• Aucun résultat trouvé

Chapitre I : Etude bibliographique

I.3 Les Systèmes de Support Vie et Contrôle Environnemental et le projet MELiSSA

I.4.2 Facteurs influençant la croissance

Les bactéries nitrifiantes sont difficiles à cultiver notamment du fait de leur croissance lente (Tableau I-12). De plus, différents facteurs affectent également leur croissance.

I.4.2.1 La concentration en oxygène dissous

La nitrification assurée par N. europaea et N. winogradskyi nécessite de l’oxygène. Ce substrat est essentiel dans la culture de ces deux bactéries et une concentration minimale en oxygène dissous est nécessaire pour obtenir une conversion de l’ammonium. En effet, en dessous de 1 mg O2/L, une accumulation de nitrite est observée. Au-dessus de 2.5 mgO2/L, l’ammonium est totalement oxydé et la seule limitation est sa concentration en entrée de réacteur (Garrido et al., 1997). Lors d’une coculture, dans le but de parvenir à une nitrification totale, il est indispensable de maintenir une concentration en oxygène suffisante pour subvenir aux besoins de chacune des deux bactéries. Pour obtenir une nitrification complète, 4.6 mg O2 sont requis par mg N-NH4+ oxydé (Lytle et al., 2013).

Lorsque la concentration en oxygène devient limitante, les AOB prennent le dessus sur les NOB ; une nitrification partielle avec accumulation de nitrite est alors observable (Blackburne et al., 2008). En effet (Tokutomi, 2004) a montré que pour une concentration en oxygène dissous inférieure à 1 mg/L, la croissance des AOB était 2.6 fois plus rapide que celle des NOB.

I.4.2.2 La lumière

La photosensibilité des bactéries nitrifiantes a été mise en évidence dès les premières études menées sur ces populations.

Nitrosomonas europaea est affectée par les longueurs proches de la limite UV-visible. En effet, exposées à des longueurs d’onde inférieures à 400 nm, les enzymes AMO et HAO sont détruites (Hooper and Terry, 1974). Au-delà de 400 nm, l’HAO n’est plus inhibée et serait même stimulée. L’AMO a sa totale capacité d’oxydation lorsque les longueurs d’onde

55 sont au dessus de 430 nm. Des études postérieures ont montré que l’inhibition de ces enzymes serait liée à une photooxydation des cytochromes c (Bock et al., 1986). 90% des cellules de Nitrosomonas europaea inactivées par la lumière, retrouvent un métabolisme fonctionnel 10 heures après la fin de l’exposition (Hooper and Terry, 1974).

Nitrobacter présente une photosensibilité dans la même gamme de longueur d’onde que Nitrosomonas europaea. En revanche, l’inhibition n’aurait lieu que lors d’expositions d’au minimum 4 h, et lorsque la concentration cellulaire est supérieure à 106 cellules/mL (Guerrero and Jones, 1997). Comme chez Nitrosomonas, l’inhibition serait liée à une photooxydation des cytochromes c (Olson, 1981).

Pour récapituler et éliminer ces phénomènes de photo-inhibition,, il est nécessaire de placer les cultures de Nitrosomonas europaea et Nitrobacter winogradskyi dans le noir..

I.4.2.3 Concentration en substrats et produits

Les bactéries nitritantes présentent une croissance plus rapide que les bactéries nitratantes. Dans l’environnement ou lors de cocultures en laboratoire, cela peut se traduire par une accumulation de nitrite. Les bactéries nitrifiantes peuvent subir une inhibition à la fois par leur substrat (ammonium et nitrite) et leur produit (nitrite et nitrate). Cela rajoute une contrainte au pilotage des cultures car il faut à la fois faire attention à la concentration de substrat mais aussi à la concentration des produits atteinte à l’issue de cultures en batch par exemple. Les AOB sont sensibles à la concentration en ammonium dans le milieu de culture. Lorsque cette concentration est trop faible, inférieure à 1 µg N-NH4+/L, le taux de croissance maximum de Nitrosomonas europaea est divisé par 5 (Prosser, 1989). Dans cette condition, 86% du substrat sert à la maintenance de la bactérie. Des études complémentaires ont montré que la gamme de concentrations optimales à la culture de Nitrosomonas europaea est comprise entre 28 et 420 mg N-NH4+/L (Watson et al., 1989). Lors d’une culture de Nitrosomonas, la concentration en ammonium n’est pas le seul inhibiteur possible : la concentration en ammoniac libre (Free ammonia ; FA) peut jouer un rôle inhibiteur sur le métabolisme de Nitrosomonas europaea. Tant que la concentration reste inférieure à 16 mg N-NH3/L, aucune inhibition n’est constatée sur la croissance de Nitrosomonas (Vadivelu et al., 2006). L’équilibre entre ammonium et ammoniac est régi par le pH et la température du milieu de culture ou de l’environnement. Le pKa de l’équilibre NH4+/NH3 est 9.2. En conséquence, à un pH inférieur la forme ammonium prédomine (Anthonisen et al., 1976). Afin de limiter la concentration en ammoniac libre, il faut alors se placer à un pH inférieur mais compatible avec la gamme optimale pour la croissance de Nitrosomonas europaea. La concentration en nitrite est un inhibiteur non négligeable de la croissance de Nitrosomonas europaea. Au dessus de 276 mg N-NO2-/L, la quantité d’ammonium oxydée est divisée par

