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Facteurs limitants

Dans le document Québec LYNX DU CANADA (Page 55-63)

La croissance des populations de lynx peut être limitée par quatre principaux facteurs. Deux de ces facteurs sont d'origine naturelle, soit l'importance du niveau des populations de lièvre et la distri-bution du Lynx roux et deux autres sont attribuables principalement à l'activité humaine, soit le piégeage et la perte d'habitats.

Le facteur le plus limitant, est sans aucun doute l'abondance de lièvres. Sans nécessairement reprendre les éléments discutés précé-demment, rappelons simplement que le lynx dépend presqu'exclusivement du lièvre pour sa survie (Iurgenson 1955; Nellis et al. 1972; Stewart 1973; Brand et al. 1976; More 1976; Brand et Keith 1979; Pullianen 1981; McCord et Cardoza 1982; Parker et al. 1983; Banville 1986;

Noiseux et Doucet 1987; Quinn et Parker 1987). En période de rareté de

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-cette proie, on observe une diminution du recrutement, résultant d'une mortalité post-natale accrue, d'un développement plus lent et d'une diminution de la productivité des femelles juvéniles (Saunders 1961 et Nava 1970 in McCord et Cardoza 1982; Nell is et al. 1972; Brand et al.

1976; Brand et Keith 1979; Parker et al. 1983).

Le déclin des populations de lynx amorcé par celui des populations de lièvres, pourrait être accentué par l'activité de piégeage ou de chasse sur cette dernière espèce. La capture du lièvre pourrait donc limiter la disponibilité de cette nourriture pour le lynx. La récolte totale du lièvre par cette activité en 1983-1984 s'élevait à 309 000 pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean, à 230 000 pour la Côte-Nord, à 209 000 pour la région de Québec et à 191 000 pour le Bas-St-Laurent-Gaspésie. Pour l'ensemble du Québec, il s'est récolté 1,1 million de lièvres (Statbec 1985). On ne connaît toutefois pas l'importance de prélèvement par rapport à la population totale. Cependant, il n'existe aucune étude spécifique de l'impact de cette activité en tant que facteur limitant la croissance des populations de lynx.

Le Lynx roux pourrait aussi représenter un facteur limitant naturel dans la distribution du Lynx du Canada (Parker et al. 1983). En effet, la distribution géographique respective de ces deux espèces est à toutes fins pratiques exclusive et le Lynx roux se retrouve plus au sud que le Lynx du Canada (McCord et Cardoza 1982; Roi ley 1987). La distribution du Lynx roux vers le nord, est probablement conditionnée par les fortes accumulations de neige limitant ainsi les déplacements.

Par exemple, le Lynx du Canada exerce une pression d'enfoncement de 28 à 34 g/cm^ sur la neige, ce qui est deux fois moindre que le Lynx roux (Quinn 1984). Enfin, dans le même esprit, on ne sait si le Coyote (Canis latrans) pourrait avoir un impact semblable sur les populations du Lynx du Canada.

Enfin, tel que mentionné précédemment, la maladie et le parasitisme ne semblent pas être des facteurs limitants dans la régulation des popula-tions (McCord et Cardoza 1982; Quinn et Parker 1987), de même que la

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-prédation. Parmi les prédateurs potentiels notons le Loup (Canis lupus), le Couguar (Felis concolor) (Banfield 1974), le Chien (Canis domesticus) devenu sauvage, de même que le Carcajou (Gulo gulo) (Berrie 1974 in McCord et Cardoza 1982). Pulliainen (1965 in McCord et Cardoza 1982) rapporte que suite à la diminution du loup en Finlande, le lynx a augmenté.

Parmi les facteurs attribuables à l'activité humaine, l'altération de l'habitat a été identifié comme un facteur responsable du déclin des populations de lynx (Fountain 1976; Parker et al. 1983). Les pertes d'habitats engendrés par les coupes forestières, de même que les feux de forêts, ont été avancés pour expliquer la disparition du lynx à l'île du Prince-Edouard, en Nouvelle-Ecosse et au Wisconsin (Jordahl 1956; CITES 1982). Cependant, tel que mentionné précédemment l'habitat du lynx est mal connu et il y aurait lieu de mieux caractériser cet aspect afin d'évaluer adéquatement l'impact des coupes forestières et des pratiques sylvicoles actuelles.

Enfin, déjà en 1942, Butler considérait que le piégeage pouvait être responsable du déclin des populations de lynx, suggérant même que cette activité pouvait prélever de 30 à 80% de la population.

Cependant, il ne considérait pas que le lynx pouvait également être limité par la nourriture. DeVos et Matel (1952) de même que Fox (1978) rapportent également que le piégeage peut affecter les populations. À cet effet, Keith (1963) a observé une rareté de lynx dans l'ouest malgré une augmentation des populations de lièvres. Berrie (1974) en Alaska, a avancé l'idée que la diminution de l'amplitude du cycle pouvait être causée par la surexploitation. Les taux de mortalité sont inférieurs lorsque la saison de piégeage est fermée (Bailey et al.

