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Chapitre 2 : FACTEURS RESPONSABLES DE L’EROSION DU LITTORAL DE…

III- 3 Les facteurs hydrodynamiques marins

Les principaux facteurs hydrodynamiques qui font varier les termes du budget sédimentaire à l’échelle d’une unité littorale sont: les courants de marée, la dérive littorale, les houles, et l’élévation du niveau de la mer. Ces paramètres sont interdépendants.

III-3-1. Les courants de marée

La marée, généralement faible, se manifeste de façon synchrone sur l’ensemble du littoral de Tétouan. Les courants de marée faibles (LPEE, 1993), n’ont qu’un rôle mineur dans l’évolution morphologique de ce rivage.

III-3-2. Les courants de dérive littorale

A proximité des côtes, les vagues se déforment et induisent la formation de courants : Lorsque le front d'onde des vagues est oblique par rapport à la ligne de côte, il apparaît par réflexion un courant parallèle à la côte, appelé la dérive littorale. Ce courant créé en bordure immédiate du trait de côte, joue un rôle d’autant plus important en Méditerranée que les courants de marée sont faibles. Il met en mouvement les sédiments côtiers; ceci se répercute sur le volume sédimentaire potentiel en transit et sur le travail de modelé de plage.

Sur le littoral de Tétouan la dérive littorale (de 15 000 à 20 000 m3/an) est tantôt Sud-Nord, tantôt Nord-Sud entre Fnidek et M’diq (Malek, 1995, Emran et Hakdaoui, 2003), alors qu’entre Cabo Négro et Azla, elle serait préférentiellement Sud-Nord avec un transit de 20 000 à 30 000 m3/an (L.P.E.E ,1994; 1997). Elle se présente donc sous deux cellules qui se

partagent cette côte de part et d’autre de Koudiat Taifor. L’importance du transit littoral apparaît dans:

- la présence du bourrelet sédimentaire qui ferme les embouchures des oueds (cas du Négro) (Photo 2) ou bien l’apparition d’une barre sableuse d’estuaire au niveau des oueds Mellah et Martil (Photo 3 a et b). Il est parfois barré par une flèche qui se développe à la faveur de la dérive littorale et comme la côte sud est à dérive littorale Sud-Nord assez constante (flèche sur le croquis), il se forme une seule flèche (un poulier) qui repousse l'exutoire principal du cours d'eau vers la rive opposée érodée, qui devient alors un musoir ;

- la flèche littorale avec un point d'ancrage au niveau de la pointe d’Al Mina (Photo 4);

- l’accumulation de sable au Sud de la jetée secondaire du port de Marina Smir et de l’épi de Cabo Négro. Ces structures bloquent et piégent une grande part du transit littoral (Jaaidi et al .1993 ; Malek, 1995; Emran et Hakdaoui, 2003) (Photo 5).

En fonction de la configuration du rivage, et selon l’angle d’incidence de la houle, les sédiments vont soit se déposant (accrétion), soit s’éroder. Les courants de dérive littorale sont aussi compensés par des courants de retour (rip-currents), chargés d’évacuer l’eau venue à la côte dans le jet de rive. Ils sont capables, lorsqu’ils se superposent aux courants de houle d’entraîner les sédiments vers le large. Cette régularisation du trait de côte par la dérive littorale contrôle fortement la mobilité du littorale de Tétouan.

III-3-3. Les houles de tempêtes

Les tempêtes, aussi soudaines qu'imprévisibles, sont un événement climatique provoqué par le passage d'une dépression qui provoque une élévation du niveau de la mer et le déclenchement de vents très violents. Ces derniers lèvent alors une houle de forte amplitude, qui attaque les hauts de plages, emportant le cordon littoral et submergeant alors l'arrière plage. Ce sont là des événements météo marins d’apparition plus rare et plus aléatoire mais néanmoins fortement agressifs. Tous ces événements montrent bien que les tempêtes (vents forts, énergie des hautes vagues et mouvements puissants des tempêtes) restent nuisibles et destructrices pour un rivage côtier, particulièrement dans le cas où la plage est en déséquilibre, il s’ensuit alors un important recul du rivage. C’est ce qui s’est passée à plusieurs reprises sur le littoral de Tétouan dont les plus importants impacts ont été notés d’après le LPEE, (1994 et 1997) et Merzouk (1996) :