56

deux, traduisant l’effet inhibitoire du nitrite sur le métabolisme de N. europaea (Stein and Arp, 1998). Il existe un équilibre de prépondérance entre le nitrite et sa forme acide l’acide nitreux (Free nitrous acid ; FNA) dont le pKa est de 3.3 (C. P. Leslie Grady Jr et al., 2011). Ainsi plus le pH est acide dans l’environnement de Nitrosomonas europaea et plus la communauté sera exposée à une concentration de FNA importante. Néanmoins, à partir de 0.40 mg N-HNO2/L, l’anabolisme de Nitrosomonas est totalement inhibé (V. M. Vadivelu et al., 2006). L’oxydation de l’ammonium entrainant une acidification du milieu, il est important d’avoir une régulation pH lors de cultures de Nitrosomonas.

Les NOB sont sensibles aux différents composés azotés auxquels ils sont exposés. Ils sont par exemple plus sensibles au FA que les AOB. En effet, une concentration supérieure à 6 mg N-NH3/L inhibe totalement la croissance de Nitrobacter winogradskyi (Vadivelu et al., 2007). En revanche l’ammonium a un effet antagoniste sur Nitrobacter winogradskyi. Lorsque les concentrations sont fortes, une inhibition de l’activité est observée mais jusqu’à 10 mg N-NH4+/L, une augmentation du taux de nitrification est observée (Ma et al., 2014). L’inhibition par l’ammonium est probablement reliée à une concentration en FA dépassant le seuil de toxicité. Pour une concentration de 10 mg N-NH4+/L, une concentration en FA de 2.47 mg N-NH3/L est constatée qui est une valeur inférieure au seuil de toxicité. Ainsi, une faible concentration en ammonium est nécessaire pour optimiser le taux de nitrification. Le substrat de Nitrobacter, le nitrite, influe fortement sur sa croissance. Lorsque la concentration en nitrite est inférieure à 1 µg/L, le taux de croissance maximum est divisé par quatre et 81% du substrat ne sert qu’à la maintenance (Prosser, 1989). La gamme optimale de concentration en nitrite s’étend de 28 à 420 mg N-NO2-/L pour Nitrobacter (Watson et al., 1989). Les effets du FNA sur le métabolisme des NOB ont été étudiés : le genre Nitrospira est par exemple plus sensible à l’acide nitreux que le genre Nitrobacter (Blackburne et al., 2007). Une diminution de moitié de l’activité de Nitrobacter a été mise en évidence pour une concentration en FNA supérieure à 0.03 mg N-HNO2/L (Blackburne et al., 2007). Le produit de la nitratation, le nitrate, peut causer une rétroinhibition sur cette réaction. Une inhibition du métabolisme de Nitrobacter est constatée lorsque la concentration en nitrate dépasse 4 g N-NO3-/L.

En résumé, pour obtenir des cocoltures de Nitrosomonas europaea et Nitrobacter winogradskyi dont le taux de nitrification est élevé, il faut tenir compte des différents seuils de toxicité des substrats et produits. Il est notamment essentiel d’éviter l’accumulation de nitrite afin de limiter les effets de celui-ci et du FNA sur les deux souches.

57

I.4.2.4 Le pH

Le pH est un paramètre dont le contrôle est essentiel pour les cultures de bactéries nitrifiantes. Grunditz et Dalhammar (2001) ont montré que pour Nitrosomonas et Nitrobacter, le pH optimal se situe entre 7.5 et 8.5, Figure I-25.

Figure I-25: Evolution de l'activité de Nitrosomonas (A) et Nitrobacter (B) en fonction du pH du milieu de culture (Grunditz C. and Dalhammar G., 2001).

A pH=8±0.5, l’activité de Nitrosomonas et Nitrobacter est à 80 % de l’activité maximale. Au dessus de 8.5, l’activité de Nitrobacter chute plus fortement que celle de Nitrosomonas. Dans le cadre d’une coculture de ces deux bactéries, une augmentation du pH au dessus de 8.5 pourrait engendrer l’accumulation de nitrite : pour un rapport de population donné entre les deux souches, Nitrosomonas a un métabolisme plus actif que Nitrobacter qui n’arrive pas à oxyder tout le nitrite produit.

De plus, comme ceci est décrit dans la partie I.4.2.3, le pH a une influence directe sur les concentrations d’ammoniac et d’acide nitreux libres auxquelles sont exposées les bactéries. A pH=8 qui semble être le pH idéal pour une coculture entre Nitrosomonas et Nitrobacter, l’équilibre entre l’ammonium et l’ammoniac libre est tel qu’à 30 °C, il y a 7.5 % de N-NH3

(Boyd, 2015). Le pH a une influence directe sur la proportion d’ammonium, de nitrite et nitrate en solution :

avec K

a

=6.3·10

-10

et p Ka=9.2

(I.5)