1986; Ward et Slough 1987). Le lynx se montre très vulnérable à la pression de piégeage (Mech 1980; Carbyn et Patriquin 1983; Parker et il. 1983). Ceci peut occasionner une surexploitation des populations où le piégeage constitue une mortalité additive à la mortalité naturelle (Brand et Keith 1979; Parker et al. 1983; Bailey et al.

1986). De plus, des taux d'exploitation excédant la productivité ont

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-été observés au Yukon par Ward et Slough (1987) comme au Québec par Banville (1986). Les taux d'exploitation observés respectivement par chacun de ces auteurs sont de 65 à 80% et de 30 à 50%, alors que Noiseux et Doucet (1987) dans la réserve faunique des Laurentides, observaient des taux de 19 à 30%, correspondant presqu'au taux de recrutement. Le piégeage, en plus de constituer une mortalité additive, peut augmenter la mortalité chez les jeunes lorsque la mère est capturée (Saunders 1963b; Brand et al. 1976; Parker 1981; Parker et al. 1983; Bailey et al. 1986).

Brand et Keith (1978) ont estimé par simulation que la fermeture du piégeage pendant trois ans lors du déclin et du bas du cycle, aurait des effets bénéfiques sur la population et la récolte de lynx. Ainsi, sur une période de huit ans (3 ans de fermeture suivi de 5 ans de piégeage), le niveau des populations pourrait être le double de ce qu'il aurait été si le piégeage était demeuré ouvert tout le temps.

D'autre part, dans ces circonstances, la récolte totale pour la même période, aurait été supérieure de 40%.

D'autre part, déjà en 1942, Bulter avançait que le pic des captures du lynx pouvait être décalé par rapport au pic d'abondance des popula-tions. O'Connor (1984 j_n Hatler 1988) rapporte également un tel décalage, pouvant aller jusqu'à trois ans. Le déclin de la repro-duction atteindrait alors une différence de quatre années par rapport au pic de la récolte.

44 -3. DYNAMIQUE DES POPULATIONS

Les premières observations relatives aux variations cycliques des populations de lynx, ont été amenées par Elton et Nicholson (1942) suite à une analyse des données de la vente des fourrures de la com-pagnie de la Baie d'Hudson. Ce cycle, d'une durée d'environ 9,6 ans (Elton et Nicholson 1942; Bulmer 1974) montre une fréquence d'oscil-lation assez constante mais avec des amplitudes variables (Bulmer 1974;

Schaefer 1984). Au Québec, la durée du cycle, calculée à partir du pic des récoltes, est d'environ 9,1 ans. Plusieurs auteurs ont cherché à expliquer ce phénomène cyclique, soit par des facteurs extrinsèques ou intrinsèques. L'activité solaire, le cycle lunaire, le hasard, les conditions météorologiques ou encore les feux de forêts n'ont pu expliquer les variations cycliques du lynx (Elton 1924; MacLulich 1937; Elton et Nicholson 1942; Moran 1949, 1953; Meslow et Keith 1968;

Archibald 1977; Fox 1978; Arditi 1979; Wing et al. 1985).

On associe beaucoup le cycle du lièvre à celui du lynx. Weinstein (1977) a suggéré une relation proie-prédateur où le lynx serait res-ponsable du déclin du lièvre. Ainsi, cet auteur associe la diminution de l'abondance du lièvre à la prédation par le lynx, entraînant une diminution de l'activité des trappeurs pour la capture du lièvre et du lynx. Cependant, il n'y a aucune évidence de cette diminution de l'activité des trappeurs. Cette hypothèse dans la relation proie-prédateur est également contredite par le fait que Keith (1963) rapporte que le lièvre peut fluctuer en l'absence de lynx, suggérant ainsi, du moins en partie, que le lynx n'est pas responsable du déclin du lièvre. Suite à ces résultats, Gilpin (1973) suggérait que la diminution du lièvre pouvait être reliée à une maladie quelconque initiant ainsi le déclin. Cependant, il n'existe pas encore de fait démontrant ceci (Arditi 1979). Les détails entourant l'initiation du déclin du lièvre sont encore inconnus. Reprenant la formule de base de Lack (1954), Keith (1974) mentionne que la cause initiale du cycle du lynx se situe au niveau de l'interaction du lièvre et de sa source de nourriture. En période d'abondance du lièvre, il y aurait

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-surexploitation de la végétation qui développerait alors des composés secondaires tels des terpènes et des phénols, rendant ainsi les plantes peu attirantes au goût (Bryant 1981), mais ces résultats sont contredits, du moins en partie par Sinclair et Smith (1984).

