et numériques ont également été utilisées pour caractériser l’hydrodynamique de systèmes à petite échelle comme les viscosimètres et les systèmes à flux. Par exemple, la LDA a été utilisée pour confirmer l’écoulement laminaire et les profils de vitesse dans un viscosimètre dédié à l’étude des effets des contraintes hydrodynamiques, entre 0 et 16 N/m2, sur les hybridomes (Schurch et al., 1988). La CFD, quant à elle, a permis la caractérisation de l’hydrodynamique dans un système à canal microfluidique permettant ainsi d’établir des corrélations avec la réponse cellulaire (Mollet et al., 2007), ainsi que dans un système microfluidique similaire au passage des cellules CHO et THP1 dans un FACS (Fluorescent Activated Cell Sorting) (Mollet et al., 2008).

Figure I-37 : Projection des vitesses moyennes (Vr-Vz) dans trois plans r-z à θθθθ1 = 72° θθθθ2 = 48° et θθθθ3 = 24° derrière le mobile d’agitation (Venkat et al., 1996).

D.2. Relation entre l’hydrodynamique et la réponse physiologique des

cellules

Comme exposé dans la 3ème partie de ce chapitre, il y a une grande diversité des réponses cellulaires aux contraintes hydrodynamiques. Cette variabilité s’avère couplée à la diversité des contraintes en bioréacteur. Le challenge est de pouvoir caractériser le couplage hydro-biologique par le choix et le calcul de paramètres fiables et généralisables. Une description des phénomènes hydrodynamiques néfastes pour les cellules dans les bioréacteurs à cellules animales, ainsi que des études ayant essayé d’identifier et de corréler les contraintes hydrodynamiques aux réponses biologiques des cellules, seront détaillées ci-dessous.

D.2.1. Principaux phénomènes dommageables pour les cellules en réacteur