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Contamination entre le stigmate public et le stigmate d'association parmi les proches

3.1.3.2.5.2 Approche des neurosciences

3.2 Stigmate d'association et stigmatisation d'association

3.2.1 Contamination entre le stigmate public et le stigmate d'association parmi les proches

La réaction secondaire au stigmate concerne la contamination du stigmate d’une personne dévaluée à ses proches. Il désigne la stigmatisation de courtoisie (Goffman, 1975), d'association (Mehta & Farina, 1988) par association (Angermeyer et al., 2003) secondaire (Milne, 2010) ou familiale (Kreisman & Joy, 1974; Park & Park, 2014; Werner et al., 2011). Ce type de stigmatisation est défini par la contamination du stigmate entre les associés d'une structure sociale telle que le réseau familial, amical, ou relationnel. Toutefois, la structure sociale n’est qu’un prétexte. En effet, la contiguïté par pure coïncidence peut provoquer des réactions de stigmatisation d’association (Pryor et al., 2002). En définitive, deux situations généreraient le stigmate par association. L’une serait liée à une coïncidence fortuite, l’autre serait associée à une relation significative de parenté ou d'amitié.

Plusieurs explications ont été données à cette forme de stigmatisation.

3.2.1.1 Modèle de normalisation

La stigmatisation par association représente un modèle de normalisation montrant "jusqu'où peuvent aller les normaux lorsqu'ils s'efforcent de traiter les personnes stigmatisées comme si elles ne l'étaient pas" (Goffman, 1975, p. 44).

3.2.1.2 Obligation

Les proches sont contraints de prendre sur eux une partie du discrédit de leur proche dévalorisé (Ibid).

3.2.1.3 Association par ressemblance

Dans le contexte du trouble mental, Farina (2000) et Mehta & Farina (1988) supposaient deux raisons pour lesquelles le stigmate se disséminait de la personne souffrant de troubles mentaux aux proches. Premièrement, la présence publique des deux personnes ensemble implique que la stigmatisation se dissémine implicitement de l'une à l'autre. De uxièmement, un individu associé à une personne souffrant de troubles mentaux laisserait présumer que son compagnon a peu de valeur et par conséquent sa stigmatisation paraît légitime.

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3.2.1.4 Conditionnement évaluatif

Une hypothèse postule une forme de conditionnement évaluatif (Walther, 2002; Walther, Nagengast, & Trasselli, 2005). La simple présence d'un proche aux côtés d'une personne dévaluée entraîne un effet de dissémination de l'attitude négative de la personne stigmatisée au proche.

3.2.1.5 Similarités

Dans le contexte de l'homosexualité, il a été observé envers un proche d'une personne homosexuelle, l'interprétation que les deux proches partageraient la même orientation sexuelle (Sigelman, Howell, Cornell, Cutright, & Dewey, 1991). Comme l'un semble similaire à l'autre, les deux sont stigmatisés.

3.2.1.6 Raisons propres

Dans le contexte de la maladie mentale, Corrigan & Miller (2004) suggèrent que les parents sont blâmés en raison de la maladie mentale de leur enfant, les époux sont blâmés pour ne pas assurer la prise de traitement du conjoint malade et les enfants craignent d'être contaminés par la maladie de leur parent.

3.2.1.7 Équilibre cognitif

Il est mentionné la théorie de l'équilibre cognitif (Heider, 1958) dans le processus d'association, c'est à dire que suivant un principe de consistance cognitive, si un individu X rejette un individu Y, ami d'un individu O, alors X rejettera 0 selon un principe d'équilibre cognitif.

3.2.1.8 Effet de contexte

Une explication proposée par Pryor et al. (2012) concerne l'effet de contexte. Quand une personne expose une caractéristique indésirable, elle affiche simultanément un contexte social négatif. Cet environnement négatif .influencerait la stigmatisation du proche.

3.2.1.9 Processus duel

Pryor et al. (2012) proposent un modèle théorique expliquant le processus de stigmatisation par association. Pour Pryor et al. (2012) la réaction initiale au stigmate suit un processus duel dans lequel est impliqué à la fois un processus implicite d’association et un processus explicite de délibération. Selon Pryor et al. (2012), « les processus psychologiques impliqués dans la réaction primaire du stigmate sont ceux qui génèrent les réactions secondaires ou le stigmate par association » (Ibid, p. 225).

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Afin d’étayer leur modèle, ces chercheurs se sont appuyés sur les travaux de Sloman (1996) impliquant deux formes de raisonnement humain et sur ceux de Kurzban & Leary (2001) relatifs à l’approche évolutive du stigmate.

Les travaux de Sloman (1996) suggèrent que, face à une situation à résoudre, l’être humain peut utiliser deux systèmes de raisonnement. Le premier est de nature associative et fonctionne parcontiguïté et similarité. Il est ancré sur l’expérience personnelle de l’individu. Il utilise des concepts génériques concrets, des images, des stéréotypes et des ensembles de caractéristiques. La relation est associative entre les caractéristiques des concepts. La nature de ce processus est reproductive, c'est-à-dire qu’il suit des règles. Ce système est basé sur la généralisation. La forme de calcul est de type corrélationnel. Ce système est temporel et contingent d’une situation. C’est un système réflexe, intuitif, c'est-à-dire que l’individu n’a pas conscience du processus qui a conduit au résultat qu’il produit. Les fonctions cognitives qui utilisent ce système sont entre autres l’intuition, la reconnaissance visuelle et la mémoire associative (Ibid).

Le second système est basé sur des règles. Il est organisé par la nature de la relation entre les symboles. C’est une syntaxe. Il fonctionne sur la manipulation de symboles. Il s’appuie sur le langage, la culture et les systèmes formels. Il utilise des concepts génériques concrets et abstraits comme des caractéristiques abstraites et des symboles. La relation entre ces é léments peut être de nature causale, logique et hiérarchique. C’est un système productif, systé matique de nature stratégique, c'est-à-dire qu’il se conforme aux règles ou ne se conforme pas. Les fonctions cognitives qui utilisent ce système sont par exemple la délibération, l’explication, la vérification (ibid).

C'est ainsi que le processus initial de stigmatisation pourrait être envisagé selon un processus duel où, dans le premier temps, a lieu chez la source de stigmatisation un système « réflexe, immédiat ou impulsif, plutôt émotionnel » (Pryor et al., 2012) de nature associative. Il est intégré à l’évolution des êtres humains à travers la transmission via l’apprentissage. Cela permet de considérer que les émotions négatives à l’égard d’une maladie sont apprises. Dans un second temps a lieu un processus psychologique de raisonnement individuel, de nature contrôlée, délibérative et réfléchie. Ce processus permet un ajustement à la réaction initiale de stigmatisation. C'est un temps de réflexion de reconsidération du stigmate, par exemple, chercher à savoir s’il est approprié de stigmatiser une personne en raison d’une caractéristique socialement indésirable (Ibid).

D'après ce modèle, le processus secondaire de stigmatisation ou stigmatisation par association fonctionnerait selon le même principe, mais nuancé selon la nature de l’association. C'est-à-

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dire que dans une situation de contiguïté par simple coïncidence, le processus réflexe serait appliqué. Dans une situation de relations significatives familiales ou amicales entre une personne stigmatisée et son proche, le processus délibératif serait impliqué. Selon Pryor et al. (2012), l'implication du processus délibératif est expliquée par le temps d'analyse nécessaire à l’observateur pour envisager la nature de la relation entre les personnes.