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Le facteur Émotions Positives Communauté (EPC) de l'échelle de stigmatisation familiale

Étude de modération

4. Le facteur Émotions Positives Communauté (EPC) de l'échelle de stigmatisation familiale

perçue par l'aidant familial ne prédit pas de variation dans le fardeau (t = 1.372, p = .172). Néanmoins, la dimension satisfaction du soutien social exacerbe l'effet entre les émotio ns positives de la communauté et la mesure du fardeau (t = 2.181, p = .031).

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9.6 % de la variabilité du fardeau sont expliqués par la combinaison des variables indépendantes introduites.

5. Discussion

L'objectif de cette étude consistait à observer l'association entre la stigmatisation familiale de la MA perçue par les aidants familiaux, la symptomatologie dépressive et le fardeau. Ensuite il était d'examiner le rôle modérateur du soutien social dans cette relation.

La mesure de la symptomatologie dépressive de l'échantillon d'aidants familiaux (n = 148) signale des scores moyens supérieurs à la moyenne de l'ensemble de la population. Les résultats corrélationnels montrent une association positive significative entre la symptomatologie dépressive du proche aidant et cinq facteurs (PE/REA, A, DD, ENC et CDSC) et une association négative significative avec le facteur (AI) de l'ESF-MA.

Concernant l'association entre stigmate d'affiliation perçu par l'aidant dans l'ESF-MA et dépression, nous remarquons une association positive entre les facteurs "Perturbation Entourage/Réaction Émotion Aidant" (PE/REA), et Dissimulation Diagnostic (DD). Ces

résultats rejoignent en partie la littérature qui mentionne une association positive entre la symptomatologie dépressive et le stigmate internalisé (ex : Corrigan, 2002; Muñoz, Sanz, Pérez-Santos, de los Ángeles Quiroga, 2011; Ritsher, Otilingam, Grajales, 2003). L'association positive entre "Perturbation Entourage/Réaction Émotion Aidant" (PE/REA) et dépression permet d'envisager le coût psychologique pour l'aidant du contrôle social et de l'information (Blum, 1991) dans la gestion des comportements perturbateurs de son proche souffrant de MA. L'association positive entre le facteur Dissimulation Diagnostic (DD) et la symptomatologie dépressive rejoint l'analyse de Pachankis (2007) sur l'implication affective de la dissimulation d'un stigmate. Il rapporte de fortes associations entre symptomatologie dépressive et dissimulation. Ce résultat nous permet de comprendre que si la dissimulation permet d'éviter le stigmate familial, en retour elle augmente le coût psychologique sur la santé de l'aidant familial.

Concernant l'association entre stigmate public perçu par l'aidant dans l'ESF-MA et dépression, le facteur Apparence (A) est associé à la symptomatologie dépressive du proche

aidant. Ce résultat peut donner lieu à deux explications. La première rappelle l'importance de l'apparence soignée du proche pour l'aidant. A tel point que plus il perçoit son apparence négligée, plus il montre de symptômes dépressifs. La seconde concerne la visibilité du proche

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souffrant de MA dans la communauté. En effet, la dimension esthétique (Jones et al., 1988), l'apparence (Corrigan, 2000) constituent des signes discriminants de stigmatisation. Ce signe contribue à montrer la visibilité de la singularité familiale pouvant générer le stigmate familial (Park & Park, 2014) qui a révélé des associations avec la symptomatologie dépressive (Park & Park, 2014).

Les facteurs Emotions Négatives Communauté (ENC) et Comportements Distance Sociale

Communauté (CDSC) envers le parent souffrant de MA perçus par l'aidant familial sont

associés à la symptomatologie dépressive du proche aidant. Ce résultat rejoint notre revue de la littérature qui nous apprenait que l'isolement, le reniement des proches ou des amis représentent des effets perçus de la stigmatisation. Ils conduisent à des états affectifs négatifs (Pachankis, 2007). Aussi, le rapport entre dépression et acceptation par les autres est inversement proportionnel (Baumeister & Leary, 1995), quand l'absence de liens sociaux significatifs est fortement liée à la symptomatologie dépressive (Baumeister & Leary, 1995).

