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Etat de l’art

Etape 5 Sélectionner deux ou trois idées-pistes au moyen de critères spécifiques Etape 6 Elaborer les idées-pistes pour en faire des solutions innovantes et réalistes

2.3.3.1.2 Facteurs émotionnels

Après avoir présenté les facteurs conatifs, nous abordons maintenant les facteurs émotionnels.

Lubart et al. (2003) ont résumé trois variables d’impact des émotions sur la créativité que nous illustrons sur la Figure 39ci-dessous:

- une variable motivationnelle : l'émotion est un facteur motivant la créativité - une variable contextuelle : l'émotion permet de favoriser ou d'inhiber les

performances créatives

- une variable fonctionnelle : l'émotion peut stimuler des concepts spécifiques qui, par leur activation idiosyncrasiques, peuvent améliorer la créativité des individus. Nous allons détailler chacune de ces variables dans les sections suivantes.

Figure 39: Impact des facteurs émotionnels sur la créativité

Variable motivationnelle

Il est logique que les concepteurs expérimentent différents états émotionnels au cours du processus d’idéation, notamment des périodes inconfortables lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous. Une fois qu'une solution est en vue en revanche, les concepteurs expérimentent le « flow ». Le concept de flow est un état psychologique complexe déterminé par l'équilibre entre les défis et compétences. Il décrit une expérience perçue comme optimale, caractérisé par une forte implication, de la concentration, de l’engouement et une motivation intrinsèque (Csikszentmihalyi, 1965,1988). Si la situation rassemble plusieurs conditions telles que des objectifs clairs, une rétroaction immédiate, un haut degré de concentration, et des défis supérieurs à la moyenne, alors le sujet éprouve le flow : un sentiment de contrôle, une altération du sens du temps, une perte de conscience de soi, et la fusion de l’action et de l’attention. A l’issue de cette phase de flow, les concepteurs expérimentent le contrôle et enfin la détente (Dorta et al., 2008). Cette phase finale de la création est caractérisée par une ambivalence (Rogers, 1951) :

- d’une part le créateur est habité par le refus de « quitter » son œuvre, par une forme d’anxiété, l’anxiété de la séparation de l’œuvre.

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- d’autre part, ce sentiment est contrebalancé par le désir de communiquer son œuvre au public, de la faire voir, d’être « reconnu » par des gens qui la comprendront.

Variable contextuelle

Le fait qu’une personne soit moins imaginative peut s’expliquer soit parce qu’elle manque de

« matériaux » (connaissances) soit parce qu’elle manque de « ressort » (énergie). C’est le facteur

émotionnel qui crée des combinaisons nouvelles (Ribot, 1900). Pour Gordon (1965) dans le processus créateur, l’élément émotionnel compte même d’avantage que l’élément intellectuel, ce sont ces éléments irrationnels que l’on peut et que l’on doit pénétrer si l’on veut accroître la probabilité de réussite en face d’un problème à résoudre (Gordon, 1965). Les explications et observations concernant l'impact de l'émotion sur la créativité divergent. Certaines études indiquent que l'état d’humeur positif améliore les performances créative et qu'un état d'humeur négatif n'a pas d'influence sur la créativité (Filipowicz, 2006; Isen et Williams, 1988; Isen et al , 1987; Vosburg, 1998). D'autres montrent que l’état d'humeur positif, comme le bonheur inhibe la créativité, et qu’un état d'humeur négative la facilite (Kaufmann & Vosburg, 1997; Martin et al., 1993; Zenasni et Lubart, 2002).