(1) au nord immédiat du port de M’diq où la tempête de 1963 a causé l’effondrement du talus de route; et le mur de protection de la route à Fnidek (Photo, 6)

(2) à Azla où de fortes houles (tempêtes de 1989 et 1990) ont été à l’origine de la destruction du mur de protection de la route, avec une forte érosion des plages et l’apparition des platiers rocheux sous-jacents; (Photo 7) ;

(3) à Kabila et à M’diq, où les plages ont été totalement érodées par des houles de tempêtes en mars 1990. Le plus spectaculaire événement était le recul du trait de côte de 20 à 30 m du rivage de Kabila.

L’énergie de la houle était décuplée et les parasols ainsi que les fondations de certaines constructions ont été déchaussées sur 1 à 2 m (Photo 8 et 9), les platiers rocheux sous-jacents totalement découverts dans certaines régions de ce littoral (Photo 10), et le sable a été dispersé vers le large. Le rechargement de la plage avec les produits de dragage du port, combiné au retour des conditions modérées de la houle, a permis à la plage de retrouver une largeur de 40 à 50 m. l’impact de cette houle forte a été noté le long de tout le littoral étudié.

(4), plus au Nord, le mur de protection de la route littorale de Fnidek a été plusieurs fois endommagé par les houles de tempêtes essentiellement frontales. En effet, de courants marins de la Méditerranée deviennent très forts et rapides à proximité de cette côte, et les houles arrivent en plein fouet sans aucun obstacle pour les freiner.

Il n’ y a aucune donnée ni de la durée, ni de l’intensité ni de l’origine de ces événements paroxysmiques. Le long du littoral de Tétouan, de telles houles feraient vraisemblablement partie des régimes de tempête provenant des secteurs situés entre N 78° et N 88° (cf Chapitre 2 partie1). Elles se caractérisent par des amplitudes dépassant 6 mètres pour des périodes de 10 secondes à 11 secondes.

Toutefois, les relations entre la morphosédimentologie des plages du littoral de Tétouan et les conditions hydrodynamiques restent en effet difficile puisque les données de houle correspondent à celle du large, et ne renseignent pas réellement sur les conditions de la houle à la côte qui sont pourtant les plus déterminantes dans l’évolution morphodynamique des plages, comme cela a été noté par de nombreux auteurs (Sonu et Van Beek, 1971 ; Pino et Jaramillo, 1992). Une mise en évidence des relations sur la morphosédimentologie et les conditions hydrodynamiques ne pourra être le résultat que d’une combinaison de mesures des houles et des courants in situ dans cette zone côtière, et d’un suivi des caractéristiques sédimentaires régulier des plages.

III-3-4. L’élévation du niveau marin

Le processus d’élévation du niveau de la mer semble en cours. En raison de cette augmentation, les vagues déferlent plus près de la ligne de rivage, libèrent leur énergie plus haut sur l'estran et modifient le profil des plages; ces dernières démaigrissent et disparaissent totalement si de

nouveaux apports ne viennent compenser les pertes (Paskoff, 1994). Et sachant que le niveau des mers s'est relevé en moyenne 1.8 mm/an entre 1961 et 2003 (GIEC, 2007), et s’est accélérée entre 1993 et 2004 avec un taux de 3.1 mm/an (Lombard, 2005), tout porte à croire que la dynamique érosive des régions côtières ait été renforcée. « L'élévation actuelle du niveau de la mer est une des causes non négligeables de la crise érosive que connaissent les plages un peu partout dans le monde » (Paskoff, 2001). Le littoral de Tétouan ne semble pas échappé à ce phénomène surtout que les données altimétriques de Topex /Poseidon estiment une vitesse d’élévation du niveau marin de la région étudiée à 2.5 mm/an, depuis 1990. La remontée du niveau de la mer, accélérée durant la dernière décennie, est un agent déterminant du recul de la ligne de rivage. Ce lent grignotage des terres, émergées, par la mer pourrait expliquer l’ampleur de l’érosion notée de façon synchrone le long des deux côtes (nord et sud) de Tétouan, durant la période 1997-2003. Ce phénomène serait compensé par un stock de sédiment insuffisant.