Concernant l'association entre stigmate structurel de l'ESF-MA et dépression, moins

l'aidant a accès à l'information concernant la maladie de son proche parent souffrant de MA, plus sa symptomatologie dépressive augmente. Ce résultat converge avec le constat signalant que la stigmatisation structurelle (représentée ici par le facteur AI) désigne un indicateur social de santé (Hatzenbuehler & Link, 2014). Au même niveau, il rejoint les recherches de Link & Phelan (2001) montrant que la stigmatisation structurelle réduit le bien-être des personnes stigmatisées (Link & Phelan, 2001).

En définitive, nos résultats concordent avec l'analyse conceptuelle du stigmate familial de Park & Park, 2014) mentionnant que la dépression représente une conséquence émotionnelle du stigmate familial. Néanmoins, nos résultats émergent d'une étude transversale, donc ils n'indiquent pas des conséquences mais seulement des corrélats et des effets.

Sur un autre plan, nos résultats montrent six facteurs (PE/REA, A, DD, ENC, CDSC, AI)

de l'ESF-MA associés significativement à la symptomatologie dépressive de l'aidant mesurés par la BDI-II. Dans la littérature, ces variables (décrites ci dessus) représentées ici par ces facteurs ont montré des liens significatifs avec la symptomatologie dépressive. Par conséquent, nous soumettons que ces résultats permettent d'améliorer la va lidité concourante de l'ESF-MA.

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La mesure du fardeau révèle que notre échantillon d'aidants familiaux présente un fardeau

léger à modéré. Dans le contexte de la MA, deux études ont montré des liens entre stigmate familial de l'aidant et fardeau, mais aucune étude n'a montré précisément ce qui, dans le stigmate familial, était à l'origine de la corrélation avec le fardeau. La distribution en facteurs de l'échelle FS-ADS permet cette observation. Ainsi, nos analyses corrélationnelles mettent en évidence 4 facteurs (PE/REA, A, ENC et CDSC) de l'ESF-MA associés au fardeau. Ces résultats sont proches des études précédentes. Ils montraient une corrélation significative entre le fardeau et la dimension aidant du stigmate familial (Kahn et al., 2016; Werner et al., 2011). La dimension aidant est représentée en partie dans notre recherche par le facteur Perturbation

Entourage/Réaction Émotion Aidant" (PE/REA). Ainsi, comme nous l'avons suggéré dans

l'étude N°1, ce facteur est intégré au stigmate d'affiliation perçu par l'aidant. Il a été observé une association positive entre le sentiment de fardeau perçu par l'aidant et le stigmate d'affiliation chez les aidants familiaux (Mak & Cheung, 2008; Werner & Shulman, 2013). Encore, ce facteur révèle le contrôle social de l'information par l'aidant devant les comportements problématiques du proche, pour éviter le stigmate (Blum, 1991; Mac Raé, 1999). Donc, cela nous permet de comprendre que ce facteur augmente le fardeau de l'aidant. Ce résultat corrélationnel est important à considérer. En effet, le fardeau représente le sentiment de charge en soins de l'aidant dans sa relation d'aide. D'ailleurs, les services de professionnels proposent des moyens humains relationnels ou instrumentaux pour diminuer le sentiment de fardeau chez l'aidant. Pourtant, il a été mentionné que la peur de la stigmatisation constituait une barrière de soins (ex : Carpentier et al., 2008; Mak & Cheug, 2008). Si ce résultat confirme les études antérieures, il renouvelle aussi l'importance à accorder au stigmate familial et d'affiliation dans son association avec le fardeau. Cette considération permettrait sa prévention qui ouvrirait probablement sur une fréquentation plus régulière des services professionnels d'aide et de soutien chez les aidants familiaux.