La relation prédateur-proie qui existe entre le lynx et le lièvre a été mieux comprise à partir des études effectuées en Alberta par Nell is et Keith (1968), Nell is et al. (1972), Brand et al. (1976) et par Brand et Keith (1979). Ainsi il a été démontré que la diminution de l'abondance du lièvre avait un impact direct sur le déclin des populations de lynx, en diminuant le recrutement, non pas par une diminution de la produc-tivité des femelles (sauf pour les juvéniles) mais par une mortalité accrue des nouveau-nés. Il a été démontré que lorsque la densité de lièvres diminue, les déplacements du lynx augmentent et son nombre total de captures de lièvres baisse (Nellis et Keith 1968; Brand et al.

1976). Le lynx ne possède pas de proies alternatives adéquates pouvant assurer ses besoins en période de rareté du lièvre (Brand et al. 1976).

Il en résulte donc que le cycle du lynx reflète celui de sa proie principale (Nellis et al. 1972; Bulmer 1974; Arditi 1979; Brand et Keith 1979), avec un décalage de 1 à 2 ans (MacLulich 1937; Keith 1963;

Brand et al. 1976; Fountain 1976; Brand et Keith 1979).

Au Canada, le cycle est initié dans les provinces centrales et s'étend vers l'est et l'ouest (Bulmer 1974; Smith et Davis 1981). Ainsi, les populations de lynx du Québec sont décalées respectivement de 3,0, 3,4 et 2,0 ans par rapport au Manitoba, la Saskatchewan et 1'Alberta (Bulmer 1974; Smith et Davis 1981). De même, on observe une différence géographique dans l'amplitude du cycle, celle-ci étant plus forte en Alberta (Bulmer 1974). Au cours de ces fluctuations dans le cycle, le nombre total de lynx peut varier de 5 à 10 fois (Keith 1963).

Dans la récolte, on retrouve généralement une prépondérance de juvé-niles, une sous-représentation des jeunes de même qu'une prédominance des mâles chez les juvéniles et les adultes (Quinn et Thompson 1985).

On associe souvent ces dissimilitudes à une différence comportementale

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-liée au sexe et à l'âge (Brand et al. 1976; Brand et Keith 1979; Mech 1980). En général les mâles sont environ deux fois plus vulnérables au piégeage que les femelles alors que les juvéniles le sont environ cinq fois plus que les adultes (Bailey et al. 1986). La plus grande vulné-rabilité des mâles a également été observée par Van Zyll de Jong (1963), Stewart (1973), Berrie (1974) et Parker et al. (1983) alors que Brand et Keith (1979), Banville (1986) et Noiseux et Doucet (1987) n'ont pu établir cette relation.

Lorsque la saison est suffisamment longue, on peut retrouver une diffé-rence de vulnérabilité selon le groupe d'âge. Alors que les adultes sont constants dans la récolte tout au cours de la saison de piégeage, les juvéniles prédominent surtout à l'automne et au début de l'hiver, diminuant par après, alors que les chatons sont plutôt rares à l'autom-ne mais augmentent après décembre (Quinn et Thompson 1985). L'augmen-tation des jeunes en janvier et février est probablement due à une plus grande indépendance envers leur mère (Brand et Keith 1979). On peut donc observer une variation dans la composition de la récolte selon la durée des saisons de piégeage. On peut également observer des varia-tions selon le niveau d'abondance du lynx. Ainsi, dans une population de lynx en expansion ou en haut de cycle, la structure de la récolte devrait se composer de 10 à 31% de jeunes, alors qu'on devrait retrou-ver environ 40% de juvéniles (Quinn 1984; Quinn et Gardner 1984; Yukon Renewable Resources 1987). À l'opposé, dans une population en déclin, les jeunes sont absents dans la récolte (Brand et Keith 1979).

En matière de stratégie de gestion, Caughley (1977) discute deux options pour exploiter une population de lynx. La stratégie d'exploi-tation moyenne (mean strategy) vise à récolter un nombre fixe d'indivi-dus en ignorant les fluctuations en nombre d'une population. Cette stratégie s'applique bien pour les populations qui ne présentent pas de telles fluctuations ou encore d'une périodicité courte. Dans le cas du lynx, cette méthode ne s'applique pas, puisqu'elle surexpToiterait la population en période de déclin et la sous-exploiterait en période de haut de cycle, dépendamment du nombre fixé. Pour sa part, la stratégie

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-de suivi (tracking strategy) est beaucoup plus souple. Elle ajuste constamment le quota de la récolte à mesure que la population fluctue.

Elle se prête bien aux populations soumises à des fluctuations en nombre dont la périodicité excède cinq ans.

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-4. L'OFFRE

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