III- 4. Les processus morphodynamiques

Pour mieux cerner le rôle des agents hydrodynamiques sur les processus morphodynamiques et le transport sédimentaire dans la frange littorale de Tétouan, une analyse des paramètres morphométriques a été effectuée suivant la méthode de Suanez et Provansal (1998). La figure 33 montre la distribution dans le temps et dans l’espace de la relation entre les paramètres (e) et (d).

0 50 100 150 200 250 300 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50

58/86s1

58/86s2

86/97s1

86/97s2

97/2003s1

97/2003s2

Morphodynamic processes caracterised by forcing agents ( floods, storms)

Little importance forcing agents processes Sectors evolving tow ards

an equilibrium profile

Morphodynamic processes caracterised by important

diffusion ( drift current, w aves)

L e n g th e n in g - d - ( m )

Lengthening Coefficient (e)

A

C

B

Figure II.33 : Paramètres morphométriques (d et e) du littoral de Tétouan par secteurs (Nord –s1-et Sud- s2-) et par Périodes (1958/1986,

1985/1997 et 1997/2003). Faible importance des agents. Secteurs évoluant vers un profil d’équilibre Processus morphodynamiques caractérisés par un important transfert latéral (dérive littorale)

Coefficient de l'allongement (e)

A ll o n g e m e n t (d ) e n m Processus morphodynamiques caractérisés par les agents hydrodynamiques

(Inondations, tempêtes)

Trois groupes sont identifiés et les observations suivantes peuvent être faites :

-Un premier groupe A caractérisé par une faible valeur du coefficient d’allongement (e < 8) et des valeurs de (d) qui varient entre 60 et 130 m. Ceci inclut principalement les données qui correspondent aux secteurs côtiers: de Riffiene à la pointe Al Mina (pour les trois périodes d’études), de Restinga (1986/97), au Nord de Oued Mellah (1958/86), de la rive droite de l’oued Martil ( données des trois intervalles de temps) et la plage d’Azla (1986/97). Ce groupe montre que les processus morpho-sédimentaires répondent à une dynamique rapide d’accrétion ou d’érosion. Les périodes d’importante progradation correspondraient à des périodes répétées de crue et d’apports fluviatiles importants, alors que les périodes d’érosion pourraient être le résultat d’une fréquence accrue de tempêtes et/ou des faibles apports fluviatiles. L’action anthropique telle l’extraction abusive de sables a joué un rôle important dans les variations du budget morphosédimentaire de ces secteurs côtiers.

-Un second groupe B; il est défini par des coefficients d’allongement élevés allant de 20 à 46 et où les valeurs de (d) sont inférieures à 90 m. Il regroupe toutes les zones littorales où les vagues et la dérive littorale sont les principaux agents de transport et contrôlent alors les processus morphodynamiques. Ce groupe inclut essentiellement les plages de Fnidek et M’diq, les secteurs situés entre les ports de Marina Smir et Kabila, ceux qui s’étalent au Nord de Cabo Négro, entre les oueds Mellah et Martil, et de la zone côtière de Sidi Abdessalam jusqu’à Azla.

-Un troisième groupe C ; il présente des valeurs du coefficient d’allongement entre 6 et 16 et des distances (d) allant de 20 à 80 m. il s’agit des secteurs d’Al Mina, le Sud de Cabo Négro et le rivage situé entre l’ancienne et l’actuelle embouchure de l’oued Martil. Ce groupe correspond à une faible influence des agents hydrodynamiques et/ou anthropiques, et révèle que ces secteurs côtiers évoluent plus régulièrement vers un profil d’équilibre.

La mobilité des côtes représente un enjeu important. Le remaniement des plages de sable est une manifestation naturelle des impacts croisés de la marée, du vent, de la houle et des courants marins. Cependant, les actions de l’homme bien plus nombreuses et beaucoup plus nocives, peuvent venir contrarier l’équilibre sédimentaire de la côte.

IV- ACTIONS ANTHROPIQUES ET LEURS IMPACTS SUR LE LITTORAL