Concernant l'association entre le fardeau et le stigmate public perçu par l'aidant, trois

facteurs (A, ENC et CDSC) de l'ESF-MA sont associés positivement au fardeau. Ce résultat montre clairement l'association entre stigmate public et fardeau, ce qui signifie que le fardeau de l'aidant n'est pas uniquement associé à l'aide dispensée au proche de souffrant de MA. L'atmosphère psychosociale qui règne autour de la MA du proche ressentie par l'aidant (Emotions Négatives Communauté) participe à l'augmentation du fardeau de l'aidant.

Le facteur Comportements Distance Sociale Communauté "(CDSC) envers le proche perçu par l'aidant associé à l'augmentation du fardeau rappelle le sentiment d'abandon (Thomas et

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al., 2005) ressenti par l'aidant, comme le ressenti de désertion de l'entourage en raison de la maladie du proche (Pin, Bodard, & Richard, 2010). Le lien avec le fardeau est montré par l'analyse de Kahn et al., 2016 trouvant que le manque d'aide est associé à l'augmentation du fardeau parmi les aidants (Kahn et al., 2016). D'ailleurs Soullier (2012) mentionnait que plus les aidants ressentent un sentiment de solitude, plus leur sentiment de fardeau augmente. L'exploration de la modé ration dans cette étude révèle que la disponibilité du soutien social modère les effets entre le facteur Apparence (A) et la symptomatologie dépressive de l'aidant. Ce résultat suppose que le soutien disponible participe à l'attention envers l'apparence de l'aidé en soutenant l'aidant familial dans les tâches instrumentales, ce qui a pour effet de limiter l'apparence négligée du proche aidé, laquelle montre un effet sur la symptomatologie dépressive de l'aidant.

Parallèlement, le soutien disponible modère les effets entre le facteur Comportements

Distance Sociale Communauté et la mesure du sentiment de fardeau. Ce résultat pourrait

s'expliquer par le fait que les comportements de distance sociale de la communauté envers le proche aidé perçus par l'aidant seraient palliés par le soutien disponible autour de l'aidant familial. Le soutien disponible réduirait le sentiment de fardeau de soins de l'aidant. Ces résultats rejoignent la littérature indiquant que la dimension disponibilité participe de l'aspect objectif du soutien social (Bruchon-Schweitzer et al., 2003).

La disponibilité du soutien social semble être au comportement ce que la satisfaction du soutien social est à l'émotion. Ainsi, la modalité satisfaction du soutien social modère les effets entre le facteur Emotions Négatives Communauté et la mesure du fardeau. Ce résultat rappelle que pour maintenir son identité l'individu a besoin qu'elle soit actualisée par des liens sociaux et renforcée par la coopération (Tap, et al., 2002).

Ensuite la modalité satisfaction exacerbe les effets entre le facteur Emotions Positives

Communauté perçues par l'aidant à l'égard du proche et la mesure du fardeau. Ce résultat

retient l'attention car il est contraire à l'idée répandue que les émotions positives entraînent un comportement positif. Nos données indiquent que l'aidant familial montre une insatisfaction face aux émotions positives de la communauté envers le proche aidé, ce qui augmente son sentiment de fardeau. La littérature a montré que la stigmatisation n'est pas toujours directe, virulente ou agressive. Elle peut prendre la forme subtile d'une extrême gentillesse, d'attitudes condescendantes, de surprotection ou d'infantilisation à l'égard de la personne stigmatisée (Ilic

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et al., 2013), au point que l'aidant familial puisse ressentir cette différenciation qui exacerberait son sentiment de fardeau.

Finalement, les résultats de notre étude de modération convergent en partie avec ceux de (Werner & Shulman, 2013) mentionnant que le soutien social peut modérer la relation entre stigmatisation et dépression et entre stigmatisation et fardeau parmi les aidants familiaux.