Pour mieux comprendre ces résultats, des critères d’optimisation par rapport à des critères de

satisfaction doivent être distingués (Kaufmann et Vosburg, 1997). Une personne examine de

nombreuses solutions alternatives pour répondre à un problème et persévère dans ce travail jusqu'à trouver les solutions les plus efficaces, c’est l’optimisation. La satisfaction en revanche, suggère que les premières solutions considérées comme satisfaisantes seront accepté. Un état d’humeur positive signale qu’une personne est dans une position satisfaisante, ainsi les participants ne peuvent être motivés pour exercer un effort cognitif supplémentaire. Un état d'humeur négative indique implicitement qu'il existe une situation problématique et que des efforts supplémentaires sont nécessaires afin de retourner à une situation neutre, ainsi les participants dans un état émotionnel négatif sont plus dans l’optimisation (Kaufmann et Vosburg, 1997).

En utilisant une tâche de résolution de problèmes, qui favorisent un critère d'optimisation, un état émotionnel positif conduit à des performances créatives diminué alors qu’une humeur négative conduit à une meilleure performance. En revanche avec une tâche de pensée divergente, un état émotionnel positif améliore les performances car chaque idée générée est considérée comme satisfaisante. Les états émotionnels négatifs entraînent une diminution de la créativité, parce que les individus doivent chercher seulement les meilleures solutions et par conséquent réduire la production divergente (Vosburg, 1998). En somme, les humeurs, contrairement aux émotions, sont relativement diffuses, la durée de ces états affectifs transitoires peut varier. Certains travaux ont donc établi que les avantages de performance de l'humeur positive sont les plus susceptibles de se produire avec des tâches de courte durée, tandis que les tâches de plus longue durée augmentent les chances d'accumuler des avantages de performance de l'humeur négative (Davis, 2009).

Variable fonctionnelle

Lubart et al. (2003) ont proposé l’élaboration d’un modèle de résonnance émotionnelle. Selon cette hypothèse, les expériences émotionnelles pourraient aussi permettre d'établir une passerelle associative entre deux concepts cognitivement distant mais émotionnellement proche (Lubart et al., 2003). Le modèle de résonance émotionnelle (Lubart & Getz, 1997) propose

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que les aspects émotionnels des expériences passées contribuent à l'accès et à l'association créative de concepts. Il s’appuie sur trois composantes :

1. les endocepts, qui représentent des émotions idiosyncrasiques vécu et attaché à des concepts ou à des représentations en mémoire ;

2. un mécanisme automatique de résonance, qui propage le profil émotionnel d'un endocept à travers la mémoire et active d'autres endocepts ;

3. un seuil de détection de résonance, qui détermine si un endocept activé par la résonance (ainsi que le concept ou la représentation à laquelle il est attaché) entre dans la mémoire de travail.

Le modèle de résonnance émotionnelle aboutit à la création d’une association entre un concept source (activé au cours d’une tâche) et un autre concept qui lui est lié de façon

« endoceptuelle » (Lubart et al., 2003). Bergson (1932) évoquait déjà l’idée que l’émotion était

« génératrice d’idées ». Lorsque l’intelligence est laissée à elle-même, « l’esprit travaille à froid,

combinant entre elles des idées, depuis longtemps coulées en mots, que la société lui livre à l’état solide ». Mais

lorsque l’intelligence est inspirée par l’émotion, « il semble que les matériaux fournis par l’intelligence

entrent préalablement en fusion et qu’ils se solidifient ensuite à nouveau en idées cette fois informées par l’esprit lui-même » (Bergson, 1932, Petitmengin, 2003). Et pour Gordon (1965) « la réponse hédonique est une expérience exaltante et l’émotion euphorique qui la caractérise est un puissant moteur de l’activité créatrice chez ceux qui, ayant une fois goûté cette jouissance, cherchent à se la donner le plus souvent possible ».

Comme la seule manière de satisfaire ce désir est de trouver du nouveau, ils sont constamment poussés à inventer par le besoin de ressusciter en eux cet état de détente bienheureuse. A cette libération d’énergie née du sentiment d’être en bonne voie se rattache celle que ressent l’individu ou le groupe au moment où il s’identifie avec ce qu’il vient de trouver.