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CHAPITRE 5 ÉTUDE DE CAS : LA COOPÉRATIVE LES VALORISTES

5.4 Le choix du secteur informel par les valoristes

5.4.3 Des facteurs explicatifs personnels

Des facteurs personnels ont également influencé le choix des valoristes à entreprendre de manière informelle. Parmi eux, ceux qui semblent les plus influents sont la perte de confiance dans le gouvernement et des aspirations quotidiennes contrastant avec celles d’opportunité d’affaire. Ces facteurs sont issus des perceptions des valoristes.

En effet, pour beaucoup de ramasseurs, démarrer leur activité est souvent dû à un certain scepticisme face aux politiques gouvernementales. Dès lors qu’ils n’ont plus foi envers le gouvernement, ils vont préférer agir dans l’informalité plutôt que de déclarer leur activité auprès

des institutions. Bien que les ramasseurs soient conscients que « c’est le gouvernement qui [leur] donne de l’argent » et donc que, sans les institutions, ils n’auraient droit à aucune aide, financière ou autre, certains voient en lui une manière de prélever de l’argent de façon inéquitable auprès des citoyens. Selon eux, les gouvernements prélèveraient trop d’argent à travers l’impôt sur le revenu et les taxes aux citoyens les plus nécessiteux et pas assez à ceux les plus riches, ce qui engendrait une perte de pouvoir d’achat trop élevée pour les premiers. Il ne deviendrait alors plus pertinent de déclarer son activité, dans le doute que le revenu restant ne soit pas assez conséquent pour subvenir à ses besoins. Aussi, la lenteur dans les démarches administratives, détaillée dans la section précédente, est un facteur de désengagement des valoristes. Alors que ceux-ci ne comptent essentiellement que sur les aides gouvernementales, si les institutions ne sont pas en mesure de les leur fournir, ils vont petit à petit ne plus avoir confiance. Ainsi, certains ne veulent plus avoir affaire aux gouvernements dans le doute de se faire avoir et choisissent donc de ne pas déclarer leur activité auprès des institutions.

Également, partie intégrante des conditions de vie précaires, leur situation peut évoluer, ce qui influence leur choix d’entreprendre dans le secteur informel. Plusieurs ont des besoins qui diffèrent chaque jour et leur façon de ramasser des contenants se distinguera en fonction d’eux. Cela implique une fréquence d’activité variable, ce qui n’encourage pas le choix du secteur formel. En effet, leurs dépenses peuvent varier. Par exemple, comme décrit dans le paragraphe précédent, beaucoup de collecteurs informels connaissent des soucis de santé importants. Lié à cela, plusieurs sont dans l’obligation de payer des soins de santé. Ces frais de santé sont des dépenses onéreuses pour un québécois moyen et, afin d’y subvenir, celui-ci doit soit économiser soit travailler plus pour gagner un salaire permettant ces dépenses. L’activité permet alors de « donner un petit coup de pouce3 » aux ramasseurs dans ces moments. Aussi, un second exemple pourrait être l’aide au logement. Certains services d’aide sociale connaissent une lenteur dans les démarches. Parmi eux, le Supplément au loyer semble être problématique, laissant des citoyens en difficulté financière dans l’obligation de payer un loyer au même montant que les autres tout en ayant des revenus moindres. De ce fait, certains ont des difficultés à payer leur loyer, ce qui nécessite qu’ils collectent les contenants en l’attente d’un relogement. Les revenus sont aussi source de variation. Un exemple

est la Pension de sécurité de vieillesse du Gouvernement du Canada, dès que certains la perçoivent, ils décident d’arrêter la collecte de contenants car l’ajout de la pension à leur revenu leur permet de vivre décemment. Ainsi, dès lors que leurs dépenses sont comblées par les revenus réguliers, certains ramasseurs arrêtent l’activité. Dans ce cas, les valoristes préfèrent le secteur informel qui est plus flexible que le formel.

Enfin, les motivations des valoristes à entreprendre la collecte de contenants consignés se basent sur le besoin d’un « quotidien », ce qui ne les incite pas à choisir le secteur formel. Dû à une insertion sur le marché de l’emploi souvent difficile (Cf. section précédente), beaucoup de ramasseurs se trouvent sans emploi. Aussi, en lien avec la moyenne d’âge élevée des valoristes (Bordeleau & Batellier, 2015), plusieurs sont à la retraite et sans activité quotidienne. Plutôt que de passer la journée chez eux, certains préfèrent combler leurs journées grâce à l’activité de collecte. Elle leur donne à la fois la possibilité de « faire de l’exercice » et de « rencontrer du monde ». Quelques-uns émettent en effet le souhait de vouloir effectuer un effort régulier, que ce soit nécessaire pour leur santé ou par plaisir. Alors qu’il est « difficile de marcher sans but », l’activité de valoriste leur amène une « rétribution [qui] vaut la peine ». D’autres ont également commencé le ramassage car ils s’ennuyaient chez eux et avaient besoin de se changer les idées. De ce fait, sortir collecter des contenants leur permet de rencontrer du monde. Bien que l’entente entre valoristes ne soit pas toujours évidente, elle leur laisse la possibilité de discuter. Ces aspirations se veulent pour l’amélioration du quotidien du ramasseur mais pas d’un point de vue financier. Il n’est alors pas forcément dans l’intérêt des valoristes de formaliser leur activité.

Ainsi, les ramasseurs montréalais préfèrent entreprendre leur activité dans le secteur informel car certains n’ont pas confiance dans le gouvernement. Aussi, leur situation quotidienne est vouée à changer rapidement, ce qui influence leur choix de collecter ou non. Les valoristes vivant souvent au jour le jour, ils n’ont pas d’intérêt à formaliser une activité qu’ils pourraient arrêter possiblement dès le lendemain. Enfin, pour plusieurs, leurs motivations sont d’ordres psychique et physique et non financières, ce qui ne met pas la question de la rentabilité au cœur de la décision et donc celle de la formalisation.