6. Conclusion

Cette étude montrait que le stigmate familial perçu par l'aidant était impliqué à plusieurs niveaux dans le fardeau et la symptomatologie dépressive de l'aidant familial. D'une part, conformément aux études précédentes, le fardeau montrait des associations positives avec le stigmate d'affiliation et le stigmate public perçus par l'aidant Ensuite, la symptomatologie dépressive du proche aidant corrélait positivement avec le stigmate d'affiliation, public et structurel perçu par l'aidant.

Alors que l'analyse conceptuelle du stigmate familial montrait les conséquences émotionnelles, sociales et interpersonnelles, l'apport de cette étude consistait en partie à explorer le rôle modérateur du soutien social entre les effets observés et le stigmate familial. Le choix du soutien social comme modérateur s'est imposé compte-tenu de l'isolement social des familles subissant le stigmate familial notamment l'isolement social des membres de la famille dont un parent souffrait de MA. Ainsi, nous avons pu montrer que la dimension disponibilité du soutien social affichait un rôle modérateur entre le facteur Apparence du proche parent souffrant de MA et l'augmentation de la symptomatologie dépressive de son proche aidant, puis la dimension disponibilité et satisfaction du soutien social montrait un rôle modérateur entre les facteurs Émotions Négatives Communauté et Comportements de

Distance Sociale Communauté perçus par l'aidant familial sur l'augmentation du fardeau.

Enfin, la dimension satisfaction du soutien social exacerbait l'impact du facteur Émotions

Positives Communauté sur le fardeau des aidants familiaux. Dans cette étude de modération,

seul le stigmate public était impliqué.

Compte-tenu de ces résultats, l'ouverture sur une recherche longitudinale serait pertinente. Il serait bénéfique d'explorer l'effet protecteur du soutien social parmi les aidants familia ux de parents souffrant de MA, comme il serait important de développer, à travers des approches psychosociales, des interventions de soutien social auprès des aidants familiaux et de leurs parents aidés. D'ailleurs, de telles actions ont été préconisées po ur pallier les effets et

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conséquences du stigmate familial dans le contexte de la santé mentale (Chronister, Chou, Kwan, Lawton, & Silver, 2015).

Forces et limites

Limites

L'approche transversale utilisée dans cette recherche montre des limites. D'une part, il ne nous est pas permis de mettre en évidence des conséquences du stigmate familial, mais uniquement les corrélats du stigmate familial. D’autre part, la méthodologie utilisée ne nous permet pas de révéler le rôle protecteur du soutien social, mais uniquement son rôle modérateur.

De plus, l'analyse de modération présente une limite importante liée au coefficient de détermination (R²). En effet, bien qu'il soit significatif dans les régressions présentées, il demande de la prudence dans la lecture des résultats obtenus. Il serait souhaitable de poursuivre cette recherche avec de plus grands échantillons.

Forces

Les forces de cette étude résident dans l'information apportée sur la nature des facteurs impliqués dans les corrélats de stigmatisation familiale perçue par l'aidant. Dans le contexte de la MA, aucune recherche empirique n'a mis en évidence, ni les liens entre la symptomatologie dépressive observée régulièrement parmi les aidants familiaux et le stigmate familial perçu par l'aidant, ni l'ensemble des éléments du stigmate familial perçu par l'aidant impliqués dans le fardeau. Notre recherche montre l'implication du stigmate d'affiliation, du stigmate public et du stigmate structurel perçus par l'aidant familial dans la dépression et le fardeau.

De plus, aucune étude empirique n'a cherché à connaître le rôle modérateur du soutien social entre stigmatisation familiale perçue par l'aidant et fardeau, ni entre stigmatisation familiale perçue par l'aidant et dépression parmi les aidants familiaux de personnes souffrant de MA. Aussi notre recherche montre l'implication des facteurs liés au stigmate public perçu par l'aidant familial dans l'étude de modération.

Les corrélats de la stigmatisation familiale perçue par l'aidant ont été examinés. Maintenant nous cherchons à connaître le rôle du fardeau ajouté à celui de la stigmatisation familiale sur la qualité de vie de leur proche souffrant de MA.

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Etude 4 : Rôle de la stigmatisation familiale